Pourim a la goulette
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[ www.harissa.com] "Bourimna" - Extrait de "L'enfant de La Goulette" Par Albert Simeoni
Il était une fois, la reine Esther... - Par EVA SAMAK - Pour Jerusalem Post edition francaise - 25 fevrier 2010
Selon la chanson, les histoires d'amour finissent mal... en général. Celle d'Esther déroge à la règle et apporte un peu de douceur dans un monde de brutes, sur fond d'aventures et de suspense. A se demander ce qu'attend Spielberg pour une adaptation...
Enfants déjà, on nous racontait cette belle histoire, digne des plus beaux contes de fées, mais pourtant tout droit issue de la tradition juive. La belle Esther épouse le roi, elle sauve son peuple et devient l'héroïne que l'on n'espérait plus. Dans la Meguila (rouleau) qui narre ces aventures, tous les ingrédients sont là : des rois et des princesses, des méchantes reines et des gentils serviteurs, des comploteurs et des sauveurs. On entend même un cheval blanc galoper à l'horizon. Ainsi Disney et Iznogoud n'auraient rien inventé ? Et comme toute histoire d'amour qui se respecte, celle d'Esther comporte son lot de souffrances. Car entre deux bains de lait, la Belle en verra des vertes et des pas mûres. Et pour cause : la voilà chargée d'une mission qui vaut son pesant de masques à l'argile. Sauver le sort de tout le peuple juif.
Alors que la victoire des Perses sur les Babyloniens signait la fin de l'exil, nombre des Juifs déportés à Babylone ne sont pas rentrés à Jérusalem et sont restés en Mésopotamie. C'est dans ce contexte que s'inscrit notre histoire : en diaspora, à Suze. Remarquée par l'empereur Assuérus, Esther succède à Vashti. La désormais reine va œuvrer afin de protéger son peuple dont le statut demeure précaire. Esther devient la réponse à la souffrance des Juifs au milieu des nations païennes qui les hébergent. Bien que juive, elle accède au plus haut niveau du pouvoir.
Amour, gloire et beauté
Esther est la fille d'Abihaïl, l'oncle de Mardochée. L'ascendance de ce dernier remonte jusqu'au père du roi Shaoul, lui-même descendant de Rachel. La matriarche était connue pour sa discrétion et sa pudeur. Des qualités qui paraissent héréditaires, car Esther, qui vient du mot seter (caché), se distingue des autres jeunes femmes précisément par ces vertus. Et son premier prénom, Hadassa, ne fait que renforcer cet aspect de sa personnalité. Il s'agit d'une plante au parfum très agréable, la myrthe, dont les feuilles couvrent toutes les branches. Le lien est rapidement établi : savoir agir sans être vu, et surtout sans se montrer. A l'image d'un animal qui se tapit dans l'ombre pour rester à l'abri, Esther n'aime pas être sur le devant de la scène.
Elle ne cherche pas à parader et ne fait aucun effort pour s'apprêter. Ni crème anti-âge ni poudres teintées, pour cette jeune femme qui n'a besoin d'aucune aide extérieur pour resplendir. Mais la situation la rattrape. Le roi est séduit et tombe éperdument amoureux d'elle. Parmi les Psaumes de David, "Le cantique de la biche", expliquent nos Sages, fait référence à notre héroïne. Car dit-on, le cerf et la biche vivent ensemble un amour inaltérable. Le temps n'a pas d'emprise sur eux et ils s'aiment tout au long de leur vie. Ainsi, Assuérus fut bouleversé par le charme de la jeune fille juive, et son amour dura toujours.
Golda Meïr dans le corps de Bar Refaeli
Pourtant, Esther a son caractère. Femme de décision et de poigne, elle prend de l'assurance, et l'assume. Au fil des pages, sa relation avec Mardochée apparaît sous un jour nouveau. Il ne s'agit plus d'un tuteur et de sa pupille, au sens restreint du terme, mais de deux partenaires, qui œuvrent dans le même sens, pour atteindre un objectif commun. Tant et si bien que l'on peut lire explicitement que "Mardochée se retira et exécuta strictement ce que lui avait ordonné Esther"(Esther 4:17). Une marque de confiance et de respect de la part de l'homme qui a fait son éducation. Comme lui, la population juive tout entière lui obéit. Tous jeûnent pour elle, et prient pour la réussite de son stratagème. Nul misogyne ou macho en vue pour contester ses décisions, Esther a pris les rênes de la délivrance. Personnage moderne au cœur de la Perse antique, elle incarne une femme indépendante qui jusque dans le palais royal continue à observer les commandements de la loi juive.
Loin de suivre les diktats de l'époque, elle reste fidèle à ses propres croyances, et à l'éducation de Mardochée. En fin stratège, elle élabore son plan, planifie chacune des étapes et n'abandonne jamais. Elle fait fi du danger, et se rend dans la cour intérieure du roi sans y avoir été invitée. Contre toute attente, l'imprudente trouve grâce aux yeux du souverain.
"Dis-moi ce que tu désires ; serait-ce la moitié du royaume, je te l'accorderai"
Beau succès. Même Sissi, pourtant impératrice d'Autriche, ne s'est pas entendu dire une pareille chose. Alors la Belle s'enhardit et pose sa requête : dresser un banquet et y inviter Aman, l'ennemi des Juifs.
Esther s'inscrit dans la lignée des grands dirigeants d'Israël, qui ont sauvé leur peuple en usant de sagesse, et avec dévouement. De nombreux commentateurs établissent un lien avec le patriarche Joseph, lui-même installé sur une terre étrangère et qui, tombé au plus bas, en danger de mort, finit par triompher des épreuves, gouverner et sauver son peuple. Dans ces deux récits, la présence divine n'est pas explicitement mentionnée, et doit être devinée derrière les événements.
Le Rabbi de Komarno va même plus loin : pour lui, "Esther est la jumelle de Moïse et elle se trouve au même degré que lui". Car comme le plus grand prophète du peuple juif, Esther est adoptée et appelée à vivre au sein d'une cour étrangère. Face à son peuple opprimé, elle va être confrontée aux mêmes types de questions : mieux vaut-il rester caché et se protéger ou s'engager pour sauver son peuple ? Comme lui, elle se présentera à plusieurs reprises devant le souverain et son entrevue se déroulera finalement au moment de la fête de Pessah.
De rebondissement en rebondissement
Les retournements de situation se multiplient dans la Meguila. Vashti, après avoir été reine est destituée ; Esther après avoir risqué la mort, triomphe de son ennemi ; et les Juifs, condamnés, sont sauvés in extremis d'un massacre programmé. Les péripéties d'Esther sont une vraie saga, imprévisible et haletante. Qui, en effet, s'attendait à un tel courage de la part d'une orpheline échouée au palais royal ? Et pourtant, Esther se révèle avoir une influence telle sur le roi que ce dernier lui transmet le sceau destiné aux décrets officiels. C'est Esther et Mardochée, ensemble, qui rédigeront les missives annulant la funeste condamnation des Juifs, car la seule condamnation à mort d'Aman ne suffit pas à les sauver.
L'histoire ne s'arrête pas là. Notre Gabi Ashkenazi en jupe longue a encore du pain sur la planche, et réclame une journée supplémentaire pour terrasser l'ennemi. Un nouveau rebondissement qui va enfin apporter le "happy end" attendu. Mardochée dirige l'empire perse pour le bien de tous, et chaque année les Juifs célèbrent la fête de Pourim : la commémoration de la victoire du peuple élu. Sa survie, envers et contre tous, mais aussi le rôle d'une femme qui a su prouver sa valeur. A la tête d'Israël, bien avant l'existence de l'Etat tel que nous le connaissons aujourd'hui, l'orpheline mène la danse. Elle ne recule devant rien pour le salut de son peuple et le conduira à sa délivrance, comme Moïse avant elle l'avait fait sortir d'Egypte et accompagné jusqu'aux frontières de la Terre promise.
Esther, fille d'Abihaïl, est l'une des figures principales de la pensée juive, voire de la pensée universelle. Elle incarne l'espoir, l'idée qu'à la fin "tout ira bien", comme les Israéliens aiment à le dire, "Yihye tov". Entre guerres, pogroms et menace nucléaire, Esther est là pour nous rappeler qu'une simple femme peut changer la destinée du peuple juif, et au bout du compte, le préserver de grands dangers.
Pèlerinages en Iran sur la tombe d'Esther (Haaretz) - Par Helen Eliassian - Pour Haaretz - 22 mars 2005
Source : Haaretz
[ www.haaretz.co.il]
המלכה של כולם ( La reine de tous )
Traduction française : Jean Terreneuve, pour upjf.org.
[ www.google.co.il]
La tombe d'Esther, en Iran, attire des pèlerins de toutes les religions
Génération après génération, les Juifs ont protégé le lieu saint. Les Iraniens continueront-ils ?
Les Juifs célèbrent la fête de Pourim dans le monde entier, mais le récit, situé en Perse, revêt un sens spécial pour les Juifs d’Iran. Ces dernières décennies ont été dures pour les Juifs d’Iran, dont beaucoup ont fui le pays après la révolution islamique de 1979. D’une communauté d’environ 100 000 ne restent aujourd’hui que 25 000 à 30 000.
La tombe d'Esther à Hamadhan
Ce mois-ci, des Juifs de tout l’Iran vont prier dans un sanctuaire de Hamadhan [www.farsinet.com], dans le nord-ouest du pays, dédié aux héros du récit de Pourim. Ils y retrouveront vraisemblablement des chrétiens et des musulmans qui se rendent tout au long de l’année dans ce sanctuaire peu ordinaire. Le bâtiment ressemble à un mausolée islamique (emamzadeh) mais ses murs sont ornés d’inscriptions hébraïques décrivant les origines d’Esther et Mordechaï. On sera surpris d’apprendre qu’en fait, l’histoire de Pourim concerne tous les Iraniens.
Esther n’était pas seulement une reine juive, mais, en tant qu’épouse du roi Assuérus (Xerxès Ier), elle continue à être honorée comme reine de Perse, et est un symbole de l’histoire de l’Iran.
Bien que son nom ait été Hadassah, qui signifie "cachée" en hébreu, on la connaît sous le nom "Esther". L’écrivain et lettré Haideh Sahim explique que le nom Esther provient du mot persan astaar, qui signifie étoile. La croyance veut qu’Esther et Mordechaï soient enterrés dans le sanctuaire de Hamadhan, appelé autrefois Hegmataneh (Ecbatane), au cinquième siècle avant l’ère chrétienne.
Inscriptions dans le monument
Selon une légende persane, le caveau et ses alentours servirent de refuge à des Iraniens lors de la conquête arabe de la Perse en 621 de notre ère. L’histoire dit que le peuple d’Iran se rassembla près du tombeau afin de se placer sous la protection des âmes d’Esther et de Mordechaï lorsque les Arabes entreprirent la conquête de la cité de Hegmataneh. Un monument, dont la datation exacte est discutée, entre le XIIIe et le XVIIe siècle, a été érigé sur les tombes, et les Iraniens, les Juifs comme les autres, pensent que le lieu est sacré et ne peut être détruit.
Pendant des générations, les Juifs de Hamadhan ont veillé sur la tombe et maintenu les coutumes de la fête de Pourim. Touba Somekh, qui joua un grand rôle dans la restauration du site dans les années 1920, a raconté dans une interview en 1998, quatre ans avant sa mort, comment les Juifs ont réussi à poursuivre l’entretien des tombes.
Touba Somekh militait au sein d’un petit groupe de femmes de Hamadhan, en avance pour son époque, nommé Hadassah, en souvenir d’Esther. Les femmes récitaient des psaumes, bavardaient des nouvelles du jour et étudiaient ensemble.
Vers 1925, Touba Somekh apprit que la municipalité entendait clôturer la tombe et en prendre le contrôle, à moins que la communauté juive locale, la hebra, puisse s’en charger. Bien qu’elle n’ait été alors âgée que de 15 ans, mais déjà mère de deux enfants, Touba Somekh pensa aussitôt à la trésorerie de 300 tomans de l’association Hadassah (une somme importante pour l’époque) et déclara fièrement à son beau-frère que le comité des femmes avait les moyens de préserver le sanctuaire. Le lendemain, son beau-frère en informa les membres de la hebra.
« J’en ai eu des sueurs froides sous mon tchador, se souvient Touba. J’étais une toute jeune femme qui avait pris la parole, et qu’on prenait au sérieux. Qu’allait-il advenir ? » Le comité des femmes fut capable de fournir la mise de fonds initiale pour la restauration et l’agrandissement nécessaires.
Intérieur du monument
Ces jours-ci, le sanctuaire, comme la fête en général, est particulièrement important pour les femmes. Des femmes de toutes les religions visitent le site et y prient pour avoir des enfants, apportant des étoffes multicolores et des vêtements qu’elles posent sur les tombes ou offrent à la salle de prière voisine. Un vêtement qui a touché le sanctuaire est considéré comme béni. Les personnes en détresse matérielle ou morale y déploient une pièce de tissu qu’elles utiliseront pour confectionner des vêtements.
La tombe d'Esther à Hamadhan
Seules quatre ou cinq familles juives vivent encore à Hamadhan, ce qui alimente les craintes pour l’avenir du sanctuaire. « Pour ce que j’en sais, déclare Houman Sarshar, éditeur du livre "Les enfants d’Esther : Portraits de Juifs iraniens", il n’y a jamais eu de problème quant à la la garde du site. Celui qui s’en occupe maintenant n’est d’ailleurs pas juif. La synagogue attenante est la seule en service à Hamadhan. »
Certains croient que c’est l’esprit d’Esther et de Mordechaï qui survivra et protégera les Juifs d’Iran, poursuivant un héritage de 2 500 ans. D’autres, comme Haideh Sahim, s’inquiètent : « Qui prendra soin de notre Esther ?»
Havdala à Pourim
A la demande de nombreuses personnes :
Cette année (5770), Pourim tombe un samedi soir.
Par conséquent, on peut se demander quand doit-on procéder à la Havdala : avant ou après la lecture de la Méguila ?
De même, doit-on retarder la lecture de la Méguila jusqu’à « l’heure sortie de Chabbat selon l’opinion de Rabbenou TAM » ?
Réponse :
Lorsque Pourim tombe un samedi soir, l’assemblée dit « Vihi No’am » jusqu’à « Vé-Ata Kadoch ». Ensuite, on lit la Méguila. Cependant, on ne doit pas procéder à la Havdala sur le vin avant la lecture de la Méguila, car nous préférons reporter au maximum la sortie de Chabbat par la Havdala. Telle est l’opinion de MARAN l’auteur du Choulh’an ‘Arouh’ et du RAMA selon qui on doit d’abord lire la Méguila et ensuite procéder à la Havdala sur le vin.
Cependant, concernant la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech », le KOl Bo écrit qu’il faut la réciter avant la lecture de la Méguila, puisque cette bénédiction a été instaurée en raison de la création du feu dans le monde. Or, au moment de la lecture de la Méguila, on tire considérablement profit de la lumière du feu (l’électricité) crée par Hachem. C’est pourquoi il est très juste de réciter d’abord la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » et de lire ensuite la Méguila. C’est également l’opinion de Rabbenou Avraham auteur du Sefer Ha-Echkol dont voici les termes :
« Celui qui lit la Méguila à la lueur d’une bougie, en tirant forcément profit de sa lumière depuis le début de la lecture jusqu’à la fin, n’agit pas de façon correcte. » Fin de citation.
Ces propos confirment explicitement ceux du Kol Bo, et attestent qu’il faut d’abord réciter la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » et ensuite lire la Méguila. De nombreux décisionnaires se rangent à cette opinion, et parmi eux, notre Grand maître le Rav Ovadia YOSSEF Chlita dans son livre Hazon Ovadia – Pourim, où il confirme qu’il faut réciter la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » avant la lecture de la Méguila.
Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer la grande importance d’attendre « l’heure de sortie de Chabbat selon l’opinion de Rabbenou TAM » pour effectuer des travaux interdits Chabbat. Cette heure arrive environ 72 minutes (saisonnières) après le coucher du soleil. Selon de nombreux décisionnaires et selon MARAN l’auteur du Choulh’an ‘Arou’h, le Chabbat ne sort que lorsqu’ arrive ce moment. Même si selon les Guéonim, le Chabbat sort plus tôt, comme l’indiquent les calendriers, malgré tout, il est souhaitable pour toute personne qui craint Hachem d’attendre l’heure de Rabbenou TAM pour faire sortir Chabbat, puisque la réalisation d’une activité interdite pendant Chabbat est condamnable par la lapidation selon la Torah. Il est donc très juste de s’imposer la rigueur sur ce point.
Cependant, un samedi soir où tombe Pourim, il n’est pas possible d’imposer à toute une assemblée d’attendre l’heure de Rabbenou TAM pour lire la Méguila. De plus, la lecture de la Méguila n’est pas une activité qui constitue un interdit pendant Chabbat pour la repousser jusqu’à l’heure de Rabbenou TAM. Par conséquent, le pus juste est de lire la Méguila dès la fin de l’office de ‘Arvit pour toute l’assemblée. Mais puisque l’on doit d’abord réciter la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » avant la lecture de la Méguila, il faut donc demander à un enfant d’allumer la bougie de la Havdala, et ainsi, toute l’assemblée pourra réciter la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » sur cette bougie.
C’est ainsi que procède notre maître le Rav Chlita chaque samedi soir, puisqu’il récite la Havdala à la synagogue avant que n’arrive l’heure de Rabbenou TAM, il demande donc à un enfant d’allumer la bougie de la Havdala, et le Rav récite la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech ».
En conclusion :
Il faut lire la Méguila à la sortie de Chabbat. Il ne faut pas attendre l’heure de sortie de Rabbenou TAM pour lire la Méguila. Il faut procéder à la Havdala sur le vin seulement après la lecture de la Méguila, après ‘Alenou Lé-Chabéah’ ». Par contre, la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » sur une flamme doit être récitée avant la lecture de la Méguila. Cependant, puisque l’heure de Rabbenou TAM n’est pas encore arrivée, il faut demander à un enfant d’allumer la bougie afin que l’on puisse réciter la bénédiction.
Après la prière de ‘Arvit, lors de la Havdala, il ne faudra pas dire de nouveau la bénédiction de « Boré Méoré Ha-Ech » puisqu’on l’aura déjà récité avant la lecture de la Méguila.
Judaisme : Pourim c'est quoi ? - Par Rav Benjamin Ringer - Pour Lamed - Adapté par Aschkel
Contexte historique
Les livres de Daniel (chap. 1-9) et d’Ezra (chap. 1-6) nous donnent le contexte du récit de la Meguila. Ce fut au Ve-IVe siècle av., époque où le peuple juif, déjà exilé en Babylonie, avait perdu sa souveraineté et son sanctuaire et était exilé en Babylonie. Cet empire était tombé aux mains des Perses et s’étendait de l’Inde à l’Ethiopie. Cyrus avait donné la permission aux Juifs de retourner en Israël (qui se trouvait également sous sa domination) et d’y reconstruire le Temple. Une partie du peuple s’y était rendue et, dans des conditions difficiles, avait jeté les fondations du sanctuaire. Sous le règne d’Assuérus, les Samaritains, intriguant contre les Juifs, les accusèrent de vouloir se révolter contre la Perse ; le roi prêta foi à ces accusations et fit arrêter la construction du Temple. Les travaux ne purent être repris qu’au temps de Darius.
L’histoire de Pourim se situe donc à une époque où une partie du peuple juif se trouvait en Israël attendant de pouvoir réédifier le Temple ; l’autre était dispersée dans l’empire perse. A Suze, lieu de résidence d’Assuérus, il y avait également une communauté juive : c’est là où notre récit se déroule.
Histoire de Pourim
La troisième année de son règne, lorsque son trône est consolidé, Assuérus donne un festin durant cent quatre-vingts jours et y convie les satrapes et les notables des cent vingt-sept provinces de son royaume. A la fin de ces festivités, il invite pendant une semaine tous les habitants de Suze à un nouveau festin. Le dernier jour, le roi ordonne à sa femme, la reine Vachti, de paraître devant tous les hommes pour montrer sa beauté. Vachti refuse. Le roi consulte les Sages et l’un d’entre eux, s’appelant Memoukhan (d’après la tradition orale, c’est Aman), lui conseille de répudier la reine. Il prétend notamment que la conduite intolérable de Vachti pourrait devenir un précédent fâcheux pour les autres femmes qui seraient, elles aussi, incitées à manquer de respect à leur mari. Le conseil de Memoukhan est suivi et, en outre, des ordonnances sont expédiées dans tout le royaume exigeant le respect du mari dans tous les foyers.
Assuérus, cherchant une nouvelle reine, fait réunir plusieurs belles jeunes filles. Parmi celles-ci, Esther, la seule à ne faire aucun effort pour plaire au roi, attire les sympathies de tous et est choisie. C’est une orpheline juive, nièce et pupille de Mardochée. Elle devient reine et, suivant le conseil de son tuteur, ne fait pas connaître son origine. Elle continue à garder contact avec lui, et suit ses instructions et ses conseils.
Mardochée découvre un complot contre le roi et l’en prévient par le truchement d’Esther. Le fait est consigné dans le livre des Annales ; aucune récompense ne lui est donnée.
Assuérus élève Aman, descendant d’Agag (roi des Amalécites), au plus haut rang de la hiérarchie. Tout le monde doit se prosterner devant lui. Mardochée refuse.
Courroucé contre Mardochée, Aman veut exterminer tous les Juifs. Au mois de Nissan, il procède à un tirage au sort qui désigne le 13 Adar comme date propice au massacre. Il persuade le roi de donner son accord, lui offre même une somme énorme en échange des pleins pouvoirs. Ils lui sont remis et un décret royal publié dans tout l’empire annonce que la population entière doit se tenir prête à la date susdite.
Mardochée fait dire à Esther d’intercéder auprès du roi pour sauver son peuple. Après quelques hésitations, elle accepte mais lui demande de faire décréter d’abord un jeûne de trois jours dans la communauté juive de Suze.
Le troisième jour, Esther, au péril de sa vie (ne peut se présenter devant le roi que celui qui y est appelé), invite le roi et Aman à une fête intime. Au cours du banquet, Assuérus lui demande ce qu’elle désire et Esther ne répond pas. Elle invite pour le lendemain le souverain et Aman à un nouveau festin et promet à cette occasion de faire connaître au roi sa requête.
Aman sort du banquet royal gonflé d’orgueil et de joie. Croisant Mardochée qui ne s’incline pas devant lui, il est pris d’une fureur irrésistible. La nuit même, il érige une potence et attend le lever du jour pour recevoir du roi l’autorisation d’y pendre Mardochée.
La même nuit, Assuérus, ne comprenant rien à la signification du dîner offert par Esther, est inquiet et ne parvient pas à s’endormir. Il ordonne à ses serviteurs de lui lire les Annales. Comme par hasard, le livre est ouvert à la page où est consigné le bienfait de Mardochée.
Le roi veut le récompenser au plus tôt.
A l’aube, Aman se présente devant le souverain qui, ne lui laissant pas le temps de formuler sa requête, veut connaître quelle rétribution il proposerait pour un homme de mérite. Aman, croyant qu’il s’agit de lui-même, propose qu’on le fasse chevaucher en tenue royale dans la capitale pendant qu’un dignitaire proclamerait à ses côtés : “Voilà ce qui se fait pour l’homme que le roi veut honorer !” Assuérus dit à Aman que les honneurs sont destinés à Mardochée et que le dignitaire sera Aman en personne. L’ordre est exécuté.
Sans avoir eu le temps de se remettre de sa honte, Aman doit se rendre au festin d’Esther. Au cours du banquet, Esther révèle au roi qu’elle est juive et accuse Aman de tramer un complot contre la reine et son peuple. Assuérus, sous l’effet de la surprise, est pris d’une rage folle (il avait déjà donné son accord à Aman). Dans son désarroi, il quitte la salle. Aman, saisi de panique implore la pitié d’Esther et trébuche sur le divan. Le roi revient et, croyant qu’Aman fait la cour à la reine, se fâche de plus belle. Un serviteur révèle qu’Aman avait préparé une potence pour Mardochée (qui avait sauvé la vie du roi) et, immédiatement, le bourreau y est pendu.
Assuérus, apprenant que Mardochée est l’oncle de la reine, le nomme premier vizir à la place d’Aman.
Sous l’influence d’Esther et de Mardochée, le roi établit de nouveaux décrets proclamant le 13 Adar comme journée d’autodéfense pour les Juifs. Le 14 Adar, lendemain de la victoire, devient, à la place d’un jour de deuil, un jour de fête. Tous ces faits sont consignés par Mardochée et Esther dans un mémoire s’intitulant la Meguila (le rouleau) d’Esther.
La fête de Pourim :
Pourim se fête le 14 Adar (dernier mois du calendrier juif) pour les villes ouvertes, et le 15 Adar pour les villes qui étaient entourées d’une enceinte dans l’Antiquité. C’est que, dans toutes les villes, la bataille se termina le 13, tandis qu’à Suze, qui était une ville fortifiée, la bataille ne se termina que le 14. Jérusalem est parmi les villes qui fêtent Pourim le 15.
“Pourim” signifie en perse “sorts”. Cela en souvenir du sort qu’Aman avait consulté pour fixer la date d’extermination des Juifs.
Les rites de la fête sont :
- cadeaux aux amis (sous forme de mets) ;
- cadeaux aux pauvres (sous toutes les formes) ;
- lecture soir et matin de la Meguila, récitation d’une prière de remerciement dans la ’amida et le birkath hamazone ;
- grands festins arrosés de vin et de boissons ;
- réjouissances de toutes sortes.
L'histoire de Suse - Du Magazine conversations avec les jeunes - Pour Lamed - Adapté par Aschkel
Toute l'histoire de Pourim eut lieu à Chouchan. Il serait donc intéressant de faire plus ample connaissance avec cette localité.
Une fois par an Chouchan (Suse) résonne comme un nom familier aux oreilles de chacun de nous car, vous le savez tous, elle fut la scène de l'heureux épilogue qui mit fin à un triste épisode de l'histoire juive. Nous célébrons ce joyeux dénouement à Pourim et Chouchan-Pourim les 14e et 15e jours d'Adar. Toute l'histoire de cette -fête, eut lieu à Chouchan. Il serait donc intéressant de faire plus ample connaissance avec cette localité.
Il y a de cela trente-trois siècles - quand se produisirent les événements de Pourim - Chouchan était la capitale d'un immense empire réparti en cent vingt sept provinces. Là se dressait le palais du souverain Persan. C'était une ville aussi vaste que belle ; mais de sa gloire passée il ne reste presque rien aujourd'hui. Comme la plupart des glorieuses cités de la Perse ancienne, Chouchan fut complètement détruite par les Arabes il y a environ treize cents ans quand ils envahirent tout le plateau iranien et s'en emparèrent. De toutes les villes, Chouchan fut celle qui opposa la résistance la plus farouche. Ses ennemis le lui firent payer cher : elle fut rasée au sol.
Des fouilles pratiquées il n'y a pas longtemps mirent au jour quelques ruines ; elles nous donnent une idée fort approximative de ce que put être la ville à cette époque-là.
La Meguilah parle très peu de Chouchan. Elle nous apprend néanmoins qu'il y avait "Chouchan Habirah ", la capitale où s'élevait le palais royal et la citadelle ; et " haïr Chouchane ", la ville proprement dite. Selon d'anciens manuscrits c'était une des plus vieilles cités du monde. Comme Suse, elle fut un temps la capitale du puissant royaume d'Elam. Un manuscrit babylonien rapporte même qu'il y eut plusieurs reines à la fois dans Chouchan. On y lit également que Suse fut fondée par l'épouse juive du roi Jezdegered I; ceci, uni à d'autres détails, nous permet de supposer qu'une colonie juive y vécut de nombreuses années avant que l'histoire de Pourim n'eût lieu.
Quand la jeune nation guerrière d'Assyrie commença à étendre sa domination sur les pays voisins, le royaume d'Elam n'échappa pas à sa convoitise. Le roi Assurbanipal conquit la ville de Chouchan et en fit sa résidence d'été. II y érigea des palais, des arènes publiques, et l'orna de jardins et de parcs. II avait le programme ambitieux d'en faire un centre de beauté dans tout l'orient. Toutefois, comme nous l'enseigne notre propre histoire, la domination assyrienne ne dura pas longtemps. Le glorieux empire excita à son tour la convoitise d'une autre jeune nation encore plus agressive qui se levait plus loin à l'Est: les Babyloniens. Ils en chassèrent les Assyriens et s'installèrent à leur place.
Mais l'empire babylonien s'effaça bientôt lui aussi devant les nouveaux maîtres de l'heure: les Perses. Comme ses prédécesseurs, le conquérant, le jeune roi Cyrus, fit de Chouchan sa résidence.
Darius the Great on a relief from Persepolis, now at the National archaeological museum of Tehran (Iran). Photo Marco Prins..
Darius III
Sous le règne de Darius III, Chouchan fut à l'apogée de sa gloire. Les rois perses aimaient s'entourer de luxe et de beauté. Darius ne ménagea pas ses efforts pour embellir la ville. Elle devint célèbre pour ses palais, ses ponts, ses forteresses et ses parcs. Le palais de Darius, que les fouilles ont porté partiellement au jour et qui fut le théâtre de la plus grande partie de l'histoire de Pourim, s'étendait sur une superficie de 300 acres environ qui était divisée en trois plates-formes séparées. Chacune d'elles portait un édifice indépendant, et des ponts spéciaux les reliaient les unes aux autres.
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Reconstitution du palais de DARIUS
Le centre du bâtiment principal était une citadelle semi-circulaire dans laquelle le roi pouvait se défendre contre une rébellion ou une invasion éventuelles. Un fossé séparait la plate-forme de la citadelle de celles de l'est et du nord. En cas de nécessité, la jonction entre ces dernières et la citadelle pouvait être établie facilement en faisant remonter les ponts. Au delà du fossé, vers le nord, s'élevait une vaste salle d'audience. Là, le souverain persan recevait son peuple, les ambassadeurs, les émissaires des rois, ses vassaux, ainsi que les monarques étrangers.
Ce fut très probablement dans cette salle que la reine Esther, non invitée, soulignons-le, osa affronter Artaxerxès II, si toutefois c'est de lui que parle la Meguilah sous le nom d'Assuérus. L'on sait que les potentats persans exigeaient l'humiliation suprême devant leur trône. Les princes, même les plus puissants, devaient se soumettre à la " Kynosure " devant le roi, ce qui signifie qu'ils devaient s'étendre face contre terre, jusqu'à ce que le souverain les autorisât à se relever. Nous pouvons, dès lors, imaginer quelle révolution dans la rigoureuse étiquette du palais, la reine Esther dut provoquer. Elle traversa le fossé par la plate-forme orientale, du palais spécial de la reine où elle vivait, et pénétra dans la salle d'audience, sans autorisation.
Comme nous le dit la Meguilah, tout visiteur non invité était mis à mort sur le champ, à moins qu'un geste du roi me vint l'épargner, Esther eut cette chance ; elle vécut pour sauver la vie à son peuple.
Lorsque l'empire persan fut balayé par Alexandre le Grand (en 330 avant l'ère vulgaire, soit 25 ans après l'histoire de Pourim), Chouchan tomba au rang d'une ville de second ordre. Elle connut un bref réveil quand les Perses se révoltèrent et tentèrent de secouer le joug grec. La rébellion vite écrasée, Chouchan, centre de l'insurrection, fut complètement détruite.
Plus tard, après l'éclipse de l'empire macédonien, Chouchan était reconstruite par le roi Sapor II qui lui donna son nom. Néanmoins, les Arabes devaient sceller sa chute définitive. Ils prirent d'assaut la puissante forteresse, s'emparèrent de la ville et brûlèrent chaque édifice de cette cité - qui avait été successivement la belle et fière capitale d'Elam, d'Assyrie, de Babylone et de Perse. Depuis -on était alors au VIIème siècle - Chouchane ne se releva plus. On suppose que le tombeau situé non loin de ses ruines est celui de Daniel; il attire des visiteurs et des pèlerins nombreux.
La fière Chouchan est morte; elle connaît cependant une " résurrection " annuelle qui la restaure dans toute sa pompe, sa splendeur et sa gloire passées quand les Juifs se rassemblent pour, célébrer le miracle de Pourim et " Chouchan-Pourim ".
Pourim est un avertissement opportun et solennel pour tous les ennemis du peuple juif. Mais pour nous, cette merveilleuse fête est une inépuisable source inspiratrice de courage et de foi, de loyauté et de dévotion pour notre grand et vigilant Gardien, le Gardien d'Israël.
En savoir davantage sur Suse :[ www.cliolamuse.com]
Haman : l'antisémite viscéral - Par Le Rav Benjamin Ringer - Pour lamed - Adapté par Aschkel
La stratégie d'Aman est celle de tous les antisémites: médisance et calomnies préparent l'opinion publique, alors qu'un plan diabolique est mis en place discrètement.
ASSUERUS ET AMAN
Ce n’est donc pas dans un esprit de vengeance que la Tora stigmatise Amalec, c’est plutôt pour nous mettre en garde contre de nouvelles attaques de sa part.
Ayant pris Assuérus comme exemple (voir notre article "L'impérialisme d'Assuérus"), nous avons analysé précédemment les rapports qu’Israël a eus tout au long de son histoire avec les représentants de l’ordre établi. Nous avons vu qu’au fond, l’attitude souvent hostile de ceux-ci ne provenait pas d’une haine contre le Juif en tant que tel, mais qu’elle était plutôt l’expression du souci de sauvegarder un monopole politique et culturel.
Mais il y a un antagonisme d’un tout autre ordre, un antagonisme qui tire son origine d’une haine irraisonnée et illimitée visant l’être même du Juif et son mode de vie. Aman, descendant d’Amalec, en est le prototype.
La Tora fait une nette distinction entre ces deux genres d’ennemis. Alors qu’envers les premiers, elle exige une grande tolérance (voir Deutéronome chap. 23, vers. 8), face aux seconds, elle nous enjoint une opposition sans faiblesse (Exode chap. 17, vers. 8-16, et Deutéronome chap. 25, vers. 17-19).
Quoique les Egyptiens nous aient causé beaucoup plus de mal que les Amalécites, la Tora savait qu’ils avaient agi par appréhension et jalousie plutôt que par haine (Exode chap. 1, vers. 9-10). Quant aux Amalécites, ils n’avaient aucun intérêt personnel à attaquer les Juifs ; leur unique motif était de les anéantir ou tout au moins de rabaisser leur prestige.
Nous remarquons la même attitude originale chez nos Sages face à Laban et au Pharaon. Bien que le premier ne soit pas parvenu à faire quoi que ce soit à Jacob, il est considéré comme l’ennemi juré du peuple juif. Quant au dernier, sous le régime duquel les Juifs ont énormément souffert, on essaie en quelque sorte d’atténuer ses méfaits. Cela ressort du passage suivant de la Hagada : “Réfléchis donc à ce que Laban l’Araméen voulait faire à notre père Jacob : le Pharaon ne prenait des mesures que contre les mâles (ne voulant qu’affaiblir notre peuple), tandis que Laban voulait tout anéantir.”
Ce n’est donc pas dans un esprit de vengeance que la Tora stigmatise Amalec, c’est plutôt pour nous mettre en garde contre de nouvelles attaques de sa part.
Si le lecteur de la Bible est étonné de la sévérité avec laquelle la Tora juge Amalec, il le sera moins après avoir parcouru l’histoire juive. La suite de drames vécus par notre peuple depuis le Moyen Age, par exemple, et dont le plus tragique fut de notre génération, nous montre que la Tora n’a en rien exagéré le danger d’Amalec.
Il semble que face à la destinée extraordinaire d’Israël se développe aussi un antagonisme hors pair. Et la Bible et l’histoire nous enseignent qu’il est naïf et dangereux de le sous-estimer.
QUAND ASSUERUS REMET SON ANNEAU A AMAN
Esther chap. 3, vers. 10-11 : “Le roi ôta son anneau du doigt et le remit à Aman, fils de Hamédèta, l’Agaghite, le persécuteur des Juifs. Et le roi dit à Aman :Je t’abandonne à la fois l’argent et cette nation dont tu feras ce que bon te semblera. ”
Nos Sages décèlent dans la remise de l’anneau une signification symbolique (Meguila14a). C’est que, comme nous l’avons dit, l’antisémitisme proprement dit, d’habitude, ne provient pas du gouvernement, mais d’une clique d’hommes.
Cela les rend d’ailleurs, dans un sens, doublement dangereux, car, ne portant pas la responsabilité de la société, ils peuvent se permettre n’importe quoi (voir Meguila 11).
Mais l’avantage que détient cette situation est que, n’ayant pas le soutien du pouvoir officiel, leurs attaques doivent souvent se limiter à des taquineries sans grandes conséquences. Il en va autrement lorsque le gouvernement se laisse séduire par les antisémites et leur donne les pleins pouvoirs pour “résoudre la question juive”. C’est la conjoncture la plus grave qu’il puisse y avoir pour nous.
C’est une situation pareille qui revient dans la Meguila et nous en connaissons bien d’autres.
Haman Leading Mordechai on the Royal Horse & mosaic detail image Mosaiste Lilian Broca
LES CALOMNIES D'AMAN
Esther chap. 3, vers. 8 : “Puis Aman dit au roi Assuérus : Il est une nation disséminée et divisée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles ci ; quant aux lois du roi, il ne les observent pas et il n’est pas dans l’intérêt du roi de les conserver.·”
Ce réquisitoire, tel qu’il est écrit dans la Meguila, n’est sans doute pas complet ; de toute probabilité, l’explication d’Aman fut plus longue.
Analysons pour notre part la phrase que nous venons de citer ; elle est pleine de dédain et de venin.
“Il est un peuple” (je ne daigne même pas l’appeler par son nom) “dispersé” (quelle sorte de peuple que celui-ci, dispersé partout !), “divisé” (il n’y a aucune unité parmi ses membres) “parmi les autres nations” (on les voit partout), “dans toutes les provinces de ton royaume” (tu as la mainmise sur eux) ; “leurs lois diffèrent de celles de toute autre nation” (ce sont des lois irrationnelles qui démontrent la dégénérescence de cette nation) ; “quant aux lois du roi, ils ne les observent pas” (ils sont déloyaux à la couronne) “et le roi n’a pas intérêt à les conserver” (ils sont sans utilité pour le roi et la société).
Nos Sages expliquent qu’Aman était un spécialiste de la médisance et de la calomnie, et nous pouvons ajouter que les antisémites de tous temps l’ont été.
La force fallacieuse de la médisance réside dans le fait que l’homme risque de devenir ce que ses médisants veulent faire de lui. Il suffit de propager une langue défavorable sur une personne ou un groupe pour que la société les considère comme tels. Et qui n’a pas remarqué qu’à force d’être vu d’une certaine manière par les autres, on commence à adopter effectivement le comportement qu’ils nous attribuent.
Aussi devons-nous être sur le qui-vive face à ce danger, et cela jusqu’à nos jours.
Notre histoire moderne, avec ses réformes et ses rénovations, dénote à notre avis une sensibilité exagérée aux critiques injustifiées de nos détracteurs. Nos répliques, tout en faisant souvent la surenchère sur la valeur du Juif, relèvent plutôt fréquemment du complexe et de la faiblesse.
Plusieurs de nos rites et coutumes sont calqués sur ceux de nos voisins. La bar mitsva, fête de la majorité de l’adolescent (et de l’adolescente) devient la “confirmation solennelle”, la synagogue sympathique et dynamique, un “Temple” somptueux.
Le Juif essaye d’être le super nationaliste, le super communiste...
On voit de jeunes Israélites exceller dans toutes les connaissances, militer dans tous les mouvements, se défendre d’être “les Juifs aux yeux bandés” ; avoir l’esprit ouvert à tout, sauf à leur propre culture.
La tendance à vanter le courage physique et les exploits militaires juifs provient, à notre avis, plutôt de complexes que d’une réelle fierté.
LE DEFI D'AMALEC
Le Midrach compare Amalec à un chien menaçant qu’un père montre à un fils récalcitrant pour lui faire peur.
Notre réaction ne doit pourtant pas se limiter à l’imperturbabilité et à la fermeté. La tradition orale enseigne que toute menace de l’extérieur doit être considérée comme un rappel vers une vie intérieure plus intense.
Nos ennemis n’auraient notamment pas trouvé la force d’âme de vouloir nous détruire s’ils n’avaient pas détecté en nous un certain relâchement.
Le Midrach compare Amalec à un chien menaçant qu’un père montre à un fils récalcitrant pour lui faire peur. Il précise, en outre, qu’Amalec nous attaqua la première fois à l’endroit qui portait le nom symbolique de Refidim, provenant de rafou yedeihem : leurs mains s’étaient relâchées.
Cela signifie qu’Amalec ne vient que lorsque Israël faiblit dans son attachement à la Tora.
Face au défi d’Amalec, il ne suffit pas de se “montrer fier d’être juif”, il faut surtout l’être authentiquement. C’est là l’arme véritable qui garantit tant notre courage physique que notre dignité morale.
LE SORT D'AMAN
Quand Aman vit que le sort était tombé sur le mois d’adar, expliquent nos Sages, il en fut très réjoui. Cela confirmait parfaitement son idée. Moïse, notamment, était mort en ce mois.
Du reste, le peuple juif étant né en nissan (premier mois du calendrier, mois où eut lieu la sortie d’Egypte), il était normal, selon ses vues superstitieuses, que sa fin eût lieu en adar (dernier mois).
Chaque civilisation touche à un certain moment à sa fin et, se disait Aman, le moment d’Israël était venu. Aussi s’apprêtait il à lui porter le coup de grâce.
Mais comme nous l’avons dit, Israël fait exception à la règle, et précisément chaque fois que sa fin semble proche, il reprend ses forces et recommence à prospérer physiquement et spirituellement.
Nos Sages disent que, même dans ses calculs, Aman s’était trompé ; c’est qu’au mois d’adar, Moïse était également né. Ce qui symbolise en quelque sorte qu’il n’y a jamais de fin à sa mission et, en même temps qu’on commémore sa mort, on commémore aussi sa naissance...
Ainsi le mois d’adar, au lieu d’être le mois du déclin du peuple juif, est devenu celui qui symbolise sa pérennité. Il est le mois le plus joyeux de l’année.
LES SICLES D'AMAN ET LES SICLES D'ISRAEL
Notre tradition fait grand état des sicles qu’Aman fut prêt à verser à Assuérus. Le Talmud (Meguila 13) s’exprime en ces termes : D.ieu savait qu’Aman allait offrir des sicles pour acheter le peuple d’Israël, c’est pour cela qu’Il a fait précéder Ses sicles aux siens. Car, comme la Michna le dit, le premier adar de chaque année, on proclame la collecte des sicles. “C’est que notamment depuis les temps de Moïse, au mois d’adar, les Juifs donnaient leur contribution à l’offrande collective sacrifiée journellement au Temple. Ce don s’appelle le ma’hatsith hachéqel, le demi siècle. Jusqu’à nos jours, avant Pourim, chacun donne le ma’hatsith hachéqel et, actuellement, cet argent est distribué aux pauvres.”
Ce passage talmudique semble dire que pour contrebalancer les sicles d’Aman, les Juifs devaient avoir un mérite, notamment celui du ma’hatsith hachéqel.
Cette idée paraît étrange ; un acte barbare comme celui d’acheter un peuple pour l’exterminer a-t-il donc une valeur aux yeux de D.ieu (donc aux yeux de la Justice Suprême) pour qu’il faille un contre mérite de la part de ses adversaires ?
Dans le combat entre le bien et le mal, il ne suffit pas que les uns soient “bons” et les autres “mauvais” pour que les premiers gagnent.
Une des réponses données est la suivante : le monde a été offert aux hommes et D.ieu n’y intervient en général que pour récompenser leurs efforts.
Toute sa dignité réside dans le fait que l’homme doit lutter pour créer un monde plus juste et humain. Dans le combat entre le bien et le mal, il ne suffit pas que les uns soient “bons” et les autres “mauvais” pour que les premiers gagnent. Défendre une position qui objectivement parlé est juste n’est pas suffisant ; il faut encore être prêt à lutter avec abnégation et courage pour cette cause.
La règle dramatique qui se dégage de ce qui précède est la suivante : dans la lutte du bien contre le mal, il faut que les défenseurs de la juste cause fassent preuve d’une plus grande énergie et ténacité que leurs ennemis. Si ce n’est pas le cas, même devant la justice suprême de D.ieu ils sont perdants et ne jouiront pas de l’appui de la Providence.
Pour revenir à notre sujet, Aman, en offrant cet argent, en renonçant à cette immense somme pour arriver à ses fins, fit preuve d’une grande résolution. Il fallait que du côté d’Israël s’oppose à lui la même énergie tenace pour défendre la justice et la morale.
C’est en quelque sorte ce que D.ieu répondit à Aman.
Les sicles que le peuple juif verse chaque année pour le service divin démontrent qu’il est vivant et prêt à faire des sacrifices pour son idéal. L’équilibre des forces ne penche donc pas en faveur d’Aman.
Nous verrons d’ailleurs par la suite que pour contrecarrer Aman et incliner la balance du côté des Juifs, il leur fallut de grandes personnalités. Ce n’est que lorsque le peuple avec ses chefs fit preuve d’une volonté de vivre et d’une grandeur d’âme sans pareille que l’ennemi fut renversé.
Le but de la Providence qui laisse libre cours à la méchanceté est de nous forcer à une prise de conscience plus profonde et à un engagement plus énergique. Nous verrons d’ailleurs qu’Aman, sans le vouloir, occasionna un renouveau unique dans l’histoire juive.
LE DESSEIN ODIEUX D'AMAN
Nos exégètes (Alchikh et le Gaon de Vilna) déduisent des versets 13 et 14 du chapitre 3 de la Meguila qu’Aman émit deux décrets. L’un, adressé aux notables, était très clair : on visait à l’extermination totale des Juifs et cela devait être minutieusement préparé à l’avance. L’autre, adressé à toute la population, lui enjoignait de se tenir prête à la date fixée, sans autre précision.
C’était un plan froidement calculé qui visait à tout préparer, tout en gardant le secret jusqu’au dernier moment. Cela afin que les Juifs se bercent d’illusions jusqu’à la dernière minute et qu’ils ne puissent pas préparer une contre-action. Pendant ce temps, Aman comptait croiser Mardochée sans réagir afin de ne pas susciter son attention.
Tout cela nous montre la manière raffinée par laquelle il comptait atteindre son but. Ces indices ne font que dévoiler la perfidie et la bassesse d’Aman.
Mais comme nous l’avons dit, à cette ruse démoniaque devra s’opposer une force égale. C’est là le défi que nous impose la Providence.
Par Aschkel - Publié dans : POURIM - Communauté : J.A.G - HISTOIRE et JUDAISME
Pourim à Dachau
Soudain, nous vîmes Haïm debout au milieu de la neige et criant: “Qu’on pende Aman! Et nous savons tous de quel Aman il s’agit”.
Mars 1945
Ils arrivent d’Auschwitz, par groupes de vingt personnes. Bien sûr, ils ne ressemblent pas à des hommes mais plutôt à des squelettes ambulants. Leurs visages sont triangulaires avec des mentons pointus et des joues creuses. Leurs lèvres ont tellement rétréci qu’ils ne restent que des lignes bleues. Les seuls traits proéminents sont leurs yeux, extraordinairement grands, avec un étrange éclat, presque lumineux. Dans l’argot du camp de concentration, on les appelait « Musulmans ». C’était généralement l’étape précédant la mort.
Ils parlaient le Yiddish avec un accent, qui nous semblait, pour nous Juifs de Lithuanie, étrange. Ils nous racontèrent que, avant d’être envoyés dans notre camp, ils venaient du ghetto de Lodz via Auschwitz. Notre camp était connu comme le “Camp extérieur de Dachau, No 10” et situé près de la ville pittoresque de Utting, au bord du lac Amersee.
Notre camp se trouvait au milieu d’une petite forêt entourée de prairies verdoyantes et de paysages superbes.
Je me souviens du jour où nous fûmes amenés ici. J’ai pensé que rien de grave ne pouvait nous arriver dans un cadre si beau.
J’ai bientôt découvert que la beauté ne résidait que dans le paysage. Les Allemands qui s’occupaient de nous étaient des sadiques et des assassins.
Les gens de Lodz tombèrent dans le même piège trompeur. Ils s’imaginèrent que, comparé à Auschwitz, notre camp semblait un paradis. La plupart d’entre eux moururent après leur arrivée en raison du dur labeur, de coups et d’inanition. Mais ils préférèrent mourir ici plutôt que dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
C’est d’eux que nous apprîmes les histoires incroyables de chambres à gaz et de fours crématoires, où des milliers de personnes étaient massacrées chaque jour.
Quelques-uns d’entre eux nous racontèrent qu’ils s’étaient retrouvés nus devant les chambres à gaz et que soudain on leur avait ordonné de se rhabiller et qu’on les avait ensuite envoyés dans notre camp. Les Allemands devaient avoir réellement désespérément besoin d’ouvriers pour envoyer du fin fond de la Pologne ces squelettes ambulants.
Vers le mois de mars 1945, seulement quelques-uns d’entre eux étaient encore en vie. L’un d’eux était appelé “Haïm le Rabbin”. Nous n’avons jamais pu savoir s’il était réellement un rabbin mais il se lavait toujours les mains et prononçait une bénédiction avant de manger. Il connaissait les dates du calendrier juif et également les prières par cœur. De temps en temps, quand les Allemands ne regardaient pas, il nous invitait à participer aux prières du soir.
Notre commandant de camp juif, Burgin, entendit parler de lui et essaya de lui faire faire des travaux plus aisés. La plupart des gens mouraient lorsqu’ils devaient transporter des sacs de ciment pesant 50 kilos sur le dos ou effectuer d’autres travaux pénibles de ce type. Il n’aurait pas pu supporter une journée de travail comme celle-là. Il me raconta une fois que s’il survivait, il se marierait et aurait au moins une douzaine d’enfants.
Aux environs de la mi-mars, on nous donna un jour de congé. C’était un dimanche. Le camp était recouvert par la neige. Mais les premiers signes du printemps étaient dans l’air. Nous étions au courant de la percée américaine en Allemagne et une faible lueur d’espoir s’était allumée dans nos cœurs.
Après le petit-déjeuner, constitué d’une tranche de pain moisi, un minuscule morceau de margarine et de l’eau marron appelée “Ersatz Coffee”, nous retournâmes à notre baraquement afin de dormir encore un peu.
Soudain, nous vîmes Haïm debout au milieu de la neige et criant: “Qu’on pende Aman! Qu’on pende Aman!”.
Il avait sur la tête une couronne de papier faite avec un sac de ciment et était enveloppé d’une couverture sur laquelle était attachée des étoiles découpées dans le même papier.
Nous fûmes comme pétrifiés devant cette étrange apparition, à peine capables d’en croire nos yeux, pendant qu’il exécutait une danse dans la neige en chantant: “Je suis Assuérus, Assuérus, le roi des Perses!”
Alors il se redressa, le menton pointé vers le ciel, et levant sa main droite avec un geste impérial, il cria: “Qu’on pende Aman! Qu’on pende Aman! Et quand je dis ‘Qu’on pende Aman!’, nous savons tous de quel Aman il s’agit.”
Nous étions certains que, comme beaucoup dans cette période impossible, il avait perdu l’esprit. Il y avait déjà à ce moment-là, 50 pour cent d’entre nous qui regardions bouche bée le “rabbin”. C’est alors qu’il déclara: “Yidden wos iz mit aich! Mes camarades juifs, qu’est-ce que vous avez?! Aujourd’hui, c’est Pourim. Faisons un Pourim Shpiel (un jeu de Pourim).”
Il nous revint à la mémoire notre maison, il y a un million d’années; c’était pendant cette période que, enfants, nous nous déguisions pour Pourim, jouant et mangeant des oreilles d’Aman. Le “rabbin” se souvenait de la date exacte de Pourim, selon le calendrier juif. Quant à nous, nous savions à peine quel jour c’était.
Haïm partagea alors les rôles de la reine Esther, de Morde’haï, de Vasti et d’Aman parmi l’assistance. J’eus l’honneur de recevoir le rôle de Morde’haï et nous retrouvâmes tous à danser dans la neige. Ainsi, nous eûmes notre Pourim Shpiel à Dachau.
Mais ce n’était pas la fin de l’histoire. Le “rabbin” nous promit que nous aurions aujourd’hui nos “Michloa’h manot”, nos cadeaux de nourriture et nous pensâmes qu’il y avait peu de chance que cela arrive.
Mais, miracle des miracles, l’après-midi du même jour, une délégation de la Croix-Rouge internationale vint au camp. C’était la première fois qu’ils s’occupaient de nous. Néanmoins, nous les accueillîmes les bras ouverts, parce qu’ils nous apportaient les “Michloa’h manot” que le “rabbin” nous avait promis.
Nous reçûmes chacun un colis contenant une boîte de lait concentré, une petite barre de chocolat, un paquet de sucres en morceau et un paquet de cigarettes. Il est impossible de décrire notre joie. Voici que nous mourions de faim et subitement à Pourim, nous recevions ces présents célestes. Depuis lors, nous n’avons plus jamais douté du “rabbin”.
Sa prédiction s’est également révélée vraie. Deux mois plus tard, Aman/Hitler fut pendu. Il se suicida à Berlin tandis que nous, ceux qui étaient encore en vie, fûmes libérés par l’armée américaine le 2 mai 1945.
J’ai perdu la trace de “Haïm le rabbin” pendant la Marche de la Mort de Dachau au Tyrol, mais j’espère qu’il a survécu et a beaucoup d’enfants ainsi qu’il le désirait constamment. Je me souviens toujours de lui quand arrive Pourim, grâce à cet inoubliable Pourim Shpiel à Dachau.
Traduction et Adaptation de Claude Krasetzki.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Solly GANOR, un survivant de la Shoah, vit à Herzelya Pituah en Israël. Il a tenu un journal quand il était dans le ghetto de Kovno, en promettant à ses amis que, s’il était rescapé de la Shoah, il raconterait au monde ce qui s’était passé. Pendant 50 ans, il évita de parler de ce sujet jusqu’à ce qu’un journaliste ne vienne à Jérusalem accompagné de la personne qui lui sauva la vie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’était un soldat américain d’origine japonaise, dont le nom était Clarence Matsomura et qui avait servi au 522 ème bataillon d’artillerie. A la suite de cette rencontre émouvante, le journal de Solly GANOR fut publié sous le titre “Light One candle” (Allume une bougie). Ce journal a été recommandé par Eli Wiesel et est enseigné dans les lycées en Allemagne et au Japon. Solly GANOR a tenu la promesse faite à ses amis disparus, en allumant finalement une bougie pour eux
POURIM SAMEAH
magnifique tableau d’Élie Sarfati (SAREL).
Commentaire par Albert Bensoussan et Nicole Myriam Madar
Il y a d’abord ce bleu du ciel, où se suspend le rouleau ouvert de la Meguila. On pense à une voile carrée, comme il y en avait dans l’Antiquité méditerranéenne, claquant au vent. Mais cette voile/rouleau est zébrée par une effiloche de nuage, qui semble effacer quelque chose, ou interrompre la lecture. Commentaire de Myriam : c'est le doigt de D., pour dire que ce qui semble à première vue une conséquence de l'histoire, un enchaînement d'événements fortuits, n'est en fait qu'un moyen choisi par D. pour déployer son oeuvre de bien. J’ajoute qu’ici l’interprétation est ouverte : ou bien cela signifie que le salut des Juifs est constamment remis en cause par la menace génocidaire, ou bien cela figure l’effacement des ennemis, oui, ils seront effacés et détruits ceux qui voulaient nous détruire.
La partie basse et terrestre est divisée en deux : à gauche, qui est le côté néfaste, l’armée perse en rangs de bataille (est-ce celle de Xerxès qui périra face aux Grecs à la célèbre bataille de Salamine ? On dit qu’Ah’ashverosh, n’est autre que Xerxès) ; à droite le désert de Judée avec ses teintes pastel. À gauche, une troupe agressive, dressant ses lances, menaçante sous ses casques, à droite la langueur d’un paysage salvateur, celui où le peuple hébreu fut sauvé, le chemin de la Terre Promise. Et entre les deux coule une rivière. Mais elle coule sous le couple, et plus précisément sous la femme que tente de tenir le roi qui abaisse son sceptre (« Le roi tend à Èstér le sceptre d’or qui est dans sa main »). Oui, c’est Ah’ashverosh, le front incliné, et c’est Esther, bien qu’on ne la voie pas : visage voilé, évanescent, mystérieux ; il est vrai que Esther vient de la racine hébraïque seter () qui signifie mystère, le verbe sater signifiant cacher soigneusement, et haster, dissimuler ; ce ne peut être plus clair. Invisible présence de notre D. caché.
Le chemin tracé à droite sur le sable du désert indique que le peuple juif continue son histoire, lentement (deux millénaires et demi après le temps du récit) et tortueusement, et qu’il survit à la force et à la matérialité, qu’il échappe à tous ceux qui veulent le détruire. Le chemin est fin car nous ne sommes pas nombreux, nous ne sommes pas forts, nous traçons notre route dans la spiritualité et l’espérance vers notre D., représenté aussi par les montagnes – puisque c’est sur le mont que D. a donné la Torah, et d’ailleurs la Meguila est au-dessus des crêtes pour symboliser la spiritualité, et, tout en haut, la Loi. Alors qu’en face, masse et puissance, les armées du Roi se figent dans la pierre pour finir en poussière.
Le tableau de SAREL représente, en fait, deux mondes qui s’opposent et se confrontent : le matériel et le spirituel. Le matériel tente toujours de saisir et de posséder, ou de détruire, nos corps. Mais il ne peut y parvenir, car notre vie « matérielle » n'a pas d'existence réelle, nous ne sommes que les porteurs d'un message qui nous dépasse et nous transcende. C'est toute notre culture qui est derrière ce tableau. Nous ne sommes rien, rien qu'un souffle, qu'un petit trait dans l'histoire, un rai sinueux sur le sable. Mais l'histoire de l'humanité s'écrit sur notre histoire... Nous avons transmis la loi, la morale, entrepris la civilisation avec ses règles éthiques, éduqué des hommes et enseigné au monde comment il faut se conduire avec son prochain, avec la nature, avec D. enfin... Et pourtant nous ne sommes rien, havel havalim, vanité des vanités. Tous ceux qui ont voulu notre fin, n'existent plus : les Perses ne sont plus là, les Juifs oui – bien que perpétuellement menacés, aujourd’hui comme hier…
Regardons encore ce tableau et la coiffure monumentale d'Esther, dont les tresses qui descendent jusqu’à terre sont des feuilles de myrte. Il est vrai qu’Esther s’appelle en réalité Hadassa, qui signifie myrte, la plante la plus odorante, celle que l’on retrouve dans l’assemblage du loulav de Souccot. Sur la tête de la reine un diadème, avec sept fleurs, des fleurs d'amandier, et l’on sait que cet arbre est le symbole du peuple juif, tel qu’il se dresse dans la Menora, le chandelier à sept branches. Car les juifs se sont engagés par la formule naassé venichma - nous ferons et nous garderons -, comme le rapporte le célèbre dialogue de D. avec le prophète Jérémie : « - Que vois-tu, Jérémie ? - Je vois un bâton d’amandier. - Tu as bien vu parce que je veille sur mon peuple », avec cet inénarrable jeu de mot entre shaked = l’amande, et shoked - du verbe shakod - veiller, être attentif. D’où il ressort que l’amandier représente la présence bienveillante de notre D. et guide, de notre libérateur. Esther fait face à son destin, porteuse de l’espoir de son peuple ; elle dépasse d’une tête le roi, l’enveloppe, l’emprisonne dans sa chevelure tentaculaire. Le peintre nous représente une femme pieuse qui se couvre, sait se contenir (les tresses), pour mieux se réaliser. La source coule de son corps, l’eau, qui est la parole, symbole de la prophétie, symbole de la vie, qui va se régénérer alors qu'on s'apprête à la détruire.
Enfin, les pierres qui sont devant les personnages, sur le sable du désert, ne sont rien d’autres que ces pierres ou ces dés que les anciens Perses jetaient sur la table pour en deviner le sens et déchiffrer le sort. Ce sont ces dés qui ont donné au méchant la date du 13 Adar comme heure du génocide (qui n’a pas eu lieu). SAREL les représente éparses sur le désert, et n’ayant d’autre consistance que ces cailloux qu’on place sur les pierres tombales et dont la signification est un Yizcor, un rappel de mémoire. De fait, quand nous lisons la Meguila, nous ne nous rappelons pas ces personnages emblématiques et indéfiniment refoulés dans les sables d’un lointain passé, la Perse, Suse (dont je porte le nom, moi qui suis fils de Suse ou Chouchan : Ben Chouchan), Vashti, reine répudiée, Esther, vierge d’Israël miraculeusement choisie par D. par l’intermédiaire de Mordeh’aï, le roi Ah’ashverosh et le vilain vizir Haman. SAREL, s’il donne au roi de Perse une grandeur impériale, montre bien l’évanescence d’Esther : visage sans traits, beauté sans support, sans égale, elle est une de ces femmes de justice – Myriam, Judith ou Déborah - qui sont destinées à sauver Israël (tiens, tant qu’à rêver, et si c’était finalement une femme qui, réalisant enfin l’œuvre tronquée de Golda Meir, inventait vraiment la paix sur cette terre ?). Mais SAREL, qui a connu dans sa Tunisie natale l’horreur du nazisme et en a souffert dans sa chair (ainsi qu’il l’a projeté dans la fresque sculptée de la synagogue tunisienne de Netanya), sait donner à la geste d’Esther toute sa valeur et sa puissance symbolique. Oui, c’est une fête du souvenir, où nous pensons à tout notre peuple opprimé, réprimé, déporté, massacré, mais jamais anéanti, si forte est la présence de Hachem Elohénou qui nous délivre, Goalenou, et, Gaal Israël, délivre Israël.
Source : [ www.terredisrael.com]
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