Lorsque je suis né,
J’ignorais le pays
Qui m’a vu grandir.
J’ai vu seulement des visages.
Ceux des miens, un vieux
Et quatre jeunes profils.
J’ai compris plus tard
Que j’étais né à la Goulette
Et que mon nom était surprenant.
Ni Cohen ni Lévy, juste Siméoni
Juif tune dans un pays qui fut le mien.
Certes un nom corse qui déteint sur
Les autres noms de familles juives.
On ne m’a pas dit qu’il avait
Des arabes, des juifs,
Des catholiques mais j’ai vu
Des hommes, des femmes, des ânes.
Tous égaux et jamais méprisants.
Tous unis la main dans la main
Et jamais en bataille ou en querelle.
Si certains persistent à dire
Que nous sommes différents
Des uns et des autres, je dis
Que l’autre n’aime pas l’Unique.
Meiha me disait
‘…Rodbellec ye ouldi… !
Fais attention à toi mon fils… !’
Ma mère me disait
‘…Rodbelléc yé ouldi… !’
Ma tante me disait
‘…Rodbéléc yé ouldi… !’
Papa ne me disait rien.
Mon oncle me disait….
Tellement de ROD BELLEC
Qu’à la fin, je dis à mes enfants
Aujourd’hui…
‘..RODOU BELLECOM YE BNEYETI… !’
(Faites attention à vous mes filles.. !)
TANT DE ROD BELLEC
Qu’à la fin radit ( vomi) sur mes vêtements.
C’est pas plus mal…
Sacripan… Vilain….Gueux…
Moujik…Hmoum brad hfaitri
Hafién…Le moyen âge et nous.
Kif kif, les propos expriment la même chose
Mais les nôtres sont amusants et drôles.
A L’écoute, ils ont cette musicalité qui enchante
Nos oreilles et nous rappelle nos absents
Nos anciens présent ne l’ont pas oublié.
Les jeunes ne les connaissent pas trop
Les anciens oui, qu’on les use aujourd’hui
Nous fait rire.
Un œuf malsain devient chez nous
Aâdma harma, celui du péché
Qui se dit pour un enfant qui se comporte mal.
Yé memzir, pour un bâtard, et cela aussi se disait
Lorsqu’on ne reconnait pas son fils dans certaines
Attitudes. Il est mit au banc des turbulents.
Hraimi, pour un gosse malin,
Mot à double sens parce qu’il signifie
Aussi, ragout de poisson aves sa sauce rouge.
Mais dire à son enfant
‘…Nemchi kobarra ââlik …C’est oublier
Tout ce qui a été dit avant.
Nous les tunes sommes rassurés lorsqu’ en vacances nous tombons sur des profils comme les nôtres.
Lorsque je décide de partir en vacances, je dis souvent à ma femme ‘….Il y a des tunes là baaAAAs… ?’
‘…Sans tunes, tu ne peux pas rester… ?’
Pourquoi insistais-je tant sur la présence de tunes là où je voudrais camper pour une semaine ou dix jours.
Mes vacances sans tunes me seraient t’elles insipides… ?
Je débarque en Croatie, et là je cherche un parler judéo, rien, que du croates radém….
Je débarque au MONTENEGRO…Pas une parole judéo-arabe tune…
Je débarque …A Izmir….Chey… A Mykonos, baba âând ou bou….En Sicile…A Malte….
Enfin au détour d’une ruelle, des voix qui parlent ma langue ‘…Chérie, j’entends parler judéo, bizarre… !’
‘…Ce sont nos amis qui font le voyage avec nous… !’
Zut le miracle n’a pas eu lieu.
Je continue en parlant seul le judéo arabe d’entre les autochtones. Kimé él meboul.
Sans elle, je me sens pas juif tune c’est une de mes caractéristiques, des vacances sans entendre mon ancien parler c’est comme des brioches sans lait.
Donc, dés que j’entends un mot arabe, fissa fissa, je rentre dans la discuss ‘…Vous êtes de la Goulette… ?’
Et pourquoi de la Goulette et pas de Tunis braby…Question bête et superflue. Mais lorsqu’on me répond oui de Tunis, alors là, je m’assoies bél blata et je parle, je parle, je parle hatté nechbââ ( je me rassasies)
Mon bol d’air, une fois satisfait, je monte faire ma sieste tout en parlant judéo, la tranche de pastèque dans mes mains. Dans l’ascenseur.
Si un jour, il y a un départ sur la lune, je demanderai avant si là bas on parle en judéo arabe sinon, je n’y vais pas…
Libres, heureux et démocrates.
A la Goulette, je ne connais que ce patelin, la liberté ne s’apprenait pas à l’école. Elle était en nous tous.
Nous apprenions autre chose de plus concret dans nos petites classes, l’instruction civique, le respect en toutes circonstances.
Nous n’étions pas astreints à une discipline de fer dans nos écoles mais à un comportement digne envers tous nos camarades et nos profs.
Libres dans nos quartiers, dans nos plages, nous étions, aucune bande n’avait son mot à dire, de la Picolla Chichilia jusqu’au pont Nord, ni barrière ni enclos.
Heureux… ? Bien sur, et comment ne pas l’être lorsqu’entre nous, nous parlions sport, jeux musique anecdotes filles ou garçons…Boums et surprises parties… etc….
Quand pour la première fois d sa vie de jeune le Freddy tout heureux vient nous annoncer ‘..Et les amis, j’ai embrassé, une fille… ! ‘ Et nous qui lui répondions ‘…Comment tu as fais… ?’
Démocrates… ? Oui tant que nous ne parlions pas de politique anti-bourguibiste nous n’étions attachés à aucun parti. Le seul parti, pour nous les indigents du début que nous connaissions, était le parti de L’O.S.E. Des OSEISTES à part entière. Nos mamans ne juraient que par lui.
Quant à la politique d’outre mer, les infos cinéma nous rappelaient que la France était engagée en Indochine, j’avais 10 ans, plus tard, les champions sportifs français et italiens nous intéressaient bcp plus et les débats sur les marches du TAKKET’S en disait long sur l’attachement que nous avions à la politique du moment.
Quant à la religion, aucune entrave, ni barbus juifs ou musulmans, ni chapeaux melons encore moins kippas dans les rues, tchadors, niqabs, sef seri et kabkabs, chleyek ou jebbat.
MES HEROS.
Mes héros n’ont pas vécu longtemps dans ma cervelle d’adulte.
Gamin et en short de l’OSE, ma petite semaine était dépensé dans l’achat des petits livres en bandes dessinés.
J’aurai voulu ressembler en ces temps là du moins au début à BLEK LE ROC…Puis infidèle que je suis à KIT CARSON, ensuite à BUCK JOHN, puis Zorro est arrivé et voilà que Tarzan remplace ce dernier. Et ainsi chaque semaine, je devenais un héro selon ma lecture.
Je prenais à chaque page tournée la place du héro que j’avais sous les yeux ormis l’homme araignée qui en ce temps là n’existait pas encore ou bien à SUPERMAN.
Au cinéma, j’aurai voulu être Victor Mature dans SAMSON ET DALILA, ou bien Moise dans les 10 commandements à 18 ans hélas, je ne me trouvais pas la force de tenir les tables de la loi ou de parler avec A chem.
J’aurai aimé être ROCK HUDSON tenant DORIS DAY dans ses bras. Doris Day, je l’ai bcp aimé à 12 ans mais je ne crois pas qu’elle se rappelle de moi, le jeune goulettois.
Mais pour me rappeler d’elle, j’ai prénommé ma seconde fille Doris.
Puis, j’ai voulu ressembler à l’inspecteur ROULETABILLE, lorsque je me suis mis à lire sérieusement.
J’aimais aussi Victor Hugo, parce que ce grand monsieur écrivait bien, Zola mais jamais je me suis dis que je voulais ressembler à Charlemagne à cause de l’école, je fus loin d’être un héro en classe.
Les filles goulettoises du moins certaines d’elles disaient que je ressemblais à Burt Lancaster mais aucune d’elle ne m’a tenue dans ses bras, plus tard je muais en PAUL NEWMAN, là encore rien du tout je restais sur ma faim comme quoi un goulettois qui ressemble à un héro n’a pas bcp la côte avec les goulettoises.
Certes, je fus d’après mes amis un ‘héro’ de la balle mais sans plus.
Aujourd’hui, mes héros sont presque tous morts et il ne me reste plus que leur nom et prénom comme souvenir.
Maintenant, je ressemble à quoi …. ? Pas même à un pied nickelé mais plutôt à une clé de biche, je mue vers un profil Frankenstenien c’est tjs mieux que rien et je n’ai rien à dire sur cela et puis quelque soit le profil ou la silhouette que j’aurai dans le futur, mes enfants et petits enfants me voient tjs comme un héro….D’un temps passé.
Il y a un temps pour tout même celui de l’héroïsme qui n’est plus.
MAMAN HAYE. Et ses délices.
Maman Hayé z’al n’avait pas froid aux yeux.
Elle ne se gênait de rien, omi cenet bou blata allah yerhema, (elle était sans gêne que D ieu ait son âme…)
Nous étions donc invités un soir à un mariage, celui du fils d’un proche parent à ma femme.
Grande salle pour le mariage, LE GRAND HOTEL.
Avant cela, lorsque Maman reçoit la carte d’invitation, soit 6 semaines avant, elle me dit …
‘…Téoue e’ne fél hale e’li fiye, je vais aller, je réponds non… !’ Tu crois que maintenant dans la situation dans laquelle je me trouve, je vais y aller…. !!’
Donc elle répond non.
Deux jours avant la fête…
‘…Yé ouldi ndemt e’li kolt lè, je veux venir… !’( J’ai regrette d’avoir dit non… !’)
‘…In yaddin radek, mais c’est avec traiteur, tu as dis non, donc c’est non… !’
‘…Je vais appeler….Monette et elle va m’arranger cela… !’ Monette la sœur de ma femme.
Ourass rabi, elle l’appelle et voilà que Madame Maman avec tous les ‘..LE I YECHWIK envers la sœur obtient son visa d’entrée. (Que tu ne sois pas privée de tes enfants)
Donc la soirée arrive et madame est là, toute belle et bien vêtue. Elle prend son carton et elle me dit ‘…Je suis prés de toi n’est ce pas… ?’ Moi je commence à transpirer… !’ ‘…Non maman tu es prise en tant que dernière invitée dc reléguée au fond de la salle prés de la porte de secours au vu de ta réponse négative et son acceptation tardive… !’
Tout le monde rentre dans la salle et voilà que je vois maman trainer sa chaise, ses talons dans les mains à cause que ces derniers lui font mal, elle avait un grand durillin, une grosse toupie à la place de son grand orteil gauche. Et comme une fleur, elle pousse les chaises et s’installe prés de moi.
Je vois rouge et je n’en peux plus, elle pose son couvert prés du mien et Madame Maman s’assoit comme de rien n’était.
‘….Ech’mââ, j’ai donné une enveloppe de 150 FRANCS donc tu sais ce que tu dois faire pour moi… ? Sous entendu lui rendre son cadeau.
Par respect pour moi, les présents me disent
‘…Enfin Albert, ce n’est pas grave, on va tous se serrer un peu et laisser un peu de place pour ta maman… !’
Voilà que à la fin de la soirée, MADAME MAMAN ne trouve pas un de ses talons… !’
‘…Oualiyé, el fardé e’di chrita ghéllié… ! O mon D ieu, elle m’a couté chère cette demi paire… !’
Elle me regarde et elle me dit..
‘…Tu vois à force de gémir sur mon sort, je me retrouve sans l’autre talon, et comment je vais rentrer… ?’
Les nerfs me montent à la tête, je n’en peux plus par la colère et mes voisins ont entendu la perte de demi paire de talons de Madame Ma mère.
Ils se sont mis tous à chercher dessous les tables et finalement, on la retrouve à trois tables en retrait.
‘…Tu vois quand on veut on retrouve tout mais toi, rabi i chem’haq… !’Que D ieu te pardonne… !’
Maman Hayé n’est plus là, sa chaise est vide mais elle est encore bien assise dans ma tête.
Papa…Maman….
A force de le lui dire et répété , elle a fini par dire ‘…Papa… !’ Puis ‘…Maman…’ Ma fille ainée à l’âge où tous les enfants reconnaissent enfin le visage de ces deux inconnus sans nom. Papa, maman tout est dit.
‘…Papa… ! Maman… !’ Selon le timbre de la voix de l’enfant qui l’émet. Il n’a jamais le même ton.
Aimer ces voix qui disent la même chose sous des accents différents quoi de plus naturel dans l’oreille du PAPA et de LA MAMAN.
Deux mots qui restent la marque déposée de nos anciens géniteurs et aussi là notre pour nos enfants et là leur auprès des leurs, ce n’est pas un leurre mais bien bonne vérité évidente jusqu’à la fin.
Le cycle ‘Baba ou Mama….’ n’aura de fin que lorsque l’humanité disparaitra. Mella raha.
Je constate que bcp de personnes disent ou écrivent
‘….Papa ou Maman… !’ Sans citer leur prénom, comme si l’étranger qui lit a l’obligation de les connaitre depuis longtemps.
‘….Comment tu ne connais pas mon papa Challoum … Le plombier de la Goulette…?
Alors que son interlocuteur est natif de Sousse ou des États-Unis.
Nous sommes tous en vérité fiers de ce mot de PAPA ou de Maman, si fiers qu’il serait impensable ou impossible de penser qu’ils soient inconnus de part le monde. Du moins par tous les tunes…Lol.
Même l’escroc père ou la pute mère a son droit à être connu et reconnu comme Père ou Mère par leurs enfants.
Ces derniers auront à cœur de ne pas en parler en bonne compagnie, sachant parfaitement que leurs faits et gestes dans l’ancien pays sont loin d’être des exemples à être connu.
Leur image de marque en souffrirai …
’…E’dec me tarfouch… ! Ould DAR BACH….E’li omou tchén’yat mââ oussif…. !
(‘… Tu ne le connais pas…C’est le fils de la Maison….BACH….. !’ Leur maman a couché avec un noir…. !)
Mais comme un mauvais gêne ne saurait mentir, il arrive cependant que certains enfants issus du mauvais sperme, (zboub él kleb) ressembleront un jour à leur père médisant, fripouille vulgaire etc…qui mérite plutôt le titre d’indigne que Papa.
Le contraire est vrai aussi, des hommes de qualité.
J’en connais au moins une de ces mères qui avait 8 enfants de pères différents, d’un noir, d’un juif, d’un arabe, d’un italien et tous les enfants n’ont jamais oublié de l’appeler Maman. Encore maintenant.
Le jour où le médecin lui dit qu’elle n’enfantera plus, tout le quartier a cru qu’elle allait mourir de chagrin dans les bras de son amant.
Conclusion, rien ne peut ternir ce mot de Maman ou de Papa dans l’esprit d’un fils et d’une fille. Parce qu’ils sont nés avec ces deux mots sacrés dans la bouche, et ces enfants, plus tard des adultes et encore plus tard vieux, auront à cœur d’appeler leurs absents ‘bons ou mauvais’ au dernier jour avant qu’ils s’en aillent les rejoindre en enfer, au Paradis oullé fél KHLE KHELLI.
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