Pendant plus de soixante ans, le journal d'un jeune garcon juif decrivant sa vie dans une Prague occupee par les nazis a dormi dans un grenier. Le manuscrit de Petr Ginz, mort a Auschwitz a 16 ans, vient maintenant d'etre publie .
Le journal aurait pu ne jamais sortir de l'oubli si le premier astronaute israelien Ilan Ramon n'avait pas decide d'emmener un dessin de la lune dessine par le garcon a bord de la navette Columbia qui a explose en vol en 2003 lors de son retour sur terre.
En lisant alors les journaux, un Praguois a realise l'importance du texte qu'il avait trouve dans la maison qu'il avait achetee. La maison avait auparavant appartenu a un ami de la famille Ginz. Il a alors envoye des extraits scannes du journal au memorial israelien de l'Holocauste Yad Vashem, qui les a transmis a la soeur rescapee de Petr.
"J'ai ete a la fois choquee et passionnee. J'ai su immediatement que c'etait authentique en raison de l'ecriture et des evenements qui etaient decrits", raconte Chava Pressburger. "J'ai immediatement pense qu'il fallait le publier", a-t-elle ajoute .
Dix-huit mois plus tard, son voeu a ete exauce avec la parution du livre "Le journal de mon frere", dans sa langue originale, le tcheque. Elle espere que des traductions en anglais et en hebreu vont bientot suivre.
Petr Ginz avait redige son journal en 1941 et 1942 alors qu'il avait entre 13 et 14 ans. Deporte au camp de concentration tcheque de Theresienstadt (Terezin) en octobre 1942, il fut transfere deux ans plus tard a Auschwitz, ou il fut gaze .
Dans les deux cahiers, Petr Ginz a raconte, en l'illustrant de dessins, la difficile vie quotidienne des juifs a Prague, alternant humour et gravite. "Le port des etoiles juives est devenu obligatoire", a-t-il ecrit sur la premiere page, "sur le chemin de l'ecole, j'ai compte 69 sherifs ".
Il y mele des notations sur le mariage de son professeur ou sur son election comme representant de sa classe. Ailleurs, il parle des amis ou des parents emmenes dans les transports a la destination redoutee.
"C'tait un ghetto sans murs", dit sa soeur, "nous etions tres limites dans ce que nous pouvions faire et nous avions constamment peur. Cette peur m'est restee jusqu'a ce jour", dit Chava Pressburger. "Ce livre permettra en particulier aux enfants de comprendre ce qu'a signifie la Shoah", estime t-elle, "Il est vraiment difficile pour les jeunes d'aujourd'hui de realiser en quelques lecons d'histoire a l'ecole ce que les juifs ont subi exactement". "Le journal a ete ecrit avec les yeux d'un enfant et montre comme un enfant reussit a vivre au jour le jour dans des conditions difficiles ", ajoute-t-elle.
Le livre contient aussi des extraits de journaux que Petr et Chava ont ecrits a Theresienstadt, des photos de famille et quelques uns des dessins de Petr.
Durant sa courte vie, Petr Ginz a ecrit des quantites de poemes, des essais et huit romans, pour l'essentiel de la science-fiction qu'il a lui-meme illustres. A Theresienstadt, un camp que les nazis ont utilise comme une vitrine pour la Croix rouge internationale, il a produit 800 pages d'un magazine scientifique appele Vedem, qui etait distribue aux autres prisonniers. "Petr etait sans aucun doute quelqu'un de tres doue ", dit sa soeur.
"Sa mort n'a pas seulement ete une enorme perte mais elle evoque aussi les generations perdues de millions de personnes qui n'ont jamais pu naitre", estime Leo Pavrat, directeur du musee juif de Prague. Chava Pressburger ne sait pas ce que son frere serait devenu s'il avait vecu. "Mais quelque soit la voie qu'il aurait choisie, il y aurait ete remarquable", dit-elle avec un sourire triste.
