Interview détonante de François Léotard à Jérusalem -
Par Georges Lévy - pour Guysen Israël News - Jeudi 6 novembre 2003 -
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Dans le cadre de la visite des 160 députés européens à Jérusalem François Léotard ancien Ministre de la Défense de la France, nous livre à travers le micro de Georges Lévy des réflexions courageuses et porteuses d'espoir.
Afin de ne pas dénaturer l'émotion et la sincérité exprimée par cet amoureux de la paix, nous avons choisi de vous faire écouter l'interview. Neanmoins vous pouvez lire cette interview ici:
INTERVIEW de FRANCOIS LEOTARD le 6 novembre 2003 â Jérusalem. (Transcription) -
Par Georges Lévy - pour Guysen Israël News - Vendredi 7 novembre 2003 -
Georges Lévy :
Monsieur LEOTARD, on va commencer, si vous le voulez, par un tour dâhorizon sur ce que vous avez fait et vu, depuis que vous êtes ici au Proche-Orient, pas seulement en Israël, mais aussi dans les territoires palestiniens.
François Léotard : Oui, nous avons voulu, avec ce déplacement, montrer deux choses. Dâune part, que lâEurope souhaite être présente dans le dialogue politique, ici, dans cette région et que, dâautre part, lâEurope câest aussi les Parlementaires, ce nâest pas simplement les exécutifs, dont nous savons quâils sont souvent contestés en Israël.
Et donc, ce déplacement est dâabord un déplacement de Parlementaires, câest à dire, en fait, de la diversité politique de chacun des pays et du Parlement Européen également. Je crois que ça câest nouveau et très positif.
Jâai soutenu totalement la démarche de François ZIMMERAY, parce quâil me semble quâil faut mettre un terme aux actions totalement unilatérales dâun certain nombre de gouvernements, qui, sans consulter leur Parlement, font des déclarations, prennent des attitudes ou des postures qui ne sont pas toujours celles que souhaiteraient les Parlementaires.
Alors, je crois que câest utile de faire ce genre de choses.
G.L.:
Justement à ce propos, comme vous le savez, il existe depuis peu une initiative en Israël et chez les Palestiniens qui nâest ni de lâordre de lâexécutif, ni parlementaire, seulement extra parlementaire et qui vise à peut-être remplacer, en quelque sorte, lâaction des gouvernements. Quâen pensez-vous? Je veux parler de lâinitiative de Genève
F.L.: Moi, je crois que cette initiative, comme toutes les autres, il y en a eu et il y en aura dâautres, est en elle-même positive. En elle-même.
Mais, la remarque que je voudrais faire pour atténuer cette réflexion, câest quâ elle aurait gagné à être discrète. Je crois que câest quand on la rend publique et quand elle est en profond désaccord avec ce que pense et dit le gouvernement israélien, quâelle risque de prendre un coup dâépée dans lâeau dâune part et dâautre part dâêtre contre productive, encore plus gravement.
Et donc, il me semble que, je ne connais pas le détail de ce texte, mais je sais que ça a eu lieu, je sais lâécho que cela a eu, je sais quelle est la position du Premier Ministre Israélien et je pense que toutes ces conversations devraient être discrètes.
Elles nâont pas à être étalées sur la place publique lorsquâ elles sont contredites par un gouvernement qui, lui, est en charge par lâélection de la négociation.
Monsieur SHARON, on peut lâaimer, on peut ne pas lâaimer, on peut le contester, câest ce qui se passe en Israël, mais il faut affirmer quâil est le Premier Ministre légitime dâun Etat légitime, qui mène des négociations légitimes avec qui il lâentend
Et donc, je trouve un peu curieux quâon se mette de côté comme si on avait une autorité pour le faire.
Et ça câest un peu dommage et je comprends très bien la réaction du gouvernement israélien.
G.L :
Alors, une dernière question, Monsieur LEOTARD, elle concerne les rapports franco-israéliens, est ce que vous pensez quâune délégation comme la vôtre, câest une délégation européenne mais qui comporte des Parlementaires français, peut apporter sa pierre, si je puis dire, à un rapprochement, puisque nul nâest censé ignorer que les relations franco- israéliennes ne sont pas au beau fixe?
F.L.: Moi, je suis très inquiet, quelques fois angoissé, de voir la dégradation quâil y a eu et quâil y a entre lâEurope en général, la France en particulier, et Israël.
Je trouve tout cela, comment dire, très désagréable pour un Français, jâimagine très désagréable pour un Israélien.
Je crois que nous avons souvent fait des erreurs, il faut le reconnaître. Il faut bien voir que la France a passé une partie de son énergie depuis maintenant 20 ou 30 ans à condamner.
Ce nâest pas notre nature et ce nâest pas notre fonction, à condamner à la place des Israéliens eux-mêmes sur des questions qui sont celles de leur propre sécurité.
Je prends simplement deux exemples pour ne pas charger les choses.
Nous avons condamné, il y a déjà longtemps, lâEurope dâailleurs et la France en tête, le raid israélien sur Osirak.
Est ce quâon peut imaginer ce quâaurait été le dernier conflit en Irak si on avait laissé les Irakiens poursuivre leur programme?
Donc, voilà quelque chose qui à posteriori, nous fait honte.
Enfin moi jâai approuvé, mais que les Européens ont honte dâavoir condamné.
Deuxième exemple, le récent raid, également, sur un lieu dâentraînement en Syrie, était une réponse tout à fait appropriée, quand on sait que câest en Syrie que se passe la préparation du terrorisme, notamment
Et donc, voilà deux exemples parmi dâautres, qui montrent que nous avons tout faux dans ce genre dâattitude.
Essayons dâabord de ne pas stipuler pour autrui.
Essayons dâabord de ne pas nous mettre à la place de gens qui sont eux-mêmes en péril, en situation difficile et essayons de contribuer de façon plus positive à la négociation, à la paix que tout le monde souhaite.
Je trouve que cette attitude elle est profondément irritante pour les Israéliens.
G.L. :
Vous pensez quâune modification de lâapproche française et peut-être européenne pourrait donner à lâEurope et à la France peut-être la possibilité de jouer un rôle plus actif, dans le processus de paix au Proche Orient ?
F.L.: Jâen suis convaincu et je pense, en tout cas, quâ il faut militer dans ce sens.
Je suis convaincu que lâabsence de lâEurope, quand elle est trop évidente, trop voyante comme câest un peu le cas aujourdâhui, malgré les efforts de lâAmbassadeur qui représente lâUnion Européenne, lâabsence de lâEurope est quelque chose qui va empêcher les progrès dans le dialogue politique.
Il faut que les Européens soient présents, pas simplement avec leur argent, avec leur diplomate, mais aussi avec lâassentiment des opinions publiques.
Si on considère ce qui est, hélas, le cas dâun certain nombre de responsables européens quâil y a là , en Israël, nâest ce- pas, une espèce de création coloniale de lâOccident, alors là on fait complètement fausse route.
Là , dâabord, on est totalement responsable de la situation dans sa dégradation et on insulte la seule démocratie de la région et je pense quâil faut que nous nous battions pour quâau moins ce lien démocratique, entre deux Etats démocratiques, puisse sâépanouir.
Moi, je suis vraiment choqué par cette attitude qui consiste à ne pas voir en Israël un Etat démocratique et qui était profondément attaché à lâEurope et à la France. Et je mets ça à lâimparfait parce que, malheureusement, ça sâest dégradé.
Il faut retrouver ça.
Il faut retrouver cette atmosphère fraternelle, amicale, responsable qui fait que nous avons les mêmes valeurs, nous avons souvent des racines qui sont les mêmes.
Je plaide pour que les Européens reconnaissent les racines judéo-chrétiennes de leur histoire, même quand ils sont non croyants. Les refuser, câest du négationnisme, câest idiot.
Nous avons ces racines-là . Pourquoi ne pas les reconnaître, même quand on est totalement athée.
Et donc, je suis très étonnée de cette attitude de dénégation.
G.L.:
Vous ne pensez pas que câest le résultat dâune politique qui date de De Gaulle, enfin qui date de la Guerre dâAlgérie où il y a eu un tournant dans la politique arabe de la France ?
F.L.: Ecoutez les mots « sûr de lui et dominateur », très franchement, je voudrais que les Français comprennent quâaujourdâhui, ils sont totalement démentis par les faits.
Sâil y a un peuple qui nâest pas sûr de lui, aujourdâhui, câest bien Israël. Ils sont confiants, ils sont volontaires, ils sont courageux, mais il y a une espèce de doute qui sâintroduit du fait même de lâattitude des Européens notamment.
Et « dominateur » très franchement, je veux dire quand on est entouré de haine, de mépris, de volonté de mort, quâest ce que ça veut dire.
Je pense quâil faut revenir humblement sur les traces de notre histoire récente et essayer de comprendre, de construire avec intelligence ce qui est nécessaire pour, encore une fois, un peuple, un Etat, une culture, je parle de la culture juive dont lâEurope a besoin.
Nous en avons besoin.
Câest une culture qui nous a fondés. Je pense à Spinoza, je pense à Lévinas, je pense à Rabbi Hillel, je pense à tout ça. Nous sommes formés par ça.
Ces mots ce sont les nôtres : « Que ma langue sâattache à mon palais, si je perds ton souvenir, Jérusalem ».
Ca, jâai peur que cela sombre petit à petit dans lâoubli.
Nous sommes issus de cela. Et donc pourquoi essayer de renier ce qui nous a fondés.
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