Sylvie Mamou

           UNE TUNISIENNE AU PARADIS

Dimanche 25 Juillet, mon portable sonne, laissant apparaître un numéro que je ne reconnais pas.

<Bonjour Patricia, docteur L a l’appareil, comment allez vous ? et Comment va votre soeur Patricia?>

<Docteur, comme je suis émue de vous entendre, cela me touche tellement que vous m'appeliez,

cela fait bien longtemps n'est ce pas?

Malheureusement  , Sylvie est decedee le 25 Septembre> ma voie s'étrangle,

<OH, je l'ignorai, je suis vraiment désole, ainsi  finalement elle n'aura pas échappe a son destin>.

Cette remarque du merveilleux Dr L me frappe de plein fouet, c’est exactement cela :

 Sylvie, malgré ce combat que tu as  livre  jour après jour avec vaillance et courage pendant

cinq   longues et à la fois trop courtes années, tu n'as pas pu <échapper à ton destin>.

ALI MAKTOUB, MAKTOUB...

Pourtant Jusqu'au bout, j'y aurai cru jusqu'au bout.

La veille de ton départ, tu as eu un sursaut et tu as voulu manger quelque

Chose :<de l'orgeat et du boulou> m'as tu  demande, aussitôt t'ai je  exaucée.

Et bouchée  après  bouchée, <la confiture de tes  yeux>, le lait d'amende sucre et le gâteau de Savoie,

tu t'en aies léché les babines.

Avec ces quelques sucreries  tu avais Tunis, <ton Tunis >, au bord des lèvres.

Son suc et son miel  coulaient jusque dans ta gorge et juste avant ton  tout dernier voyage

tu t'es délectée de tout ce que tu aimais : douceurs de ton pays adore, jusque dans ta bouche servies,

par celle qui n'aurait cède sa place pour rien au monde:moi ta petite soeur...

Ce soir si particulier, ce dernier soir passe ensemble, cet ultime instant de tendresse

et de complicité, ce soir la, je me régalais de te voir te régaler.

Jamais je n'oublierai ce moment la, ce soir la.

Ce soir la a ce moment la, j' y ai cru.

Malgré les mots alarmants de l'interne, au delà des regards tristes et entendus des infirmières dévouées,

 je le savais, j'en étais sure : la crise était maintenant derrière nous:

Tu retrouvais la force de me donner des ordres, tu réclamais  les choses que tu aimais !

Tu recréais Tunis avec trois cuillerées de confiture de coing : toutes ces choses dont tu étais la seule

capable : autant d'indices que j'étais la  seule à pouvoir déceler et  qui me laissaient sans l'ombre

d'un doute espérer et envisager la suite avec optimisme !

N'avions nous pas livre tant de batailles  dont nous étions sorties victorieuses?

Pendant touts ces années, nous nous étions toutes les deux habituées à vivre de crise en crise

et à les surmonter .Nous mélangions alors, colère  rage, courage, chimio et phytothérapie ;

 Foi et grigris en tous genres et abracadabra …tu retournais a la vie comme si de rien n'était !

Entre deux crises nous vivions normalement comme si rien n'était arrive !

 Comme si rien ne pourrait t'arriver!

 Allez, tu gagnerai encore!

 Hélas, tout cela n'était qu'un sursaut, ton ultime sursaut.

 Plus jamais je ne serai sure de rien, rare désormais seront les occasions ou je me fierai  à mon intuition..... 

 Mon amour pour toi et  l’admiration béate que j'ai toujours nourrie pour ta force, ton énergie et ton culot,

auront  eu raison de ma lucidité.

Tu as traverse une autre nuit et tu t'en es allée.

De quoi as tu rêve cette toute dernière nuit?

Laisse moi imaginer : Bambolonis de la MARSA? Jasmins du Belvédère?

 Paque a NABEUL?  Chaises longues devant la cite à l'ARIANA?

Tes 18 ans a la Baraka? Lablabi avale en hurlant de rire à 5 h du mat?

 Glibettes grignotées sans fin sur la plage de Gammarth?

 Thé brûlant du café des nattes?

 Shneck nappe de sucre glace dévore à la sortie de Carnot???

Sylvie tu étais Tunis et l'ambiance de Tunis a toi toute seule!

Potins, cancans, news et scoops du jour: tu as été la <MEMOTHEQUE>de notre communauté!

Tu connaissais tout le monde et tout le monde te connaissait! même de loin !

même indirectement!

Tu parlais à tout le monde et tout le monde te parlait.

Tu as  été l'incarnation  par excellence du< juif Tunisien> :

Homme et Femme a la fois,

Bonne vivante, généreuse, fofolle et courageuse, débrouillarde et inventive,

Humaine si humaine,  gaie et drôle, même dans les pires moments......

  <Patou, tu as rate : quel kif  : il y avait T- O- U- T- le monde : TO U T  T- U- N- I- S !!!!!>,

Si ce n'était le contexte, le si triste contexte de tes propres funérailles, 

si tu avais participe autrement à cet événement, voila ce que tu te serais empressée de me dire au téléphone……..

Effectivement, ils sont venus : ils étaient tous la!

Qui donc? mais les tunes bien sur!

Tous tes tunes ma petite chérie! et pas n'importe quels tunes:la jet set tune!

La crème de la crème! Les nouveaux riches, les anciens riches, les guernis, les pas guernis;

 Tous, ils y étaient tous : pour tout te dire, ceux  qui n'y étaient pas devaient déjà  se trouver  au   ciel !!

Combien de fois depuis le début de cette odieuse maladie ne m’avais  tu raconte comment il t’arrivait de  rêver  de ton enterrement, de la façon dont il se déroulerait.

Terrible, incroyable, c’est comme si tu avais orchestre le dernier grand événement de ta vie terrestre,

tu n’auras donc jamais cesser de m'étonner!

Bref, ils étaient tous la et tous te pleuraient...

 Très sincèrement, parce que, unique en ton genre, tu allais beaucoup  leur manquer ;

parce que, c'est vraiment triste de voir un être mourir si jeune,

parce que, tu laissais tes fils  et ta mère dans le désarroi.

Mais ils t’ont pleurée nevrotiquement aussi, parce que le temps de ton enterrement,

ils se sont certainement imagines à ta place!  Et la il faut dire qu'il y avait vraiment de quoi pleurer!

Un sacre transfert en effet! Même les Tunes meurent un jour : ce jour la, une évidence odieuse franchissait  l'inconscient collectif d'une communauté qui fondait ses comportements sur l'intemporalité et la legerete.

Mais revenons a toi, ce jour la et pour la toute première fois de ton existence,

 Justement, parce que tu n'existais plus, tu nous as rendus tristes et graves.

Tu avais coutume de dire : <personne n'est indispensable>, certes ;

 Toutefois  toi SYLVIE, tu restes irremplaçable ! Pourquoi?

 Parce qu’un jour, la grâce de cette terre chérie, adorée et perdue s'est posée sur toi et ne t'a jamais quittée.

Celui qui t'approchait  s'enivrait sans limites ni pudeur, de cette grasse  mêlée aux

Parfums d'épices, de jasmin et de souvenirs que tu imprimais  partout, pour le meilleur et

pour le pire.

En archétype de Tune que tu étais, même entourée, aimée et soutenue, tu n'étais jamais dupe et encore moins naïve.

Toi , SYLVIE MAMOU, tu avais la clé, le décodeur de cette communauté si particulière;

Les tunes sont des enfants terribles, tu le savais et tu en jouais.

Faire partie de  la communauté TUNE, être reconnu par elle, c’est accepter de lui appartenir.

C'est admettre d'être l'objet de toutes les conversations et de tous les délires verbaux, jusqu'a ce qu'un nouvel évènement survienne et nourrisse une actualité plus fraîche.

Etre TUNE, c’est dur et doux a la fois, cela je l'ignorais jusqu'a ta disparition.

A être Tune, on n'en n'est pas moins homme et après les sanglots vinrent les ragots!

Odieux, impitoyables, faisant fi  de la douleur et de la peine de tes enfants et de ta proche famille.

Tout cela a été terrible et même monstrueux, surtout pour moi, qui suis a la fois ton envers et ton endroit.

Je n'avais pas alors compris qu'être TUNE et reconnu comme tel, a un prix:

celui d'être juge et critique , mais jamais condamne.

Au moment des ragots, si tu avais été la, me protégeant comme d'habitude, tu m'aurais dit:

<BASES!>   <Laisses tomber>.

Ta position de leader dans ce microcosme, t’autorisait distance, philosophie et nonchalance

 face aux médisances, d’ailleurs tu ne le vivais même pas comme cela:

c'était  la règle du jeu et moi la franco tunisienne, cette règle  je ne la connaissais pas.

Quelquefois c'est toi  même qui  les fixais ces règles:

gare a celui ou celle qui ne trouvait pas  grâce a tes yeux.

<Etre TUNE> c'est aussi être merveilleusement généreux, solidaire, dévoue et compréhensif,

 tout cela aussi  tu l'avais compris et  tu l'appréciais jour après jour.

 Au moment où j'écris ces lignes je découvre cette étonnante étude :

<Parmi les babouins du Serengeti, ceux qui s'en tirent le mieux sont ceux qui ont le meilleur réseau d'amitié et des liens sociaux les plus forts;

ceux qui tombent malades sont ceux qui s'inquiètent sans arrêt de ce que les autres pensent d'eux>

 Sylvie, je t'entends d'ici  me traiter de folle d'oser de telles analogies!

pourtant ce n'est pas si fou ni si stupide : les tunes fonctionnent comme les babouins du Serengeti !

 Et toi au cours de ta si courte vie tu auras  été  à la fois le babouin bien portant et le babouin malade.

Ton réseau amical a été ton meilleur allie  et ton pire ennemi.

A être <moins TUNE>, n’aurais pas tu mieux vécu et en tous cas plus longtemps ?

Je ne sais pas, sans toi à mes cotes quelques fois je ne sais plus…………

J’essaye d'avancer mais sans toi c'est tellement plus dur, plus pesant aussi.

Toi, tu avais l'art de désamorcer les dangers et autres difficultés annoncées, tu savais toujours

 réduire  a néant ce qui pour moi avait valeur d'importance capitale, mieux que quiconque tu me remettais les idées en place !

Et lorsque je repense a certaines  de tes plus proches <amies> qui  n'ont pas hésite a laisse entendre haut et fort  qu'elles comptaient bien plus pour toi que moi ta propre soeur, je ne leur en veux plus,

au contraire c’est toi que j’admire encore plus de t’être faite aimée si fort, qu’on en vienne a espérer être de ta famille, de ton sang !

Sylvie même au paradis, telle que je te connais, je pense que tu as  soif d’un scoop ou deux !

si tu savais tout ce qui s’est passe depuis le 25 septembre !.....

Je vais te raconter, à  plus alors !

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