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Mi safa le safa

Auteur hajkloufette 
Mi safa le safa
D'une langue à l'autre" : sous l'hébreu, les cultures d'Israël
LE MONDE | 17.01.06 | 14h07 ⢠Mis à jour le 17.01.06 | 14h07







Qu'est-ce que la langue maternelle ? Celle dans laquelle on a appris à parler ? Celle que l'on parle spontanément ? Celle du rêve ou de l'écriture ? Questions complexes, intimes, que pose dans son film, D'une langue à l'autre, la documentariste israélienne Nurith Aviv. Et que se sont posé, un jour où l'autre, tous ceux qui ont quitté pour de bon le pays dans lequel ils ont grandi. En Israël, elle est consubstantielle au projet politique, l'homme nouveau défini par l'idéal sioniste devant se réinventer dans cette langue toute neuve qu'est l'hébreu moderne en même temps qu'il se défait de son passé.



Partie à la rencontre d'hommes et de femmes de lettres qui ont tous grandi en parlant d'autres langues, Nurith Aviv interroge ce lien organique, spécifiquement israélien, que l'hébreu tisse entre l'intime et le politique. Originaires de Hongrie, de Russie, d'Irak, de Suisse ou du Maroc, les personnes filmées témoignent de rapports disparates à leurs langues maternelles et d'adoption, mettant ainsi à mal l'idée d'une nation unifiée sous la bannière d'une langue commune.

C'est même le contraire qui pourrait s'être produit, suggère le poète palestinien-israélien Salman Masalha, qui a aimé apprendre l'hébreu à l'école jusqu'à ce qu'il acquière la conscience que cette langue lui avait été imposée dans le cadre d'un projet politique conquérant. La maîtrise qu'il en a aujourd'hui lui apparaît comme un moyen de subvertir le projet sioniste : "L'hébreu n'appartient plus aux juifs. L'hébreu appartient à quiconque le parle et l'écrit. Même si des gens venus d'ailleurs l'ont renouvelé, il appartient à cette région comme l'arabe et d'autres langues sémitiques."


LA POROSITÃ DES CULTURES

Ce que les personnages du film partagent est de l'ordre de la douleur. S'il dit avoir "assassiné la langue russe" pour s'approprier l'hébreu, le poète Meir Wieseltier a toujours gardé en lui les rythmes de Pouchkine et Lermontov, dont il avait appris des textes par coeur dans son enfance. Poète elle aussi, Agi Mishol assure avoir trouvé dans l'hébreu son unique "patrie", mais évoque le "lait maternel" quand elle entend parler hongrois. Le rabbin et philosophe Daniel Epstein a choisi d'enseigner en Israël, bien qu'il ne puisse transmettre le flou et les nuances du français qui lui sont si chers...

Qu'ils l'aient refoulée ou sciemment cultivée, leur langue maternelle plane toujours quelque part, et les individus se retrouvent ballottés dans "le malaise de l'entre-deux-langues" comme le dit Agi Mishol â et qu'évoquent, entre chaque entretien, les travellings sur des paysages désolés. Fertile sur le plan de la création littéraire, ce "désancrage" recèle aussi, et c'est ce qui en fait toute la richesse, l'idée très politique de porosité des cultures, d'ouverture à l'autre.


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Film documentaire de Nurith Aviv (55 minutes). Projeté dans une une seule salle, les Trois Luxembourg (Paris-6e). Huit débats du 19 janvier au 7 février. Tél. : 01-46-33-97-77. Sur Internet : [lestroisluxembourg.com].



AM ISRAEL HAY
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