Nicolas Sarkozy interrompt net un entretien avec une journaliste américaine de CBS
LE MONDE |
Le téléspectateur américain qui aura regardé, dimanche 28 octobre, le magazine d'informations "60 minutes" sur CBS se sera probablement demandé pourquoi Nicolas Sarkozy a accepté d'accorder une interview à la chaîne. "Je n'ai pas le temps, j'ai un grand travail à accomplir, j'ai un emploi du temps", dit le président de la République, alors qu'il s'assied pour l'entretien, à l'Elysée. "Very busy, very busy", ajoute-t-il.
De 10 millions à 17 millions d'Américains regardent chaque dimanche soir cette émission lancée en 1968 et qui reste l'une des institutions du journalisme grand public. En prélude à la visite de M. Sarkozy aux Etats-Unis, les 6 et 7 novembre, la journaliste Lesley Stahl a entrepris de dresser le portrait d'un homme qui est "tellement proaméricain" sur "chaque sujet après l'autre : l'Iran, Israël, le terrorisme", que les Français l'appellent "Sarko l'Américain". Elle passe en revue sa carrière depuis la prise d'otages de Neuilly, en 1993, aux émeutes de 2005. Et le décrit comme un homme énergique, mais "parfois instable". Il a "l'habitude de perdre son calme". Ses relations de couple sont "tumultueuses" et sa vie privée a pris l'allure d'un "soap opera".
Ayant réussi à s'asseoir en face de lui dans l'avion qui le ramène le 4 octobre de Bulgarie, Mme Stahl essaie de pousser son avantage. Mais le président refuse de porter un micro. La question porte sur les réformes. Pourquoi réussirait-il là où d'autres ont échoué ? "Je n'ai pas peur", répond-il. "Et si les grèves paralysent le pays ?" "Je dirai aux Français : c'est à vous de choisir. On arrête ou on continue ? Moi je dis : on continue."
"QUEL IMBÉCILE !"
Selon l'Elysée, la journaliste a justifié de ce que le son n'était pas de bonne qualité pour solliciter un nouvel entretien le lendemain. M. Sarkozy est exaspéré : la presse s'est emparée de l'absence de Cécilia en Bulgarie. Il commence par abreuver de reproches son conseiller de presse. L'image le montre qui lève les yeux au ciel. Dans un coin, on aperçoit David Martinon. "Quel imbécile !", profère le président. La journaliste lui faisant remarquer que la caméra tourne, il ne s'en préoccupe pas. "Tout cela est stupide. Il est stupide. C'est une erreur totale", dit-il. Comme elle lui fait signe de se relaxer, il bondit : "Je ne suis pas en colère. Je suis pressé."
Un peu plus tard, M. Sarkozy est interrogé sur l'absence de son épouse. "Si j'avais à dire des choses à propos de Cécilia, je ne le ferais certainement pas ici", répond-il. "Mais tout le monde se demande", poursuit-elle... A ce stade, le président décide qu'il en a assez entendu. Il se lève, se défait de son micro et salue l'Américaine, qui reste assise, les yeux écarquillés. "Au revoir, merci, lance le président. Et bon courage !"
"Comme en grandissant, chaque jour pour Nicolas Sarkozy est encore une lutte, résume-t-elle. Posez-lui une question, et vous risquez de vous retrouver dans une bagarre." L'émission se termine sur une image dans l'avion. Pour conclure, elle lui demande s'il n'est pas trop présent dans les médias. Il serre les dents. "Et vous, pourquoi insistez-vous tellement pour m'avoir à la télévision ? Est-ce que "60 minutes" serait après moi si je ne vous intéressais pas ?" "Touché", concède la journaliste. "Coulé", rétorque Nicolas Sarkozy, comme dans les parties de bataille navale.
Corine Lesnes
