David
Galula 1919-1967
Né en
Tunisie 1919
Baccalauréat Casablanca env. 1937-38
Entre à
Saint Cyr ; sa promotion 1939 est sortie juste avant la
guerre
Envoyé env.
1939-40 tout en étant membre de l’armée (officier?) à
Tanger comme agent de renseignement bien qu’étant juif.
Probablement espionnage sans uniforme.
Participe
après l’invasion de l’Afrique de Nord dans la campagne
militaire (à partir de 1942) d’abord en l’Afrique de
Nord, puis en Italie et en Allemagne.
Tout de
suite après la guerre env. 1946-9 poste en Chine sous
un officier supérieur, l’attaché militaire, avec 2
autres jeunes officiers pendant 3 ans. Rencontre là son
épouse (américaine) Ruth Morgan.
Env. 1949
observateur de l’ONU à la fin de la guerre civile en
Grèce.
Env.
1949-1955, poste d’attaché militaire à Hongkong pendant
6 ans. Il peut de la suivre de près les insurrections
au Vietnam, en Malaisie et aux Philippines. Rencontre
Westmoreland qu’il impressionne.
Env.
1956-58 commande d’abord une compagnie en Kabylie du 45e
Bataillon d’Infanterie Colonial, puis comme sous-chef de
bataillon.
1962: Il
est conférencier invité sur l’initiative de général
Westmoreland par le Rand Corporation à un symposium au
Centre for International Affairs à Harvard concernant la
contre-insurrection. Reste pendant 2 ans à Harvard. Il
fait en particulier part des expériences de la
pacification en Algérie, mais aussi ailleurs. Il
impressionne et on lui demande un rapport (1963
Pacification in Algeria 1956-58) tenu secret jusqu’au
2004 (publié par le Rand Corporation) qui fait le base
de son livre classique.
1964 il
publie en anglais (en français par Flammarion)
Counter-Insurgency Warfare: Theory and Practice,
republié env. 2006.
Ce livre
est un grand classique militaire (doctrine Galula), et
il est la base reconnue du manuel américain
Counterinsurgency Manual (FM 3-34), actuellement
appliqué en Irak par le général David Petraeus depuis
2005.
Env. 1964
retraite avec promotion du grade lieutenant-colonel à
colonel.
1967: Il
meurt d’un cancer de foie. La veuve Ruth Morgan Galula
née env. 1923 vit encore 2007; ils ont un fils adoptif
Daniel Galula vivant en Californie.
http://www.rand.org/pubs/monographs/200 …
G478-1.PDF
Pacification
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GALULA : "un pont doctrinal entre la France
et les Etats-Unis".
Après avoir suscité un engouement très fort dans la
communauté militaire américaine, l'ouvrage "Contre-insurrection,
théorie et pratique", rédigé en 1963, paraît pour la
première fois en France. Son auteur, le Lieutenant-colonel
David Galula (1919-1968), y livre les leçons qu'il a tirées
de son expérience d'officier français témoin et acteur des
guerres révolutionnaires de la deuxième moitié du XXème
siècle. Le chef d'escadrons de Montenon, en service à
l'état-major des armées, a traduit et présenté l'édition
française.
* * * * *
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Doctrine :
Qui était David Galula?
Nous ne savons de lui que ce qui figure dans son dossier
militaire et dans certaines archives de la Rand Corporation, le célèbre
think tank qui a fait paraître ses travaux aux Etats-Unis. Si succincts
soient-ils, ces documents révèlent la très grande originalité du
parcours de cet officier, qui explique en partie la singularité et la
force de sa pensée.
Entré à Saint-Cyr en 1939, Galula a été projeté dans la
guerre au bout de quelques mois comme l'ensemble de sa promotion.
Rappelé à Aix-en-Provence après l'armistice de juin 1940 pour y achever
sa formation, il a été radié des cadres en 1941, victime des premières
lois anti juifs. Après quelques temps passés en Afrique du nord, dont il
était originaire, il a rejoint l'armée d'Afrique et a participé
activement à la libération de la France; il fut même blessé lors des
combats de l'Ile d'Elbe.
En 1945, il est pour la première fois envoyé en Asie, au
sein des premiers éléments chargés de rétablir la présence de la France
dans cette région du monde. Il y passera près de 10 ans en tout et sera
témoin de la victoire de l'insurrection communiste en Chine (il est même
prisonnier des troupes de Mao Zedong durant une courte période). Il
n'interrompt son séjour en Asie que pour participer brièvement à la
mission des Nations Unies chargée d'observer la guerre civile qui ravage
alors la Grèce (1949-1950); il assiste cette fois à la victoire des
forces de contre-insurrection sur les communistes.
De 1956 à 1958, renouant avec le destin de la majorité
des officiers de sa génération, Galula commande une compagnie
d'infanterie en Algérie. Il applique dans le secteur dont il a la
charge, en Kabylie, les méthodes de contre-insurrection qu'il a tirées
de ses observations antérieures. Ses résultats sont remarqués. Son
avancement, jusque-là assez lent, s'accélère brusquement. Il est
sollicité pour une série de conférences à l'étranger et est affecté à
l'état-major de la défense nationale.
Il semble toutefois qu'il ne parvienne pas à revenir
totalement "dans le moule", puisqu'en 1962 il demande sa mise en congé
sans solde pour partir étudier aux Etats-Unis. On retrouve sa trace au
Center for International affairs de l'université d'Harvard où, en
qualité de professeur associé, il publie deux ouvrages: "Pacification in
Algeria 1956-1958", puis "Counter insurgency warfare, theory and
practice".
Nous ne savons rien ou presque de la fin de sa vie, sinon
qu'il mourut dans l'Essonne en juin 1968.
Doctrine :
Comment se fait-il qu'un ouvrage rédigé en 1963 paraisse pour la
première fois en France en 2008 ?
On a vu que la renommée de Galula en France était restée
assez confidentielle avant son départ pour les Etats-Unis. Il semble
qu'il n'ait jamais été vraiment reconnu de son vivant en dehors des
cercles universitaires américains dans lesquels il a évolué, et que ses
travaux soient longtemps restés dans les archives de la Rand
Corporation. Son retour sur le devant de la scène doit beaucoup à
l'action du général d'armée Petraeus lorsqu'il commandait Fort
Leavenworth, où sont regroupés l'équivalent de notre CID et du CDEF pour
l'US Army. La pensée de Galula a alors beaucoup influencé la rédaction
du manuel de contre-insurrection rédigé conjointement par l'US Army et
le Marine Corps. Le général Petraeus a même rendu la lecture de Galula
obligatoire pour l'ensemble des stagiaires du Command and General Staff
College.
Il était souhaitable qu'un ouvrage français connaissant
un tel succès outre Atlantique soit publié en France.
Doctrine :
Qu'est-ce qui explique l'intérêt des américains pour cet auteur ?
Tout d'abord, je crois qu'il faut mesurer la force de
l'engouement que suscite Galula: le général Petraeus, qui a accepté de
préfacer l'édition française, le qualifie de "Clauzewitz de la
contre-insurrection" et de "penseur militaire français le plus important
du XXème siècle". Quand on connaît le culte que les américains vouent à
Clauzewitz, ces mots sont lourds de sens. Une grande partie des
officiers américains engagés en Irak a lu Galula.
On peut sans doute dire que les théories de Galula
comblent un certain vide dans la culture militaire américaine et
qu'elles ont de quoi séduire particulièrement les militaires engagés
dans les conflits actuels. Il faut rappeler que même si les américains
ont connu avec le Vietnam une guerre révolutionnaire majeure, ils ont
ensuite choisi de tourner la page sur cet échec, sans vraiment en tirer
les leçons stratégiques. Par ailleurs, ils voient chez Galula une
synthèse de l'expérience française en Algérie, qui leur semble assez
proche de leur situation actuelle en Irak.
D'autre part, les théories de Galula ont de quoi les
séduire car elles font la démonstration que la victoire de
l'insurrection n'est pas une fatalité et que les moyens de la combattre
sont avant tout politiques. On sait que les militaires américains
regrettent le peu d'implication des pouvoirs politiques dans la conduite
des opérations de stabilisation et la mauvaise qualité de la coopération
interagency (interministérielle). Or Galula apporte la preuve que ces
facteurs sont des clés de la victoire.
Doctrine :
Les théories présentées par Galula sont-elles réellement
révolutionnaires ?
Il faudrait plutôt dire qu'elles sont originales. Galula
reprend des constats faits par l'ensemble des théoriciens de la guerre
révolutionnaire: le soutien de la population est l'enjeu principal du
conflit, le renseignement est la clé du succès…On peut toutefois
observer que les solutions qu'il propose diffèrent de celles d'auteurs
comme Trinquier , car elles n'impliquent pas systématiquement l'usage de
la force. Galula propose plutôt une sorte d'argumentaire pour contrer la
dialectique communiste et pour convaincre la population qu'elle ne sera
pas plus en sécurité ou plus prospère dans le régime que propose
l'insurrection. Il tire de son expérience une connaissance intime de
l'appareil d'insurrection et en dévoile certaines failles que l'on
retrouve dans tous les exemples de guerre révolutionnaire.
Doctrine :
Justement, ces théories sont-elles réellement applicables dans certains
des conflits actuels ?
Le débat mérite d'être ouvert, ne serait-ce que pour
répondre aux interpellations des militaires américains, qui s'étonnent
souvent que Galula soit si peu connu en France.
La finesse de certaines des observations de Galula, comme
sa description de la psychologie des insurgés ou des réactions de la
population, méritent d’être méditées. On pourrait, par exemple, tenter
de projeter ces schémas sur le conflit qui oppose actuellement le
gouvernement colombien aux FARC pour mieux comprendre la perspective de
chacun des adversaires. Cependant, les recettes qu'il propose, à
commencer par l'adaptation de l'appareil législatif aux conditions de
l'insurrection, sous-tendent une stabilité politique et une indépendance
vis-à-vis de l'opinion publique rarement présentes dans nos démocraties
modernes.
Doctrine :
Finalement, quel intérêt les Français peuvent-ils trouver à la lecture
de Galula ?
Je crois que cet ouvrage est avant tout un document
historique, livrant une vision très originale des guerres
révolutionnaires auxquelles la France a pris part. Nous avons sans doute
un devoir de mémoire vis-à-vis de cet officier. Nous nous devons aussi
d'être capables d'expliquer notre histoire aux américains, de façon
dépassionnée.
Documentation Freddy Galula |