Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie, par Abdelwahab Meddeb

Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie, par Abdelwahab Meddeb

Extrait du livre consacré aux juifs de Tunisie " par Abdelwahab Meddeb dans son dernier ouvrage : Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie "

Dans le chapitre intitulé " La sortie des Juifs " l'auteur commence par décrire les événements du 6 juin 1967 à Tunis dès que fut connue la défaite des armées arabes et la destruction de l'aviation égyptienne :
Destruction ou mise à sac des centres culturels britannique et américain, Pillage et mise à sac des boutiques appartenant à des juifs sur l'avenue de Parus et dans le quartier La Fayette, incendie de la Grande Synagogue.
Il raconte comment Monsieur Perez " enseignant très aimé du lycée sortit de la grande synagogue en flamme des rouleaux de la Torah, hébété en pleurs, protégé par un cercle d'anciens élèves venus l'extraire d'une horde hystérique saisie de délire ".
Meddeb attribue  l'absence immédiate de réaction des forces de l'ordre  je cite :
  " au cynisme de Bourguiba qui savait comme toutes les chancelleries, que la guerre était perdue par les Arabes dès les premières heures de ce matin de ce lundi. Mais il a laissé la foule se défouler selon son instinct; c'est à se demander même s'il n'y avait pas eu une manipulation afin de faire fuire les juifs, rendant ainsi disponible un espace de négoce majeur pour d'autres prétendants. Mais ce ne sont là que des supputations ".
" toutefois, pour donner le change, le parti de Bourguiba organisa la lendemain un simulacre de meeting populaire en soutien au front arabe...............
Et je me souviens encore de la sortie des Juifs sur la Grande Avenue , plus sûrs d'eux qu'après l'annonce de la débâcle et de l'hébétude qu'elle provoqua. Je conserve l'image d'un jeune juif de mon âge discutant avec nous, courageux,accusateur, irréconciliable, tranchant, radical, bravant les ardeurs majoritaires, dénonçant la lâcheté de ceux qui s'en s'étaient pris à des Juifs sans défense,......
"Il eut l'audace de provoquer ceux qui l'entouraient......Certains hystériques se retenaient pour ne pas le contraindre au silence, d'autres confus buvaient jusqu'à la lie la coupe de la honte.
D'évidence, pour ce Juif, ce face-à-face était une parole d'adieu à la terre natale.
La violence subie ne lui laissait plus de place, plus d'espace pour se mouvoir sans déroger à sa vérité présente et future. ..."

  "Juin 67 m'aura personnellement apporté la désillusion définitive, celle qui m'a à jamais rendu sourd aux antiennes des Arabes, aveugle à leurs chimères; elle m'aura éloigné de la manière dont ils désarticulent le mot du fait, le discours de l'événement. historiquement, cette semaine aura été à l'origine de la dernière saignée juive que connaîtra la ville. depuis lors les juif sont pour ainsi dire disparu du paysage urbain.
" Désormais Tunis n'est plus juive, elle qui; visitée par Maupassant à la veille du XX° siècle, avait été reconnue par lui comme  une"  ville juive. La quasi-disparition des Juifs constitue une perte irrécusable; elle a dépouillé la majorité grégaire habitant la ville de la stimulante et nécessaire épreuve de l'altérité, celle qui met en jeu la vérité de l'étranger et mesure la santé des cirés. irréparable perte, qui risque même d'étrécir la mémoire des lieux et celle des
humains qui les hantent "

Abdelwahab Meddeb

Envoye par Claude Sitbon

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