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La mémoire de la Shoah rattrape la Tunisie

Envoyé par jero 
La mémoire de la Shoah rattrape la Tunisie
04 février 2010, 10:58
La mémoire de la Shoah rattrape la Tunisie

Deux soirées témoignages et mémoire sur l’extermination des Juifs d’Europe ont été organisées les 1 et 2 février 2010 à Tunis par l’Institut Français de Coopération (IFC), animées notamment par Mr Hassine Fantar, professeur d’histoire et d’archéologie à l’université de Tunis, et de Serge Klarsfeld, écrivain, historien et avocat attaché à la défense des déportés juifs et à la poursuite des anciens nazis.

En même temps que Tunis, des événements similaires ont lieu à Casablanca, Rabat, Le Caire, Bagdad, Aman, Istanbul, Ramallah et Nazareth à l’occasion de la commémoration du 65ème anniversaire de la libération du Camp d’Auschwitz. Au centre de ces manifestations, le livre "Si c’est un homme" de Primo Levi, récemment traduit en arabe, un premier produit du projet Aladin.

A la première soirée , du Lundi 1 février , et devant une salle archi-comble à la bibliothèque Charles De Gaulle, l’ambassadeur Jacques Andreani, président du Comité de Conscience du projet Aladin, a plaidé, en préambule, pour un dialogue débarrassé de préjugés. "Le projet Aladin vise à donner la possibilité à des cultures différentes de trouver un point d’accord selon le principe de la justice. Car, les intellectuels et les professionnels des différents pays se heurtent à des murs d’incompréhension et d’ignorance, dans la mesure où les gens n’ont pas accès à des études historiques pour voir l’histoire commune des juifs et des musulmans".

La paix ne peut pas se fonder, à ses yeux, sur le mensonge : "Il s’agit de combattre le mensonge volontaire, et le négationnisme qui consiste à dire tu n’es pas un homme. Si on est militant de la cause palestinienne ou un militant du sionisme, on peut consentir cet effort de vaincre l’ignorance volontaire et trouver la voie de la compréhension", a-t-il fait valoir.

Annie Dayan Rosenman, universitaire et membre de la commission Histoire de la Fondation pour la mémoire de la Shoah a évoqué le témoignage de cet ancien déporté, capturé de 1943 à 1945 dans le camp d’extermination d’Auschwitz, et ayant écrit ses souvenirs dès son retour de captivité.

Mr Hassine Fantar, représentant officiel de la Tunisie du projet Aladin, a placé l’organisation d’une telle manifestation sous le signe de l’ouverture, de construction de liens et de destruction de murs entre les peuples. "Dès le début du projet, la Tunisie a dit oui, car nous appartenons à une terre qui a été depuis l’antiquité une terre ouverte. La Tunisie accepte la lampe d’Aladin, car c’est une lumière". Relatant des faits historiques sur la présence des Juifs en Tunisie, Fantar est revenu à la période du Moyen-âge, lorsque un sage protecteur de Tunis, Sidi Mehrez, a permis aux juifs d’entrer intra-muros dans la ville. Par la suite, le Bey Sidi Moncef a fait tout son possible pour protéger ses fils juifs lors de l’arrivée des nazis à Tunis.

Le représentant tunisien a aussi ajouté "Parler de la Shoah est une occurrence pour l’humanité tout entière, c’est un prétexte noble pour défendre les valeurs de tolérance, de justice, d’acceptation de l’autre et faire de sorte que la différence soit un facteur de richesse. Mais, la bonne voie, on doit la chercher pour tous les hommes et pas seulement pour soi".

Serge Klarsfeld, a rappelé de sa part que la Tunisie était le seul pays où la communauté juive a échappé aux forces hitlériennes. "Le comportement pacifique de la population musulmane, l’intelligence et l’habileté de la communauté juive, la protection accordée par le Bey et l’attitude modérée du Résident général ont empêché le massacre. La fondation pour la mémoire de la Shoah abrite un monument modeste à la mémoire des Juifs de Tunisie", indique-t-il avant d’évoquer ses souvenirs d’enfant de 8ans qui a échappé à la déportation.

"En 1943, j’avais 8ans, j’étais à Nice. Même si les Italiens protégeaient les Juifs, nous avons eu à affronter les rafles les plus cruelles. Nous avons pu échapper à la solution finale, à l’anéantissement en fuyant à la haute Loire". Serge Klarsfeld chargé de la traque des anciens nazis a déploré la collaboration du Maréchal Pétain. "L’holocauste est une page noire de l’histoire de France, il y avait des moyens de refuser la complicité, le régime de Vichy portera à jamais l’infamie". Pour Klarsfeld, le peuple juif appartient à la religion monothéiste la plus ancienne, et est porteur de morale.

Le Mardi , 2 février , un événement unique en son genre a rassemblé, dans la bibliothèque Charles De Gaulle à Tunis, les invités autour d’une Projection d’un film documentaire : « Mémoire d’enfants ». Ce document réalisé par Bô Gaultier de Kermoal retrace en effet un voyage accomplit sous le signe de l’amitié judéo musulmane, d’une classe de première scientifique du lycée Français Gustave Flaubert de la Marsa qui s’est rendue en Pologne du 14 au 18 avril 2008 pour visiter Varsovie et Cracovie ainsi que le camp d’Auschwitz Birkenau.

La Projection s’est déroulée en présence cette fois de l’ambassadeur de France et du Canada, mais aussi du réalisateur Bô Gaultier de Kermoal et plusieurs personnalités d’origines tunisiennes ainsi que des journalistes tunisiens.

Ce film présente pour la première fois la confrontation de jeunes tunisiens face à la tragédie humaine de la Shoah dont ils méconnaissent l’ampleur et le porté. Auschwitz Birkenau, ce nom terrible désigne le plus grand camp de concentration et d'extermination du IIIe Reich. Il se situe dans la ville d'Auschwitz à 70 kilomètres à l'ouest de Cracovie, un lieu ou des enfants, des femmes, des hommes et des vieillards -parce que juifs - étaient mis à nu, rasés, tatoués, dépossédés de leurs biens puis exterminés par des méthodes non égalés dans l’histoire de la barbarie humaine.

Le documentaire met en évidence des jeunes tunisiens face au sort tragique des victimes de la « solution finale » qui furent tuées dans les chambres à gaz ou parfois avec des armes à feu, mais meurent aussi de maladies, de malnutrition, de mauvais traitements ou d'expériences médicales.

A la fin de la projection de ce film, un débat est lancé. L’ambassadeur Jacques Andreani, président du Comité de Conscience du projet Aladin a rappelé les jeunes musulmans présents dans la salle pour qu’ils méditent sur le sort des 6,5 millions de juifs qui ont été tués pendant l’holocauste .Il a appelé les jeunes tunisiens à combattre le négationnisme .

Bô Gaultier de Kermoal, le réalisateur a exhorté les jeunes tunisiens à visité cette « Entreprise de la mort » pour découvrir la vérité de ce qui c’est passé réellement.

Serge Klarsfeld a rappelé qu’il n’a y’a pas une « prescription de l’horreur » et a parlé de la « planification d’une usine de la mort » en décrivant le site d’Auschwitz.

Puis le débat a été ouvert au public ; un professeur d’histoire de l’université de Tunis a rappelé l’effort fait par quelques étudiants musulmans en Tunisie pour faire des recherches sur la Shoah. Il a même révélé qu’un doctorat de recherche est en cours de préparation dans l’université de Manouba à Tunis au sujet de camps de travail forcés en Tunisie lors de l’occupation allemande dans l’hiver de 1942. (Une preuve pour certains des libertés académiques qui évoluent progressivement en Tunisie, ce sujet était tabou il y’a quelques années).

Nous notons ici l’intervention de quelques juifs tunisiens présents dans la salle (qui sont restés encore dans le pays). Jean Pierre Liscia, chirurgien dentiste en Tunisie et Josef Krief, industriel. Le premier a mis exergue les efforts personnels du président Ben Ali à laissé le débat évolué au sujet de la Shoah. Le second a relaté quelques problèmes que reconnaissent encore les jeunes tunisiens au sujet de la Shoah surtout avec les événements du Proche Orient qui créaient des confusions.

Ftouh Souhail, Tunis

Bref intervention de Ftouh Souhail à la conférence de la Shoah

J’ai assisté à la dernière soirée du Mardi, 2 février, dédiée à la sensibilisation de la Shoah, organisée par le Projet Aladin, dans les locaux dans la bibliothèque Charles De Gaulle à Tunis.

La salle était complète avant la Projection du film qui présente pour la première fois la confrontation de jeunes tunisiens, du lycée Français Gustave Flaubert, face à la tragédie humaine de la Shoah. Madame Laurence Haguenauer, directrice de l’institut Français de Coopération, a pris le soin pour que tous les jeunes, venus en masses pour découvrir la Shoah, puisent trouver une place et s’asseoir confortablement.

Selon Annie Dayan Rosenman, universitaire et membre de la commission Histoire de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, l’étape de Tunisie est une réussite par rapport à d’autres villes des pays arabes et les jeunes tunisiens sont très curieux pour découvrir ce qui c’est réellement passé à Auschwitz.

Suite à la projection de ce film de 20 minutes, un débat est ouvert, en présence de Mr Serge Klarsfeld , l’ambassadeur Jacques Andreani, président du Comité de Conscience du projet Aladin et plusieurs autres personnalités et les ambassadeurs de France et du Canada.

Notre intervention était axée sur cinq idées essentielles dont voici brièvement le résumé :

1) Tout d’abord j’ai signalé que les pays arabes en général n’accordent pas une importance particulière aux événements de la Secondaire Guerre et surtout à la tragédie de la disparition de 6,5 millions de victimes juifs. Aucun pays arabe ne subventionne des programmes de sensibilisation sur L’Holocauste qui occupe pourtant une place spéciale dans la conscience mondiale. Sans le Projet Aladin, lancé en mars 2009 au siège parisien de l'Unesco, les massent arabes demeureront sans doute sans aucune connaissance de l'atroce massacre de millions de juifs, victimes innocentes d'une haine raciale et religieuse aveugle. Le Projet français a le mérite de rendre disponible en arabe, en farsi et en turc des informations factuelles sur le génocide juif.

J’ai saluée que la Tunisie fait parti de ce projet très ambitieux mais que des étapes restent à faire. La Tunisie qui représente un exemple honorable pour l’affirmation du modèle démocratique et des droits de l’Homme est invité à lutter contre le négationnisme et empêcher toute confusion malhonnête entre les problèmes du Proche Orient et la nécessité de la reconnaissance officielle de la Shoah comme le stipule une résolution de 2005 de l’ONU. La Tunisie doit démasquer et combattre tous « les assassins de la mémoire » et prévoir une loi spéciale à l’instar des pays civilisé.

2) En second point de réflexion, j’ai insisté sur le fait que si il y’a un pays non européen qui est plus concerné que les autres par la Shoah c’est bien …la Tunisie !

J’ai adressé la question : demandiez vous pour quoi la Tunisie ? Ici j’ai rappelé que ce pays où nous sommes réunis aujourd’hui est le seul pays en Afrique du nord qui a connu l’occupation nazie. En six mois d’occupation, de décembre 1942 à mai 1943, sur une population de 85 000 Juifs, 4 000 hommes seront envoyés aux travaux forcés dans des camps de Bizerte et de Grombalia . J’ai rappelé aussi comment, en Tunisie, les juifs ont même portés l’étoile jaune (à Sousse). Les tunes furent sauvés de l’extermination SEULMENT quand les Alliés entrèrent dans la capitale, Tunis, le 7 mai 1943 et vainquirent les Allemands.

J’ai signalé enfin qu’en Tunisie les convois étaient prêts à partir et les camps commençaient à se remplir mais les américains sont arrivés à temps. Ici j’ai posée la question : pourquoi le jour du 7 mai n’est pas célébré comme une fête officielle en Tunisie ???

3) Au milieu de l’intervention j’ai rappelé une décision historique prise par la justice israélienne, et qui fêtera dans quelques jours sa deuxième anniversaire. Le 10 février 2008, la Cour du District de Tel-Aviv a décidé que « Les Juifs tunisiens qui vivaient sous le régime Nazi méritent le même statut que leurs homologues européens et ont droit à des dédommagements en tant que victimes des persécutions nazies ».

C’est une première pour la communauté juive de Tunisie, car la législation israélienne considérait jusqu’ à ce moment que loi des dédommagements ne s'appliquait qu'aux réfugiés Juifs européens. Certaines personnes m’ont regardé avec méfiance dans la salle lorsque j’ai rendu hommage à l’Etat d’Israël qui a pensée à tous les rescapés de la Shoah. Israël porte le drame de la Shoah et en même temps elle garantit la dignité des rescapés.

4) A la suite de la projection, dans la bibliothèque française à Tunis, de ce film présentant pour la première fois la confrontation de jeunes tunisiens face à la tragédie de la Shoah , j’ai proposé que cette projection sera reprise dans tous les écoles , les lycées et les bibliothèques relevant du domaine de l’Etat tunisien . Si il est louable que l’Institut Français de Coopération (sous tutelle de l’ambassade de France) accueille pour la première fois cette projection, il est plus important encore que les établissements de l’enseignement public tunisien offrent aussi aux élèves cette possibilité. Et pourquoi pas une chaîne privée de télévision ?

Si vraiment comme l’a affirmé Mr Hassine Fantar, représentant officiel de la Tunisie au projet Aladin, que son pays « La Tunisie accepte la lampe d’Aladin, car c’est une lumière » laissons donc cette lumière pénétrer dans chaque foyer tunisien pour découvrir que la shoah, n’est pas « une invention juive » ; une expression très répondue malheureusement dans la presse populaire et les milieux antisémites et négationnistes tunisiens.

J’ai insisté surtout sur l’idée que le mémoire de la Shoah « n’est pas une question d’élite et de réunions fermées » et que tout le monde doit s’associer au devoir de mémoire. Le drame de la Shoah, interdit l’oubli. Le devoir de mémoire est un devoir universel .Moi, qui ne suis ni descendant, ni ascendant, ni collatéral d’une des innombrables victimes de cette barbarie, je me considère en deuil de six millions des miens dont un million et demi d’enfants.

Ici J’ai appelé, pour la première fois, que le gouvernement de mon pays intègre le devoir de mémoire dans l’identité nationale de la Tunisie.

5) Enfin je suis arrivé au Roi Moncef Bey qui mérite la qualification d’un « Roi Juste parmi les nations ». De son accession au trône, en juin 1942, à son abdication en juillet 1943, le souverain de la régence de Tunis, malgré la courte période de son règne, a constitué un exemple de courage et de dévouement. Ce Roi éclairé a régné dans une période exceptionnel de l’histoire de la Tunisie. Après la reddition de la France aux Nazis, le protectorat fut gouverné par le régime de Vichy. A la demande des nazis de délivrer tous les juifs tunisiens, le souverain tunisien, Moncef Bey, avait répondu courageusement que les juifs étaient « ses enfants » et des citoyens tunisiens comme les autres et il a dit clairement aux allemands « je ne délivrerai aucun juif de la régence de Tunisie » .Alors qu’au même moment le gouvernement collaborateur de Vichy délivraient les juifs français à la battoire. « Nous pouvons être fiers de cet homme mesdames messieurs, Moncef Bey à dit Non aux nazis ». A la suite de cette déclaration, j’ai entendu des applaudissements dans la salle.

J’ai rendu hommage à ce souverain musulman exemplairement courageux et j’ai demandé aux jeunes tunisiens présents dans la salle : Connaissez vous Moncef Bey ? Avez-vous vu une fois son image ? Connaissez vous une avenue, une place, une stèle ou une institution en Tunisie qui porte son nom ? Savez vous quand il est mort ? Savez vous qu’il est mort en exil ? Personne n’a répondu parmi les jeunes dans la salle. La majorité des lycéens tunisiens présents n’ont jamais entendu parler de lui …

J’ai rappelé brièvement (parce que j’ai dépassé le temps réglementaire de l’intervention) que cet héros national méconnue parmi les siens est décédé le 1 septembre 1948 et qu’on a fêté hélas très modestement le 60 ans anniversaire de sa disparition.

Ici j’ai fait savoir sans ambiguïté que la date de disparition de ce Juste Roi passe inaperçue parce que la majorité (si ce n’est pas la totalité) des journalistes tunisiens et des médias du pays préfèrent consacré le jour du premier septembre, de chaque année, à l’anniversaire annuelle de la sacro-sainte « Révolutionné libyenne de Kadhafi » ! Un dictateur africain vaux mieux qu’un juste Roi de Tunisie à leurs yeux !!!

Moncef Bey, mort en exil à Pau, parce qu’il n’a pas délivré ses sujets juifs, reste un modèle de courage et d’abnégation pour nous tous .J’ai révélé ici mon intention de proposer dans quelques semaines le projet que la ville israélienne de Netanya (qui comporte l’essentiel des tunes) consacrera une stèle ou une rue à sa mémoire…

A la fin de la conférence de Tunis, sur la Shoah, l’ambassadeur du Canada en Tunisie a été très ému de découvrir ce juste Roi et il m’a dit en privé : « je ne sais pas que vous avez un roi qui a sauvé des juifs »

Voici pour l’essentiel de cette dernière soirée spéciale dédiée à la Shoah à Tunis.


Ftouh Souhail
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