Iran dotQom ou les cyber-ayatollahs
mercredi 1 juin 2005 -
Vous voulez des seins en silicone mais vous avez peur de déplaire à Dieu ? A Qom, la grande ville religieuse iranienne, le clergé s'est installé sur internet pour détourner les chiites pratiquants de la voie du péché.
"Nous avons lancé ce site parce que beaucoup de gens s'expriment sur l'islam, sans savoir pour la plupart de quoi ils parlent. La vision des choses reste très superficielle", déclare Nematollah Daneshmand, responsable de saneei.org, site officiel du grand ayatollah Youssef Saneei.
L'ayatollah Saneei, considéré comme un dignitaire chiite modéré, a l'un des sites les plus actifs avec 2.000 abonnés et des dizaines de milliers de visiteurs chaque mois.
"Notre site donne les interprétations et les points de vue d'un expert, et il suffit que les gens se connectent pour avoir accès à l'islam véritable", dit, derrière son ordinateur, Nematollah Daneshmand, qui a lui-même rang religieux intermédiaire d'hodjatoleslam.
Les chiites diffèrent de la majorité sunnite en ce qu'ils ont recours à "des personnalités religieuses vivantes (mojtahed) qui peuvent interpréter l'islam et apporter une réponse à leurs questions" sur la vie privée et publique, explique M. Daneshmand.
Ainsi, selon la charia (la loi islamique) et le hadith (propos du prophète), l'achat et le commerce du sang sont "haram" (proscrits). "Mais c'est parce qu'à l'époque pré-islamique en Arabie, des païens buvaient du sang. Aujourd'hui, avec les progrès de la médecine, on a besoin de faire le commerce du sang. Il est donc autorisé" par la religion, explique le responsable du site de l'ayatollah Saneei.
Sur le site, les croyants peuvent poser des questions "sur tous les sujets, des questions d'héritage aux affaires légales en passant par les relations entre homme et femme dans un couple". Toutes ces questions sont soumises au grand ayatollah Saneei, qui approche des 80 ans.
Tous les après-midi, il se retire dans sa bibliothèque privée, contenant 3.000 livres de théologie "essentiels" pour apporter les réponses aux questions posées.
M. Daneshmand imprime deux mails envoyés récemment au grand ayatollah, qui reçoit chaque jour plus de 60 messages en provenance des pays musulmans ou d'Iraniens vivant en Europe, aux Etats-Unis ou même à Téhéran.
"En résumé, son excellence a affirmé que l'implantation de silicone ou la liposuccion est autorisée si elle ne met pas en danger la vie du patient", affirme avec le sourire M. Daneshmand.
Le Centre d'information Aalulbayt et son site www.al-shia.com, mis en place il y a sept ans, donnent accès aux enseignements de 51 importantes personnalités religieuses, y compris le grand ayatollah iranien Ali Sistani et le guide suprême iranien l'ayatollah Ali Khamenei.
Le site principal est accessible en 27 langues étrangères, dont le chinois, le tamoul, l'italien ou le swahili, et emploie une centaine de personnes pour les mises à jour et le support technique.
Selon les estimations, il y a près de 160 millions de musulmans chiites dans le monde.
Selon Sayed Ibrahim Lajevardi, un religieux qui est également un ingénieur électricien qui dirige le centre, la ville de Qom est devenue "un centre de religieux experts en internet comme il n'en existe nulle part ailleurs en Iran".
"Aujourd'hui, le clergé s'est approprié les technologies les plus modernes (...) l'Islam a toujours été à la pointe de la civilisation", soutient-il.
