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France ou l’intolérable sclérose: © Metula News Agency

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France ou lâintolérable sclérose (info # 012712/6) [Analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency



Une fois de plus, confronté à trop dâinepties, dâasphyxies, dâétroitesses en France, jâai pris lâavion pour me rendre de lâautre côté de lâAtlantique. Ce nâest pas que ce soit parfait aux Etats-Unis, je lâai déjà admis à diverses reprises, mais cela reste un bon exutoire. Câest "moins mal", et par les temps pestilentiels qui courent, on ne peut pas faire la fine bouche.



Lors dâune brève halte à Washington, jâai pu humer en direct les relents de la récente défaite des républicains aux élections de mi-mandat en novembre dernier. Le rapport Baker vient dâêtre publié. Sâil a été reçu, en France, avec enthousiasme et comme un signe supplémentaire de la fin de lâère Bush par lâessentiel des grands médias, lâaccueil ici est bien plus nuancé. Un ami, journaliste au Weekly Standard, émet même lâhypothèse que Bush a laissé Baker parler amplement de façon à saper la position de ceux qui penseraient « réaliste » de se retirer dâIrak hâtivement et dâentamer un dialogue avec la Syrie dâAssad et lâIran dâAhmadinejad. Charles Krauthammer développe quant à lui, dans le Washington Post, une position proche : « le rapport si longtemps attendu sâest révélé avoir des allures de farce » et « donne de facto à Bush lâoccasion de rectifier le tir et dâavancer vers davantage dâefficacité ». Frederick Kagan et Jack Keane ont fait des propositions en ce sens, qui ont été très positivement accueillies à la Maison Blanche et publiées par lâAmerican Enterprise Institute sous un titre évocateur : « Choosing Victory », choisir la victoire.



Norman Podhoretz me lâavait confirmé récemment : « la doctrine Bush nâest pas morte, non. Seuls pensent le contraire ceux qui ont toujours douté de ce président. Si les islamistes étaient persuadés que la doctrine Bush est morte, ils ne se battraient pas contre elle avec autant de vigueur ».



Lâélément qui a le plus séduit en Europe, dans le rapport Baker, a été, au-delà dâune tonalité générale de cynisme et dâapaisement, la façon dont il incriminait Israël et tentait de refaire du conflit israélo-arabe le nÅud gordien de toutes les difficultés occidentales au Proche-Orient : cet élément fait très précisément partie de ceux qui, à Washington et ailleurs aux Etats-Unis, ont valu au rapport Baker les critiques les plus acerbes.



Si en Europe, comme le montrent les sondages, Israël et les Etats-Unis apparaissent à lâopinion publique comme les « pays les plus dangereux pour la paix mondiale », aux Etats-Unis, ce sont lâIran et la Corée du Nord qui viennent en tête de liste. A en croire ce que mâa dit récemment un étudiant français particulièrement cuistre à la fin de lâun de mes cours, câest « parce que les Américains sont très mal informés ! ». Friand de cette « très mauvaise information », jâai tout de même emporté avec moi quatre quotidiens et trois magazines locaux sur le vol qui mâemmenait de Washington à Miami.


Dans le hall de mon hôtel, sur Collins Avenue, jâai pu admirer un sapin de Noël, une crèche et, à proximité, un grand chandelier à neuf branches et une étoile de David, sous laquelle il était écrit « Joyeux Hanoukah ». Cette vision nâavait rien de surprenant aux USA : jâavais déjà croisé ce genre de décor dans les aéroports de Washington et de Miami. Je devais les retrouver un peu plus tard dans ceux dâOrlando et de Dallas, et jusque dans lâenceinte de Disneyworld.



Ben Stein notait, dans le numéro de décembre de The American Spectator, que les Etats-Unis étaient la seule société véritablement judéo-chrétienne sur la terre et la seule à même de comprendre pleinement Israël. Et jâai pu constater, quâune fois de plus, il avait raison. Je pense que seuls ceux qui perçoivent cette dimension de lâAmérique peuvent aussi discerner pourquoi ce pays nâa cessé, au-delà des aléas et des vicissitudes, de constituer ce que John Winthrop, lâun des premiers arrivants, avait appelé « la lueur sur la colline ». Seuls ceux qui saisissent cette dimension des Etats-Unis peuvent ressentir le parfum de liberté si spécial qui flotte dans lâatmosphère américaine, des villes aux grandes plaines et aux déserts.



Miami est une ville significative sur ce plan. Elle a accueilli les réfugiés cubains, rescapés du goulag castriste, les gens chassés de toute lâAmérique latine par la violence et les dictatures (les derniers immigrants viennent du Venezuela de Chavez). Elle accueille aujourdâhui une communauté française qui ne cesse de croître, parmi laquelle on trouve souvent, plus particulièrement dans le quartier Art Déco de South Beach, lorsquâils ne partent pas vers Israël, des Juifs français qui quittent un pays où le pétainisme est loin dâêtre mort.



Comme me lâa dit, quelques jours plus tard, Charles Gave, financier, économiste et grand ami de la liberté : « La France a toujours chassé ses créateurs et ses élites, et elle en a toujours payé le prix ». Gave vit entre lâAmérique et Hong Kong, ne faisant que transiter par Paris. Il a publié, voici quelques mois, un petit livre limpide et lumineux, intitulé « Câest une révolte ? Non, Sire, câest une révolution » (éditions François Bourin), aux fins dâexpliquer aux Français le monde du vingt-et-unième siècle. Peu de Français lâont compris. Ceux qui vivent au cÅur des sociétés agonisantes semblent souvent sourds et aveugles à lâagonie qui sâavance : et câest précisément cela qui rend cette agonie difficilement remédiable.



Charles Gave mâa entretenu dâun livre remarquable de Mark Steyn : « America Alone » (Regnery). Lâauteur y décrit le suicide de lâEurope et la différence radicale qui sépare désormais celle-ci de lâAmérique. En marchant dans Miami, après le déjeuner, de multiples signes de cette différence me sautent aux yeux. Lâespace y est fluide, ouvert, les gens sourient et sont courtois. Il se dégage dâeux, dans lâensemble, une confiance sereine en lâavenir. Il existe un respect de la liberté de chacun, et en même temps une préoccupation respectueuse pour lâautre. Jâai si souvent fait des allers-retours au-dessus de lâAtlantique que je ne puis que voir à quel point tout cela est éloigné de ce qui se passe en France.



Je trouve à Orlando, précisément à Disneyworld, une démarcation supplémentaire entre Amérique et Europe. Je mây rends pour mes enfants, mais je remarque, chaque fois, quelque chose de bien plus vaste : le rapport à lâenfance, à lâinnocence, qui imprègne une part si importante du peuple américain. Jâen suis certain, câest parce que ce rapport nâest pas perdu en Amérique quâil est encore possible dây faire des rêves héroïques, dây réinventer le monde, dây forger de nouvelles espérances en lâêtre humain, dây être choqué et indigné, toujours, par la barbarie.


Dès mon retour à Paris, douche froide. Devant le terminal de Roissy, lâespace est strié, compartimenté, divisé, emmuré. Les files de voitures sont séparées par des murets de béton, eux-mêmes surmontés dâun grillage serré. Dans Paris, comme dans toutes les villes de France, au nom de lâenvironnement, les municipalités investissent dans le ciment, dans lâacier et plantent partout des bornes, des plots, des obstacles jusquâà saturation. Lâennemi, câest non seulement lâautomobiliste, mais aussi le piéton, qui risquerait de divaguer et de ne pas suivre la voie obligatoire et balisée quâon lui impose.



Les sourires sont rares et la courtoisie le plus souvent absente, mais comment sâen étonner dans un contexte porteur dâautant de signes ostensibles dâoppression ? La confiance en lâavenir est en voie de disparition. Lâopinion prédominante est que cela va mal mais que ça pourrait être pire : le spectre de la mondialisation flotte sur lâhorizon et apparaît comme une menace pour le « modèle français », tellement « social » que sept millions de personnes sont considérées comme pauvres, voire indigentes, quâil existe plus dâun million dâallocataires du RMI et plus de cinq cent mille sans abri. Mais, comme lâa dit un présentateur du journal télévisé : « câest tellement pire ailleurs »... Le respect de lâautre et celui de la liberté sont en voie de disparition eux aussi. Le discours ambiant fait planer une culpabilisation : lâêtre humain pollue, lâinitiative individuelle câest le désordre, le développement détruit la planète. Comment sâétonner de la dénatalité et du vieillissement de lâEurope dans ces conditions ?



Charles Gave a donc essayé dâexpliquer aux Français le monde du vingt-et-unième siècle, mais câest une entreprise quasiment impossible. Lâhorloge de la pensée, en France, semble arrêtée à la fin du dix-neuvième siècle. Marx reste une référence. Le nationalisme et le socialisme se partagent une bonne part de lâespace politique.



Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times, auteur dâun livre sur la mondialisation devenu un best seller planétaire (« Le monde est plat », Saint-Simon), se situe à la gauche du parti démocrate. Il passe cependant en France pour un ultra libéral dâextrême droite, parce quâil décrit la réalité sans emprunter les bésicles idéologiques à la mode dans le sixième arrondissement. Il est devenu impossible, à Paris, de dire quâon défend les droits de lâhomme, la liberté individuelle, la liberté dâentreprendre, le droit dâIsraël de vivre en paix, le droit des Irakiens de vivre libres et le droit des populations musulmanes, en général, dâêtre débarrassées du totalitarisme islamique, sans passer pour un réactionnaire infréquentable. La France ressemble de plus en plus au « meilleur des mondes » décrit par Aldous Huxley. Elle a des allures dâasile dâaliénés où quiconque oserait dire autre chose que les mots du Dogme unique serait condamné à la mort intellectuelle.



Câest parce que cette situation me semble abominable que jâai accepté de reprendre la direction dâun think tank. Mais le plus souvent, je suis pessimiste. Les quotidiens français sont prêts à publier, comme cela sâest fait lâété dernier, les diatribes antisémites dâun Harold Pinter ou dâun José Saramago, tandis quâun texte rigoureux et argumenté dâun juif néo-conservateur new-yorkais sera déclaré « impubliable » et « extrémiste ».



Les articles concernant les Etats-Unis sont publiables pour peu quâils soient résolument, caricaturalement, anti-Bush. Ceux sur lâenvironnement sont concevables à condition quâils soient en rigoureuse conformité avec les thèses de Nicolas Hulot. Les discours sur le Proche-Orient sont acceptables tant quâon nâécrit pas que la presse arabe en général, et la presse palestinienne en particulier, est digne du Sturmer sous le Troisième Reich, dès lors quâil est question des juifs. Câest ce quâon appelle la « liberté de parole » en France⦠Toute ressemblance avec les mots dâordre décrits dans le 1984 de George Orwell serait purement fortuite, bien entendu.



« La liberté, câest la servitude » ! Ne dites pas à un grand éditeur parisien quâil vit couché sous les diktats dâune pensée asservie, il vous répondra, très sincèrement, quâil fait son métier honnêtement. Jâaimerais penser quâil y a des exceptions, des gens aptes à discerner que la situation française est une consternante anomalie : pour lâessentiel, je cherche encore.


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