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Traduction française : Menahem Macina
Câest une crise et une opportunité. Tandis que, de toutes parts, on se tord les mains de désespoir à propos de lâescalade, apparemment sans fin, du combat entre Israël et le Hezbollah, chacun se demande : Comment cela se terminera-t-il ?
La réponse, claire et aveuglante, consiste à comprendre que cette crise constitue une rare opportunité qui ne se reproduira peut-être plus.
Toutes les forces politiques importantes de la région et du monde, à lâexception des islamistes radicaux de Téhéran et de leurs clients de Damas, veulent le désarmement du Hezbollah et son expulsion du sud-Liban, afin quâil ne soit plus en mesure de déstabiliser la paix au Liban et dans lâensemble du Moyen-Orient.
De quelles forces politiques sâagit-il ? Commençons par les grandes puissances. En septembre 2004, elles ont fait adopter la Résolution 1559 du Conseil de Sécurité, exigeant que le Hezbollah désarme et que lâarmée libanaise reprenne le contrôle du sud-Liban.
La résolution a bénéficié du patronage des Etats-Unis et â mais oui ! â de la France. En tant quâancienne puissance mandataire au Liban, la France a été dâune aide importante pour aider les Libanais à expulser la Syrie durant les dernières heures de la Révolution au pays du Cèdre. Mais la France comprend que lâindépendance et la sécurité sont vaines tant que le Hezbollah âmilice privée, illégale et terroriste, aux ordres de la Syrie et de lâIran â occupe le sud-Liban, où elle constitue un micro-Etat voyou.
Et puis, il y a les Arabes, à commencer par les Libanais qui veulent lâexpulsion du Hezbollah. La majorité des Libanais â chrétiens, Druzes, musulmans sunnites et laïques â ressentent avec amertume le fait que leur pays soit otage du Hezbollah et sa transformation en une zone de guerre. Et ce au nom de quels intérêts libanais ? Israël a évacué jusquâau moindre pouce de territoire libanais il y a six ans.
Les autres Arabes ont parlé, eux aussi. Dans un développement stupéfiant, les 22 membres de la Ligue Arabe ont critiqué le Hezbollah pour avoir provoqué la crise actuelle. Câest un fait sans précédent, de la part de la Ligue Arabe, que de critiquer un membre du camp arabe en conflit ouvert avec Israël. Mais les Etats arabes savent que le Hezbollah, milice chiite au service de lâIran perse, constitue une menace non seulement pour le Liban, mais également pour eux. LâEgypte, lâArabie Saoudite et la Jordanie ont ouvertement critiqué le Hezbollah pour avoir commencé une guerre sur la base de ce qui est essentiellement un calendrier iranien (pour détourner lâattention de lâassignation en cours de lâIran devant le Conseil de Sécurité en vue de sanctions pour son programme nucléaire). Ils sont bien plus inquiets de lâIran et de ses satellites que dâIsraël, et sont donc impatients de voir le Hezbollah désarmé et affaibli.
Bien. Tout le monde est dâaccord sur le fait quâil faut passer à lâacte. Mais qui doit sâen charger ? Personne. Les Libanais sont trop faibles. Les Européens nâenvahissent personne. Après leur amère expérience, il y a 20 ans, les Etats-Unis sont allergiques au Liban. Et Israël ne pouvait agir à lâimproviste, sous peine dâêtre immédiatement stigmatisé comme lâagresseur et contraint à faire marche arrière.
Dâoù lâoccasion en or, sans précédent, de lâerreur fatale commise par le Hezbollah. Il franchit la frontière internationale tracée par les Nations Unies, pour attaquer Israël, tuer des soldats et prendre des otages. Cette agression est si grossière, que même la Russie se rallie au communiqué du G 8, qui condamne le Hezbollah pour ses violences, et appelle à la restauration de la souveraineté libanaise sur le sud du pays.
Mais un seul pays a la capacité de réaliser cela : Israël, dont le monde reconnaît maintenant quâil a été contraint à cette offensive par lâagression du Hezbollah.
La voie vers une solution est donc claire : Israël libère le sud-Liban et le restitue aux Libanais.
Il commence par préparer le terrain par des bombardements aériens, exactement comme pour la Guerre du Golfe, qui a commencé par une campagne aérienne de 40 jours. Mais si lâon sâen tient à cela, le résultat sera un échec. Le Hezbollah restera en place, Israël continuera dâêtre soumis à des tirs, le Liban restera divisé et non libéré. Et cette guerre reprendra, à lâheure que le Hezbollah et lâIran choisiront.
Comme au Kuweit, en 1991, la campagne aérienne doit être suivie dâune invasion terrestre pour nettoyer le terrain et chasser lâoccupant. Israël doit reprendre le sud-Liban et en expulser le Hezbollah. Il déclarera alors ce qui est évident, à savoir : quâil nâa aucune visée territoriale sur le Liban et quâil est prêt à se retirer et à remettre le sud-Liban à lâarmée libanaise (peut-être appuyée par une force internationale), accomplissant ainsi finalement ce que le monde avait demandé : lâexécution de la Résolution 1559 et le retour du Sud Liban sous souveraineté libanaise.
Restent seulement deux questions : la volonté dâIsraël et la sagesse de lâAmérique. Le Premier Ministre Ehoud Olmert aura-t-il le courage de faire ce qui est si manifestement nécessaire ? Et le voyage prochain de la Secrétaire dâEtat, Condoleezza Rice, au Moyen-Orient, en vue de négociations de paix, imposera-t-il un cessez-le-feu prématuré qui lui épargnerait lâhumiliation de revenir au pays les mains vides, mais empêcherait justement le seul genre de résultat militaire décisif, capable de garantir les intérêts dâIsraël, du Liban, des Arabes modérés et de lâOccident ?
Charles Krauthammer
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