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L autorite ... Ya hassra !!!
Auteur hajkloufette
Une petite histoire qui en dit long sur lautorité
«Range tes godasses, mon fils»
Un père demande à son fils de ranger ses chaussures. En imaginant la même scène tout au long du xxe siècle, le psychiatre Daniel Marcelli explique comment lautorité a évolué*.
1911. Le père, ouvrier, rentre de lusine (harassé), dénoue ses lacets, avise les souliers non rangés de son fils, et, «fort mécontent, lui ordonne de les ranger sur-le-champ».
La mère râle en écho tout en récupérant les godasses du père pour les cirer.
Le fils sexécute pour ne pas prendre une gifle. «Il ny a pas dopposition possible, commente le psy. Chaque parent reproduit ce quil a connu de ses propres parents et cette reproduction rassurante lui donne un sentiment de continuité protecteur. Lautorité triomphe.»
1936. Le père, employé de commerce, rentre, fatigué, enlève ses chaussures et ordonne à son fils de ranger les siennes.
La mère range elle-même les chaussures du père et pense silencieusement quil pourrait le faire lui-même.
Le fils sexécute en maugréant : «Pourquoi, moi et pas lui?» «Lordre continue de régner, commente le psy. On respecte la position du père, mais on assiste à un début dopposition, sinon de révolte. Lautorité se craquelle.»
1961. Le père, instituteur, rentre fatigué, enlève ses chaussures, rappelle à son fils quil lui a demandé à plusieurs reprises de ranger les siennes quand il rentre.
La mère fait remarquer à son mari quavant de dire à son fils de ranger ses chaussures il pourrait donner lexemple.
Le fils range ses chaussures en râlant dautant plus quil sest senti soutenu par sa mère. «Lordre commence à se lézarder, commente le psy. Les chaussures traînent volontiers dans lentrée. Chacun est libre de penser ce quil veut. Et cette liberté nouvellement acquise commence aussi à se répandre dans la réalité. Lautorité se marginalise.»
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1986. Le père rentre énervé et souffre de voir dans lentrée les chaussures de son fils. «Hélas pour lui, les normes ont sombré du côté de Mai-68 et il a le choix»:
1) Enervé, le père demande à son fils de ranger ses chaussures, mais en souriant à moitié et sans conviction. Le psy appelle cette attitude «lexercice dune autorité paradoxale». Car une partie de lui pense: «Ãa y est, je suis enfin un père, un vrai, un qui est capable de commander», et une autre: «Cet ordre est stupide. Je nétais dailleurs pas daccord avec la manière dont mon père me donnait des ordres.»
2) Enervé, le père va regarder la télé pour ne plus penser à toutes ces complications. Le psy appelle cette attitude le «laisser-faire et le renoncement».
3) Responsable, le père prend sur lui et range ses chaussures avant de demander à son fils den faire autant pour les siennes. Le psy appelle cette attitude «le prix du respect». Devant cette conduite exemplaire, la mère dit à son fils: «Prends modèle sur ton père et range toi aussi tes chaussures.» «Elle donne ainsi à son fils, commente le psy, un modèle identificatoire possible, modèle qui commence par accepter pour soi une limite avant de limposer à lautre: cest effectivement le prix inévitable du respect.»
Et en 2011 ? sinterroge notre psy malicieux. Et dimaginer dans lentrée un panier à Nike et à Reebok «où tout le monde jette indistinctement ses pompes en arrivant». Le problème, cest que tous les matins, cest la foire «car il est toujours difficile de mettre la main sur la deuxième pompe, une fois quon a trouvé la première». Mais, optimiste, il imagine aussi une autre possibilité: que «ces parents sefforcent, chacun de son côté, de montrer lexemple et de citer aux yeux de leur enfant le comportement du conjoint comme modèle de respect à intérioriser en souplesse».
En conclusion, il suggère que «tous rigolent de cette fumeuse "loi du père" qui pendant un siècle a obturé les consciences».
(*) Ce texte est un résumé dun article beaucoup plus long : «Des godasses aux Nike, petite histoire de lautorité», publié dans la revue «Enfances & Psy» (n° 22, mars 2003, «Questions dautorité», sous la direction de Danièle Guilbert et Patrice Huerre, 156 p., 15 euros).
Jacqueline de Linares
Fichiers:
«Range tes godasses, mon fils»
Un père demande à son fils de ranger ses chaussures. En imaginant la même scène tout au long du xxe siècle, le psychiatre Daniel Marcelli explique comment lautorité a évolué*.
1911. Le père, ouvrier, rentre de lusine (harassé), dénoue ses lacets, avise les souliers non rangés de son fils, et, «fort mécontent, lui ordonne de les ranger sur-le-champ».
La mère râle en écho tout en récupérant les godasses du père pour les cirer.
Le fils sexécute pour ne pas prendre une gifle. «Il ny a pas dopposition possible, commente le psy. Chaque parent reproduit ce quil a connu de ses propres parents et cette reproduction rassurante lui donne un sentiment de continuité protecteur. Lautorité triomphe.»
1936. Le père, employé de commerce, rentre, fatigué, enlève ses chaussures et ordonne à son fils de ranger les siennes.
La mère range elle-même les chaussures du père et pense silencieusement quil pourrait le faire lui-même.
Le fils sexécute en maugréant : «Pourquoi, moi et pas lui?» «Lordre continue de régner, commente le psy. On respecte la position du père, mais on assiste à un début dopposition, sinon de révolte. Lautorité se craquelle.»
1961. Le père, instituteur, rentre fatigué, enlève ses chaussures, rappelle à son fils quil lui a demandé à plusieurs reprises de ranger les siennes quand il rentre.
La mère fait remarquer à son mari quavant de dire à son fils de ranger ses chaussures il pourrait donner lexemple.
Le fils range ses chaussures en râlant dautant plus quil sest senti soutenu par sa mère. «Lordre commence à se lézarder, commente le psy. Les chaussures traînent volontiers dans lentrée. Chacun est libre de penser ce quil veut. Et cette liberté nouvellement acquise commence aussi à se répandre dans la réalité. Lautorité se marginalise.»
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1986. Le père rentre énervé et souffre de voir dans lentrée les chaussures de son fils. «Hélas pour lui, les normes ont sombré du côté de Mai-68 et il a le choix»:
1) Enervé, le père demande à son fils de ranger ses chaussures, mais en souriant à moitié et sans conviction. Le psy appelle cette attitude «lexercice dune autorité paradoxale». Car une partie de lui pense: «Ãa y est, je suis enfin un père, un vrai, un qui est capable de commander», et une autre: «Cet ordre est stupide. Je nétais dailleurs pas daccord avec la manière dont mon père me donnait des ordres.»
2) Enervé, le père va regarder la télé pour ne plus penser à toutes ces complications. Le psy appelle cette attitude le «laisser-faire et le renoncement».
3) Responsable, le père prend sur lui et range ses chaussures avant de demander à son fils den faire autant pour les siennes. Le psy appelle cette attitude «le prix du respect». Devant cette conduite exemplaire, la mère dit à son fils: «Prends modèle sur ton père et range toi aussi tes chaussures.» «Elle donne ainsi à son fils, commente le psy, un modèle identificatoire possible, modèle qui commence par accepter pour soi une limite avant de limposer à lautre: cest effectivement le prix inévitable du respect.»
Et en 2011 ? sinterroge notre psy malicieux. Et dimaginer dans lentrée un panier à Nike et à Reebok «où tout le monde jette indistinctement ses pompes en arrivant». Le problème, cest que tous les matins, cest la foire «car il est toujours difficile de mettre la main sur la deuxième pompe, une fois quon a trouvé la première». Mais, optimiste, il imagine aussi une autre possibilité: que «ces parents sefforcent, chacun de son côté, de montrer lexemple et de citer aux yeux de leur enfant le comportement du conjoint comme modèle de respect à intérioriser en souplesse».
En conclusion, il suggère que «tous rigolent de cette fumeuse "loi du père" qui pendant un siècle a obturé les consciences».
(*) Ce texte est un résumé dun article beaucoup plus long : «Des godasses aux Nike, petite histoire de lautorité», publié dans la revue «Enfances & Psy» (n° 22, mars 2003, «Questions dautorité», sous la direction de Danièle Guilbert et Patrice Huerre, 156 p., 15 euros).
Jacqueline de Linares
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