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De Moscou à Gaza en passant par le Caire

 

De Moscou à Gaza en passant par le Caire (info # 012006/12) [Analyse]

Par Stéphane Juffa ©Metula News Agency

 

Le troisième round de négociations entre les 5+1 et les représentants de la "République" Islamique d’Iran s’est déroulé à l’hôtel Golden Ring de Moscou, lundi et mardi derniers. Il s’est soldé par un échec total, les protagonistes ne parvenant même pas à fixer un nouveau rendez-vous pour une prochaine rencontre.

 

Quelques heures avant le début des entretiens, les présidents russe et américain avaient émis un communiqué commun, à partir du Mexique où ils assistaient à un sommet du G20.

 

Messieurs Poutine et Obama y appelaient Téhéran à honorer dans leur entièreté ses obligations telles que décrites dans les diverses résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

 

Ils y reconnaissaient également le droit, pour les Perses, de développer un programme nucléaire à des fins civiles, mais soulignaient que la théocratie chiite devait "faire de sérieux efforts afin de restaurer la confiance de la communauté internationale".

 

Les deux chefs d’Etat demandaient aux ayatollahs de faire la preuve que leur projet nucléaire, comme ces derniers ne cessent de l’affirmer, ne poursuit strictement que des objectifs pacifiques. Les observateurs n’ont pas manqué de souligner que cette requête était étonnante, dès lors que l’AIEA, organe affilié à l’ONU traitant de l’énergie atomique, a publié des rapports circonstanciés démontrant, au-delà de tout doute sensé, que le programme iranien avait pour finalité la fabrication de la bombe atomique, ainsi que des missiles nécessaires à son transport.

 

De par son énoncé, le communiqué conjoint en question démontrait que les deux superpuissances ne partagent pas le même point de vue sur ce dossier. Le contenu du texte constitue en fait les dénominateurs communs minimalistes sur lesquels Moscou et Washington pouvaient s’entendre.

 

Nul doute que les recommandations enceintes dans l’annonce des deux présidents auront eu un effet contraire à celui qu’ils avaient escompté. Ils auront, de fait, conforté les Iraniens dans leur conviction que la "communauté internationale" était divisée quant à l’attitude à adopter en cas d’échec des efforts diplomatiques.

 

Cela s’est traduit, au premier jour de la rencontre, par la projection d’une présentation Power Point par la délégation persane, qui ne répondait en rien aux attentes formulées par les 5+1. Les Iraniens y reformulaient notamment leur exigence de pouvoir continuer à enrichir l’uranium à 20 pourcent.

 

Un diplomate occidental commenta la présentation qui venait de lui être soumise en ces termes : "Ce n’est pas suffisant, ce n’est pas même proche d’être suffisant".

 

Le négociateur russe Sergei Ryabkov, ainsi que le conseiller à la sécurité nationale Nikolaï Patrushev, un proche de Vladimir Poutine, se sont entretenus de longues heures durant, en aparté, avec le chef de la délégation de Téhéran, Saïd Jalili.

 

Les Russes lui ont soumis des propositions destinées à arrondir les angles et à permettre de sauver les négociations. Mais rien n’y fit. Ryabkov avouant que "les points de vue étaient plutôt difficiles et pratiquement inconciliables".

 

Mardi, à la reprise des discussions officielles, la position de la "République" Islamique était encore plus rigide. Ses délégués exigeaient que l’embargo sur leurs exportations de brut soit immédiatement levé, et que leur droit à poursuivre leur programme nucléaire "civil" soit admis et reconnu.

 

Ils ont clairement menacé d’interrompre les négociations dans l’éventualité où le chef des 5+1, la ministre des Affaires Etrangères de l’Union Européenne, Mme Catherine Ashton, ne répondrait pas favorablement à leurs revendications.

 

Après six heures de réunion et un ultime meeting privé entre Ashton et Jalili, on décida d’en rester là. On ne parvint qu’à s’accorder sur une nouvelle rencontre, le 3 juillet prochain à Istanbul, à un niveau inférieur. Lors de cette occurrence, les partis tenteront de convenir d’une nouvelle échéance de négociation à l’échelon politique.

 

A l’issue de la rencontre infructueuse de Moscou, Catherine Ashton a déclaré que "c’était à l’Iran de faire un choix", "que c’était à lui qu’il incombait de décider s’il voulait que la diplomatie fonctionne". Elle a encore précisé que la proposition des 5+1 demeurait inaltérée, qu’en échange de la levée des sanctions ils exigeaient la cessation de l’enrichissement à 20 pourcent, la fermeture de Fodow (Fordo) et l’exportation des stocks d’uranium déjà enrichi.

 

Pendant ce temps, l’Iran poursuit, au contraire, ses efforts effrénés destinés à placer la communauté internationale devant le fait accompli de sa bombe atomique.

 

Il est possible de résumer la rencontre de Moscou en un nouveau refus de la part de Téhéran d’entamer les négociations proprement dites. Jalili est venu dans la capitale russe avec le même objectif qu’à Istanbul et à Bagdad précédemment : gagner du temps tout en évitant que les membres permanents du Conseil de Sécurité n’évoquent ouvertement l’éventualité d’une action militaire. Force est de constater qu’il est parvenu à ses fins, probablement au-delà de ses espérances.

 

Depuis mardi, on n’a guère entendu, de la part de Mme Ashton ou du Président Obama, de déclaration relative à la suite que les Occidentaux entendaient donner après ce nouvel échec dans leurs tentatives de régler le problème par la voie diplomatique. Ce, alors que Téhéran, si rien de concret n’est entrepris et s’il le décide, se trouve à cinq ou six mois de l’accumulation des quantités d’uranium hautement épuré nécessaires à confectionner une bombe.

 

Inquiétude supplémentaire : les 5+1 n’ont pas tenu compte des recommandations des experts, découlant des rapports de l’AIEA, stipulant la nécessité de ne pas se contenter d’exiger de Khamenei et Ahmadinejad l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium.

 

Selon Jean Tsadik notamment, il est indispensable, si l’on entend mettre un terme à la menace de la théocratie chiite, d’inclure la destruction des sites dans lesquels se déroulent les opérations de recherche, de mise au point et d’expérimentation des divers éléments constitutifs d’une bombe atomique.

 

Toujours d’après notre camarade et ses confrères, il importe que l’Iran abandonne également ses programmes de développement de missiles balistiques porteurs des engins nucléaires et qu’il procède à la destruction de ses centrifugeuses, ou, à tout le moins, que celles-ci soient placées sous le contrôle permanent des inspecteurs de l’AIEA.

 

Faute d’obtenir ces concessions de la part de Téhéran, le monde restera à quelques mois de la réalisation de la bombe chiite, que les dirigeants de la junte au pouvoir pourront remettre en chantier quand bon leur semblera.

 

S’il est un pays dans lequel l’on prend ces considérations en compte, c’est Israël, où l’on est, de surplus, extrêmement sensibilisé au paramètre-temps. Le temps nécessaire aux ingénieurs perses pour conclure leur projet apocalyptique.

 

Dans la conjoncture actuelle très meuble, il semble que le véritable dialogue se déroule, par proxys interposés, entre Jérusalem et Téhéran. Dans l’Etat hébreu, on va vraisemblablement décider de se désolidariser du processus diplomatique et réfléchir à des solutions en mode autonome. Ce, bien sûr, dans l’hypothèse où les alliés naturels d’Israël se montreraient plus préoccupés par d’autres avatars que par le besoin d’empêcher la "République" Islamique de devenir une puissance nucléaire.

 

En Israël, où l’on sait que les événements mondiaux sont désormais intimement liés, les experts s’interrogent sur la décision du Hamas de déclencher une épreuve de force avec Tsahal, dans laquelle, militairement, il sortira invariablement perdant.

 

D’habitude, notent les spécialistes, le Hamas laisse les autres groupes islamistes lancer des roquettes à sa place afin de se préserver des ripostes des Hébreux. De plus, en adoptant cette posture traditionnelle, le "Mouvement de Résistance Islamique", qui contrôle la bande de Gaza, se pose en interlocuteur obligatoire de Jérusalem, ès qualité de "l’organisation capable d’imposer aux autres entités terroristes de mettre fin à un cycle de violence et de respecter une trêve".

 

Lors, cette fois-ci, le Hamas sacrifie cette position privilégiée en bombardant lui-même les agglomérations du pays voisin. Etrange !

 

De plus, sa réaction est à la fois illégitime et disproportionnée : Tsahal s’étant borné à réduire au silence deux miliciens occupés à disposer des explosifs à proximité de la route des patrouilles et à annihiler les efforts d’un commando s’apprêtant à lancer des roquettes contre le territoire hébreu. Des prérogatives naturelles, que Jérusalem s’était distinctement réservées lors de l’établissement, par des émissaires égyptiens, des conditions du dernier cessez-le-feu.

 

Difficile de ne pas établir un lien entre les soi-disant négociations de Moscou, condamnées à l’échec par la rigidité de Téhéran, et l’attitude suicidaire de la "Résistance Islamique" à Gaza. D’autant plus difficile, lorsque l’on sait que les Pasdaran – les gardiens de la révolution khomeyniste – encadrent les miliciens du Hamas et lui fournissent le plus clair de son armement.

 

Au cas où la junte théocratique chiite entendrait embrouiller les préparatifs d’une opération bleu et blanc contre ses infrastructures guerrières, elle ne s’y prendrait pas autrement.

 

Surtout que, simultanément, des roquettes ont été lancées à partir du Sinaï en direction d’Eilat, et qu’une étrange opération commando a été diligentée, à partir du même territoire, lors de laquelle un ouvrier israélien a perdu la vie, de même que deux des trois assaillants. On observe que ces agressions spontanées ne sauraient se parer du titre de représailles.

 

Les chefs de Tsahal se montrent évidemment très attentifs à ces développements. Leur réplique doit rester mesurée, tant que les jets de Katiouchas ne génèrent pas de dégâts ou de pertes intolérables. Une obligation de modération destinée à ne pas fragiliser davantage la tâche du maréchal Tantawi en Egypte, à la veille de la promulgation du vainqueur officiel des élections présidentielles. Laquelle promulgation pourrait déclencher des émeutes sanglantes, qui seraient assurément attisées par des images télévisées de victimes collatérales d’attaques israéliennes dans la bande côtière palestinienne.

 

Pour le surplus, les chaînes de télévision occidentales ne se priveraient pas de diffuser les mêmes images en boucle, sans se préoccuper le moins du monde, comme à l’accoutumée, des événements ayant conduit à la riposte de Jérusalem, ni à l’obligation de son gouvernement et de son armée d’assurer la sécurité de leurs compatriotes.

 

Un conflit à grande échelle avec Gaza génèrerait, à n’en point douter, des pressions sur Israël, plaçant ce pays sur la défensive, et rendant ainsi une action contre la bombe chiite difficile à justifier.

 

Les plus grands bénéficiaires d’un tohu-bohu général de ce type seraient les tyrans de la "République" Islamique d’Iran ; il est, naturellement, inutile de leur faire ce cadeau, et indispensable de réfléchir à l’après-Moscou de la manière la plus sereine possible dans un environnement en ébullition.

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