Un témoignage du Grand Rabbin de France Joseph Sitruk sur Edmond Safra.

La mort tragique d’Edmond Safra a quelque part occulté la vraie personnalité de cet homme hors du commun. Le grand public retiendra simplement l’incendie de Monaco qui coûta la vie à un grand magnat de la banque. Bien triste résumé de la vie de cet homme exceptionnel.

C’est vrai qu’il avait réussi au plan professionnel non parce qu’il était un héritier fortuné mais par son labeur. Travailleur infatigable, il a bâti sa fortune par son activité incessante. Il ne se reposait jamais des succès de la veille, toujours fidèle à une éthique de vie. La réputation qu’il a laissée dans le milieu de la finance entre autre était irréprochable.

Il a illustré admirablement la parole biblique de l’Ecclesiaste « une bonne renommée vaut mieux que l’huile parfumée. » Mais ce qu’il me tient à cœur de dire c’est sa générosité tout simplement exceptionnelle. Il vénérait ses parents décédés il y a longtemps et il a financé d’innombrables synagogues, écoles et lieux d’étude, qu’il a dédies à leur mémoire. Mais plus qu’à un tour du monde de ces réalisations pour ma part je suis touché par l’attention qu’il portait aux plus démunis et aux plus défavorisés. Le nombre de misères qu’il a soulagé et tout simplement incalculable.

Ainsi jeudi après-midi dernier il avait été saisi du cas d’un enfant malade que la famille n’avait pas les moyens de soigner. L’opération complexe et onéreuse ne pouvait se passer qu’aux Etats-Unis. Et bien sans hériter il a envoyé à la famille la somme nécessaire quelques heures avant sa mort.

Très souvent de façon anonyme, il adressait un mandat substantiel à une jeune mariée nécessiteuse ou à un vieillard délaissé…

A des œuvres sociales, religieuses, éducatives, philantropiques il envoyait chaque année une contribution.

Détail significatif en vendant sa banque il y a quelques jours, il demandait confidentialité à son acheteur de continuer à penses à toutes ces œuvres.

Je crois que si il y avait davantage de M. Safra la misère ne serait pas ce qu’elle est dans le monde. Vous pensez peut-être que la richesse l’avait rendu orgueilleux, hautain ou distant ? Il n’en était rien . C’était un homme d’une incroyable simplicité et d’une gentillesse à toute épreuve.

Il n’appartenait pas au monde souvent clinquant et tapageur des grandes fortunes. Son plus grand plaisir consistait à savourer un moment en famille ou à écouter des leçons de judaïsme.

C’était un homme pratiquant et croyant. Il nous laisse un grand vide.

Il a quitté ce monde la veille de Hannouca appelée fête des lumières dans le judaïsme.

Sa lumière à lui est allée briller ailleurs dans un monde où il doit être encore plus riche. On y juge les hommes non en fonction de ce qu’ils possèdent mais de ce qu’ils ont donné.

Au fond, c’était un homme bien avisé, il avait investi à long terme : pour l’éternité…

Ce qui compte dans la vie, ce n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce que l’on a compris.

Nous avons perdu un sage c’est là la vraie noblesse, que son souvenir soit une bénédiction.