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"LES EMBRUNS DE MA MEDITERRANEE:"
"MON VOYAGE EN TUNISIE"
Par ISABELLE TAHAR MILLER
2eme Partie
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2eme Jour:
Apres un petit dejeuner frugal sur la corniche, nous partons a la recherche du boucher Simon. En ayant consulte la carte, je repere la Rue Amilcar qui est juste a cote de notre hotel. Ce nom me dit quelque chose et apres avoir relu mes notes, je realise que cest la que se trouve la synagogue.
Arrives Rue Amilcar, une ruelle non asphaltee, aucun signe apparent de synagogue! Une petite vieille au visage burine qui mendit, assise sur le perron dune porte, me fixe et me demande:
- "Que cherches-tu?"
- "La synagogue, vous savez ou elle se trouve?"
Elle bondit comme un ressort et me montre du doigt la porte bleue derriere elle.
- "Elle est la" me dit-elle dun air triomphant.
Jy vais de quelques pieces pour la remercier. Elle me raconte quelle na pas dargent pour sacheter des medicaments. Ah, ils savent jouer sur notre corde sensible!
Une ombre feminine apparait sur le pas de la porte voisine. Cest une dame dune cinquantaine dannees. Elle jette un regard agace a la pauvre vieille.
Spontanement je lui dis:
"Vous etes Rachel?"
"Oui" dit-elle a peine surprise.
En fait Roger Zana de Paris mavait dit quelle detenait aussi la clef du cimetiere mais elle me confirme que Simon est la personne a voir.
Je lui demande si elle peut nous montrer la synagogue ce quelle fait bien volontiers. Elle revient avec la clef.
La porte dentree donne sur une cour interieure et les fondations de la souccah sont la. A cette epoque de lannee, le toit en branchage est tout sec. La synagogue est tres emouvante. Les murs sont badigeonnes de chaux blanche et il y a assez de bancs pour y accueillir beaucoup de fideles. Lhekhal de bois verni est recouvert dune etoffe rouge lourde et soyeuse.
Il regne dans ces murs latmosphere des synagogues des pays mediterraneens. Combien de Bar-Mitsvot et mariages cette synagogue a telle abrite? Au mur sont accrochees de hautes etageres avec des livres de priere. Je la trouve bien entretenue et propre et apparemment tout le merite en revient a Rachel qui en la charge. Elle habite en fait juste a cote.
Nous discutons pendant que Justin prends des photos. Apres notre bref echange, je comprends quelle est satisfaite de sa vie a Sousse et elle mannonce avec une fierte non dissimulee, que son fils est le seul etudiant juif de la faculte de droit et quil est tres aime de ses amis. Elle se propose de me preparer le repas de shabbat si nous restons a Sousse.
- " Jaurais de la viande pour un tajine, dit-elle, mais pas de poulet car il ny pas dabattage avant encore 15 jours."
Je la remercie mais lui explique que nous quittons Sousse pour Djerba le lendemain.
La petite vieille nous suit et mattrape par le bras.
- "Aidi la Rachel, elle ne maime pas! As tu des enfants?"
- "Oui, un bebe de 4 mois. Une fille."
- " D...la garde et il va te donner un garcon lan prochain, tu es encore jeune!"
- " Merci" dis-je en meloignant.
En route vers la boutique de Simon. Je marrete au magasin general-une sorte de Monoprix des annees 70- les employees portant les fameuses blouses roses a rayures et petit bonnet assorti. Justin constate que le magasin a au moins 6 employees et pas un client a lhorizon! On trouve de tout dans ce Monoprix: cosmetiques, vaisselle, jouets, alimentation et meme boukha... Ce sera le plus grand et unique supermarche que je verrais en Tunisie car les boutiques dalimentation sont generalement de petites epiceries meme si elles portent le titre ronflant de supermarche.
Errant dans les rues adjacantes nous cherchons la boucherie. Un horloger nous indique la boutique aux portes visiblement closes. Je discute avec lepicier voisin.
Simon ne reviendra qua 15 heures et cela nous donne le temps de refaire un tour a la medina. Le centre ville de Sousse est assez petit et on peut facilment se deplacer a pied. Nous traversons le rond point en courant de maniere anarchique au risque de nous faire ecraser. De toute facon, ici les automobilistes ne connaissent pas le respect du pieton et du passage cloute.
Lexploration de la medina est loccasion dun retour vers le passe. Mon grand pere maternel Simon Germon avait eu une echoppe avant lindependance au 32 de la Rue de Paris, une des arteres principales de la medina. Cetait, il me semble, un petit magasin de quincaillerie (ou de chaussures??). La Rue de Paris est indiquee et nous remontons jusquau numero 32. Instant nostalgie et emotion! Lechoppe est maintenant devenu un magasin de poteries.
Nous flanons ensuite dans les rues et jen profite pour acheter des epices tres bon marche: safran, harissa, droh et mlokiah, huile dolive vierge et du pror (lencens que lon brule contre le mauvais oeil). Le marchand me dit elogieusement que je suis une gazelle! Je prends ca pour un compliment et ce qualificatif amuse Justin qui ne cessera de mappeler "la gazelle" jusqua la fin du sejour.
Justin soffre une chechia rouge et nous faisons affaire avec le marchand de tapis pour un tapis aux couleurs vives, dailleurs trop sale et degrade a mon gout, mais dapres le marchand fait a la main par des berberes et que lon pose traditionnellement sur la bosse du chameau!! Le marchand na pas lair de comprendre que nous navons pas de chameau chez nous. Justin, lui, est tres fier de son achat. En realite, deuxieme arnaque: le tapis est affreux et dechire, une fois pose dans le couloir de notre appartement philadelphien! Mshekobara comme on dit chez nous! Plaie dargent n'est pas mortelle!
En ayant fini avec nos emplettes, nous repartons voir Simon toujours absent bien quil soit pres de 16 heures. Je ne me decourage pas et le petit epicier indique a un petit garcon pieds nus de nous amener chez Simon qui semble habiter a proximite. Il devale les rues ensablees en courant tres vite. Quelle scene insolite! Il seloigne aussi vite apres nous avoir indique la maison. Justin lui tends quelques pieces en guise de remerciement!
Les filles jumelles de Simon perchees sur le toit de leur immeuble nous regardent interloquees et se demandent ce que ces deux etrangers veulent bien a leur pere. Jexplique que je souhaite me rendre au cimetiere.
Lune delles maffirme que le cadenas est casse donc lacces en est impossible. Deception. Lautre, plus rouee, me dit de la suivre et elle nous entraine chez un certain Yossef. Je lui demande intriguee si elle est juive. A vrai dire, je trouve quelle ressemble beaucoup aux filles de son pays.
- "Oui" reponds-elle timidement;
Je me demande comment ces jeunes filles vont pouvoir trouver un mari juif dans cette communaute en perdition.
Limmeuble de Yossef est vieux et degrade. Au rez de chaussee, elle frappe a une porte et la femme de Yossef , habillee du vetement traditionnel tunisien, un fichu sur la tete me dit en arabe de rentrer. Son visage est accueillant et chaleureux.
La maison est sombre et cest un veritable capharnaum. Tout semble tres rudimentaire. Un sentiment de pauvrete emane de ces modestes pieces et mon coeur se serre. Quelques legumes dans une bassine en cuivre jonchent le sol. Elle me parle en arabe et mentraine vers la chambre ou son mari, un monsieur de soixante-dix ans environ, se repose allonge sur le lit. Je suis genee de penetrer ainsi dans leur intimite et Justin lest encore plus que moi. Ses bonnes manieres ne lautorisent pas a ce genre dincursion inopinee chez les gens. Vive et rapide, elle lui explique que lon veut aller au cimetiere. Il se redresse, se leve et marche avec difficulte. Je le decourage de nous y emmener si cela risque de le fatiguer. Mais deja sa femme a sorti dun tiroir le livre de prieres, sa kippah et elle lui tends la clef tout en le poussant a lexterieur. Elle me propose en arabe de rester passer shabbat avec eux. Je lui reponds dans mon arabe precaire.
- "Lai, choukrane, nemchi fil Jerba radouai!"
Ses beaux yeux verts brillent et je comprends quelle est djerbienne.
Nous attrapons un taxi qui, passe devant la faculte de Sousse, ou saffairent de jeunes etudiants garcons et filles habilles a la mode occidentale. Nous arrivons apres 15 minutes de route-la course ne coutant quun dinar-. Pendant le trajet, Yossef ma raconte, en vrac, que son fils vit a Paris mais que eux, trop ages, restent ici car ils nont pas ou aller, que les arabes sont gentils avec eux et que la cohabitation est bonne, quils nont pas toujours un mynian a la synagogue mais que faire..... Il semble connaitre mon grand-pere maternel Simon.
Les portes du cimetiere sont lourdes, rouillees et la peinture vert deau secaille. Yossef les referme prudemment derriere nous. Je pense a mes arriere grands-parents tous enterres ici. Quel moment emouvant! Jai leurs noms et annees de deces mais mon grand-pere Simon ma prevenu que localiser les tombes de nos chers disparus dans ce cimetiere est tres difficile, vu la facon dont il est structure.
Le cimetiere est un theatre de desolation et a lair totalement neglige et abandonne. Des herbes folles poussent ca et la entre les tombes. Il est a deux niveaux, la partie superieure dominant la mer bleu azur. Nombre de pierres tombales sont cassees et jai peur dy regarder a trop pres. Quelques metres plus loin, cest un terrain vague ou courent des poulets en liberte et ou paissent quelques chevres, appartenant aux maisons arabes avoisinantes. Je parcours les tombes dans lespoir de retrouver un nom familier: Cohen, Dahan, Bijaoui, Levy..... pas de Fitoussi, ni Germon, ni Saada ou Tahar. Avec effroi, je remarque des petites tombes denfant dont la stele indique "Arrache(e) a laffection de ses parents a deux (trois) ans". Cela mafflige. La forte mortalite infantile de lepoque semble etre la cause de ces morts prematurees
Yossef commence a lire les hashkabot en repetant les noms de mes ancetres. Lair est doux et je suis emue. Justin seclipse apres les prieres pour prendre des photos (a venir sur le site).
Yossef me dit:
Il sempresse de me demander quarante dinars-une forte somme pour lui et une aubaine lorsque largent leur fait visiblement defaut-. Cela arrondira leur maigre fin de mois. Merci Yossef!
Jai hate de sortir de cette enceinte, me laver les mains et rentrer a lhotel. Yossef me montre sur la droite le batiment sombre ou on lave les morts. Lugubre. Le dernier enterrement ici a eu lieu en 1992.
Le soir venu, nous nous attablons a un café-restaurant et le serveur, qui a fuit lAlgerie en raison de la montee de lintegrisme, se delecte sur la qualite de la vie en Tunisie. Il me dit quil y a beaucoup de travail ici et que seuls les faineants semblent se plaindre dun hypothetique chomage. Il nous devoile que certains cafes de Sousse ne sont pas recommandables et quils sont le lieu de rencontres masculines peu "catholiques".
Je le trouve tres causant, ce qui nest pas le cas des Tunisiens rencontres a ma grande surprise! Nous naurons aucune conversation developpee avec eux-serveurs de lhotel inclus-comme si ils devaient tenir une certaine distance envers les touristes. Peut etre une consigne de discretion donnee afin que le touriste ne se sente pas importune.
(Suite au prochain numero)
"Isabelle Tahar Miller
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