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Les antivax, une défaite de la pensée

Envoyé par admin 
Les antivax, une défaite de la pensée
20 juillet 2021, 13:23
Les antivax, une défaite de la pensée,
Édito
Par Jacques Julliard


Comment ne pas voir, dans ce recul de l’esprit scientifique, dont nous ressentons chaque jour les progrès paradoxaux, alors que les sciences et les techniques ne cessent d’avancer, ce qu’Alain Finkielkraut a appelé une « défaite de la pensée »", s'interroge Jacques Julliard.
J’ai longtemps cru que je connaissais les Français. Je vivais au milieu d’eux, je les écoutais, je leur parlais, je les voyais agir et réagir, au besoin se disputer entre eux pour des queues de cerises. Je connaissais donc leurs défauts, qui étaient petits, et leurs qualités, qui étaient immenses. En un mot, j’étais fier d’être l’un d’entre eux. C’est pourquoi, jusqu’au Covid, je n’aurais pas cru, je n’aurais jamais voulu croire, au grand jamais, qu’il se trouverait parmi eux, dans une proportion qui varie de 30 à 40 % selon les sondages et les moments, et qui touche toutes les couches de la société, des gens hostiles à la vaccination et qui refusent de se faire piquer.
Il y a les flemmards. Qui ne sont pas foncièrement hostiles, mais qui prennent leur temps, quand il y aura moins de monde. Il y a les calculateurs, ceux qui pensent que la France est assez peuplée pour atteindre à l’immunité collective sans leur participation. À une unité près, qu’est-ce que cela change ? Ceux-là sont les plus méprisables. Mais il y a aussi, surtout peut-être, ceux qui redoutent les effets secondaires du vaccin, les prudents ou les froussards, comme on voudra. On n’a pas assez de recul, pas assez de résultats cliniques. Laissons donc les autres essuyer les plâtres. J’ai failli écrire : essuyer les pleutres… Ceux-là ne valent pas mieux, moralement parlant, que les précédents. Ce sont les éternels pétainistes. Ceux qui n’étaient pas contre la Résistance et contre les maquis, malgré leurs « exagérations », mais qui estimaient que mieux valait attendre avant de prendre parti que la situation se clarifie. Ceux-là sont de toutes les majorités : munichois en 1938 ; vichystes en 1940 ; gaullistes en 1945. Les éternels salauds de toutes les époques.

Quand il faut agir
Mais il y a aussi les intellectuels. On sait qu’il y a en France, en tout citoyen, un intellectuel qui sommeille. De gauche ou de droite, peu importe. Des gens qui entreprennent de réfléchir quand il faut agir, et, quand ils décident d’agir, c’est pour réfléchir encore sur les conditions de l’action. Ceux-là sont les lâches et les pervers, mais en France on préfère les appeler des « intellectuels ». Les uns pensent que, avant de recourir aux vaccins, on n’a pas tout essayé. Par exemple l’irrecevable hydroxychloroquine, prônée par l’inénarrable Pr Raoult, qui s’est fait, sans nécessité, la tête d’un savant fou, et aussi du regretté Donald Trump, qui proposait, outre la nivaquine, l’injection dans les poumons de liquides désinfectants.

D’autres estiment que l’efficacité des vaccins n’est pas vérifiée : qu’elle n’est pas totale. Ils ne se prononceront en faveur de la vaccination que lorsque la moitié de la population sera morte, mais que l’efficacité du vaccin sera totale sur les survivants.
Il y a enfin les complotistes. Ceux qui pensent que tout ça n’est que propagande au profit des grands laboratoires pharmaceutiques, qui s’en mettent plein les poches. Ceux qui pensent que, outre les composants annoncés, il y a dans la seringue quelque chose comme le logiciel de la 5G ou de la 6G. Ceux qui pensent qu’on a organisé la panique autour d’une pandémie comme le monde en a déjà connu bien d’autres, pour prendre un contrôle total sur les individus. Des libertaires, on vous dit, des anarchistes qui résistent, entourés par des assassins en blouse blanche, comme Ravachol par les policiers, après l’explosion du restaurant Véry en 1892. Les attentats islamistes ne les font pas frémir, ni la mise en esclavage du peuple ouïgour, ni les millions de Vénézuéliens que la misère d’un des pays les plus riches du monde chasse de leur pays. Leur vigilance est au coin de la rue, partout où l’on pique, où l’on injecte, où l’on empoisonne…

"Défaite de la pensée"
Il y a en effet deux formes de refus de l’esprit scientifique. D’abord et toujours, la crédulité qui se laisse arrêter aux apparences, au lieu de toutes les analyser, et qui ajoute foi à tout ce qu’on lui dit, pourvu qu’on le lui dise sous le sceau du secret. Ce sont les éternels imbéciles. Mais il y a aussi, et de plus en plus, pour s’opposer à l’esprit scientifique, l’incrédulité systématique. Ceux à qui l’on ne la fait pas. Ceux pour qui, derrière les phénomènes naturels, il y a, non la malice d’un dieu, mais la conspiration des hommes. « Ne pensez pas, disait Chesterton, que quand les hommes ne croiront plus en Dieu, ils ne croiront plus à rien. Ils croiront à n’importe quoi. »
En plein XIXe siècle déjà, Gustave Flaubert avait bien aperçu le problème : « Quand le peuple ne croira plus à l’Immaculée Conception, il croira aux tables tournantes. » Nous y sommes. Pas sûr que nous y avons gagné. Comment ne pas voir, dans ce recul de l’esprit scientifique, dont nous ressentons chaque jour les progrès paradoxaux, alors que les sciences et les techniques ne cessent d’avancer, ce qu’Alain Finkielkraut a appelé une « défaite de la pensée » ? Qui s’explique à son tour par une défaite de l’école, de notre chère école primaire, laïque et obligatoire, au profit de « l’école de la bienveillance », c’est-à-dire du crétinisme bêtifiant.

La plus grande bataille que nous ayons à mener aujourd’hui est une bataille pour la raison. Contre le fidéisme. Contre l’économisme. Contre le déconstructivisme. Emmanuel Macron l’a enfin compris dans son discours du 12 juillet, qui ne manque ni de lucidité ni de courage. Si la crise du Covid amenait les Français à prendre conscience que le seul choix véritable n’est pas entre la droite et la gauche mais entre le déclin et la renaissance, la crise actuelle n’aurait pas été inutile. « Le rythme profond du monde, disait Charles Morazé, est celui de l’esprit. »
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