LE WEB DES JUIFS TUNISIENS

"LES EMBRUNS DE MA MEDITERRANEE:"

"MON VOYAGE EN TUNISIE"

Par ISABELLE TAHAR MILLER

Jour de repos. L’AMIF a improvise tres tot des offices mais helas Justin ne l’a pas su a temps et il a fait ses prieres seul! La journee s’ecoule paisiblement.

Au detour d’un couloir de l’hotel, j’apercois notre femme de chambre, Rabayai, une jeune femme discrete et aux traits doux. Elle travaille dur mais ne se plaint jamais. Nous avons plusieurs fois echange quelques mots et parle de ses six enfants, de son travail a l’hotel…La vie est un peu dure financierement pour elle.

- "Rabayai, tu sais aujourd’hui, ne fais pas ma chambre!"

- "Alech?" me demande t-elle d’un air incredule.

- "Parce que c’est le saint jour du repos pour nous. Moi je suis "yudiai" et toi. tu ne peux pas travailler pour moi le samedi".

Elle me remercie, l’air ravie. Elle a deja tant de travail a faire, la pauvre!

A la fin du Shabbat, Ilan vient nous retrouver, comme promis, a l’hotel. Il s’empresse de s’enquerir de la qualite du repas prepare par sa mere.

- "Ma mere est une championne, hein? Tu sais cuisiner comme ca, toi?"

Je ne peux me targuer d’egaler les talents culinaires de sa mere meme si je me debrouille derriere les fourneaux. Et puis, je ne veux pas l’offenser. Il est tellement fier de la cuisine de sa mere!

- "Tu sais mon frere va ouvrir un restaurant casher dans dix jours a Houmt Souk".

- "Ah ,dis-je et qui va cuisiner?"

- "Ma mere bien sur" me repond-il les yeux brillants.

Je pense: que de travail en perspective pour elle, la pauvre.....

Demain nous repartons a Paris et je repense retrospectivement a la semaine qui vient de s’ecouler. Plutot bien remplie meme si j’ai eu pas mal de frustrations surtout a Sousse. Le soleil n’a pas vraiment ete au rendez-vous mais qu’importe. Nous avons pris des couleurs et je me sens enfin reposee.

Le soleil qui s’est fait si timide tout au cours de la semaine brille ce matin plus fort que jamais. Je fais rapidement mes valises avant de descendre a la plage. Justin se decide enfin a gouter les eaux de la Mediterranee. Shehyanou! Agreable sensation d’eau tiede!

A la plage, je remarque que beaucoup de femmes font du monokini. Sans etre ringarde, je trouve assez deplace que ces femmes, toutes nationalites confondues, s’exposent seins nus devant les serveurs arabes qui visiblement se rincent l’oeil d’un air rejoui. Je me dis que l’on doit respecter les moeurs du pays dans lequel on se trouve!

L’apres-midi arrive vite. Je laisse sur le lit a la petite femme de chambre du chocolat pour ses enfants et une petite trousse de maquillage.

Des que Rabayai m’apercoit dans les couloirs, elle vient m’embrasser les mains. Je suis genee.

- "Shoukrane, toi gentille Madame" me dit-elle avec son accent touchant.

- " De rien, Tu n’as pas a m’embrasser les mains. C’est normal . Tu as ete tres gentille avec moi pendant mon sejour".

- "Inch ‘Allah, nous nous reverrons un jour "me dit-elle ses yeux brillants de sincerite.

-" Inch’Allah" lui dis-je en m’eloignant.

Vers quatorze heures, comme Ilan n’a pas pu venir nous chercher pour nous deposer a l’aeroport, il nous a envoye son copain Tsakhi pour nous chercher. Je trouve cela tres gentil de sa part. Apres tout, nous aurions pu prendre le car qui part de l’hotel ou un taxi.

Tsakhi est un sympathique jeune homme de vingt-huit ans et ses aspirations ne sont guere differentes de celles d’Ilan. Il se demande quel avenir a long terme pour lui sur cette ile et il se plaint de la mentalite archaique des gens, de ses parents….

Deja, nous nous separons devant le hall de depart de l’aeroport. Apres l’avoir remercie chaleureusement de s’etre deplace, nous l’invitons a venir nous rendre visite aux USA.

Le vol s’annonce complet et c’est la panique! Les passagers trepignent d’impatience devant leurs chariots pleins a craquer. Les agents de l’aeroport ont l’air visiblement deborde.

Mon dernier contact avec la Tunisie sera avec le policier au moment du controle des papiers. A la vue de mon nom de jeune fille-decidement-, il me demande d’une maniere directe:

- "Tu es juive?" (Je repense au 1er jour et me dit… encore).

- "Vous les juifs, vous etes toujours les bienvenus en Tunisie. Vous etes ici chez vous." me dit-il d’un air debonnaire.

Pedagogie masquee ou sincerite de sa part, qu’importe! Ses mots me touchent.

Je me rejouis de retrouver enfin ma fille Naomi qui m’a enormement manquee pendant cette semaine. Nous rentrons dans un avion affrete par une compagnie finlandaise. C’est assez insolite et inattendu. La blondeur et l’accent des hotesses, qui ne parlent pas francais mais uniquement anglais, tranchent avec la population semite que nous avons cotoyee pendant la semaine qui vient de s’ecouler.

Voila! J’ai fait mon travail de memoire meme si le resultat me semble inacheve. Mais il etait important de revenir aux sources a la decouverte de mes racines. J’ai oublie de vous raconter que le pere de Justin, qui etait engage dans la Marine americaine pendant la guerre de 39/45, a debarque en 1942 a Bizerte. Qui aurait pense qu’un jour son fils epouserait une fille de Tunisiens! Le monde est petit, non??

A mon arrivee a Paris, je me felicite que ni moi ni Justin n’ayons subi la fameuse tourista du voyageur , "la Djerbienne" ayant la reputation d’etre plus severe que les autres.

Rejouissance helas de courte duree! Des le lendemain, dans l’avion du retour vers les Etats-Unis, nous serons tous les deux violemment malades et ce pendant quinze jours. Adieu le benefice des vacances!

"Tunisie amie" clament les affiches publicitaires enjouees, placardees sur les murs du metro parisien.

Vous croyez???

FIN

"Miller, Isabelle Tahar