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Les enjeux d’une Tunisie laïque

Envoyé par mena 
Les enjeux d’une Tunisie laïque
26 août 2010, 12:21
Les enjeux d’une Tunisie laïque (info # 012608/10) [Analyse]

Par Karim al Tounsi à Sfax © Metula News Agency


L’auteur de cet article est juriste de formation et spécialiste en droit international public et en droit du commerce international. Karim al Tounsi est un avocat résidant en Tunisie, titulaire également d’un diplôme en sciences politiques et sociales.

Une association culturelle pour la défense de la laïcité tente de voir le jour en Tunisie... En fait, depuis près de deux ans, des discussions ont été menées, de manière intermittente, entre plusieurs militants et défenseurs de la laïcité en Tunisie. Ces discussions ont pour objet le lancement d’une initiative destinée à créer un organisme voué à la défense et à la promotion des valeurs laïques.

Par-delà la diversité des approches - diversité toute naturelle dès lors qu'il s'agit d'une question aussi fondamentale et complexe que la laïcité là où elle n’existe pas -, les instigateurs du projet sont parfaitement conscients de la difficulté de la tâche.

Celle-ci consiste à assumer et à défendre la laïcité en terre d'islam. Laïcité souvent présentée par ses adversaires, au mieux comme un corollaire de l'athéisme, et, au pire, comme une volonté délibérée de nuire à l'islam et de porter atteinte aux "croyances du peuple".

Les initiateurs conviennent unanimement qu'il est grand temps de mettre fin à une situation intolérable : celle qui veut que la laïcité n'ait pas droit de cité, qui fait qu'elle est présentée comme un produit purement occidental, et, qu'en pays d'islam, elle ne pourrait constituer qu'une excroissance totalement étrangère.

Les fondateurs de l'association affirment qu’ "aujourd'hui, face aux évolutions inquiétantes que l'on enregistre, face aux nombreux indices traduisant une véritable régression, face aux menaces qui pèsent sur les acquis modernistes réalisés par notre peuple, face à l'intransigeance du pouvoir tunisien dans son refus d'engager le pays dans la voie démocratique, il devient urgent pour les défenseurs de la laïcité de se rassembler.

D'unir leurs efforts, d'engager la réflexion et le débat sur le modèle d'Etat et de société que nous voulons et que nous pouvons contribuer à construire, sur les valeurs qui devraient régir les rapports entre l'Etat et le citoyen, les citoyens entre eux, le politique et le religieux, etc."

Alors que le monde entier, hors la zone arabo-musulmane, vit et s'organise aujourd'hui dans le cadre d'une laïcité ou d'une sécularisation, certes très diversifiées et même contrastées, le monde arabo-musulman - dont la Tunisie fait partie -, est-il condamné à rejeter l'accès à la modernité, à la démocratie, toutes deux inséparables d'une sécularisation, adaptée certes aux particularités historiques et culturelles du pays, mais intégrée dans l'évolution universelle ?

La création de cette association est controversée, d'abord parce que le projet semble être assez ambitieux et demande des réformes sur des sujets sensibles, tels que la modification de la loi sur les successions, soumise à la Sharia islamique, et qui ne prévoit aucune égalité entre l'homme et la femme à propos de l’héritage, ainsi que sur la question du mariage entre une musulmane et un non-musulman, que la loi interdit.

Ensuite, nombreux sont encore les Tunisiens qui ne comprennent pas la vraie motivation des fondateurs de cette association... Est-elle parfaitement indépendante ? Ne sert-elle pas d'autres causes sous-jacentes ?

On peut aussi lier leur projet à la montée récente du courant religieux en Tunisie. Mais, face à cette dernière accusation, les fondateurs répondent : "Nous n’avons pas agi sur la base d'une réaction.

Notre projet est plutôt un projet sociétal et intellectuel, qui refuse de se mêler des affaires politiques. Dans tous les cas, la montée du courant religieux ne date pas d'hier, mais remonte au début des années 1990, et le groupe fondateur de notre projet a pris des positions et exprimé ses opinions sur la question religieuse depuis les années soixante".

Les fondateurs de cette association croient que l'Etat Tunisien n'a pas été construit sur une base laïque, et que Bourguiba était assurément un réformateur, mais pas un laïc.

L'égalité complète entre citoyens, et notamment entre hommes et femmes, est, pour eux, la seule garantie d'un Etat démocratique et moderne.

Concernant la première section de la Constitution tunisienne, qui stipule que la religion de la Tunisie est l'islam, Salah Zghidi, l'un des fondateurs de cette association, dit : " Nous ne nions pas le fait que l'islam a encore un rôle important dans la législation tunisienne et dans les affaires de la nation, et c'est ce qu'exprime cette première section.

Nous estimons que la législation et les lois doivent être soumises aux changements, de manière à parvenir à l'égalité entre les hommes et les femmes, ce qui est un point fondamental (pour aller) vers le progrès, la modernité et la pleine citoyenneté".

Concernant le hijab et la burqa, ils n'acceptent aucune barrière matérielle entre les hommes et les femmes. Ils rejettent également les appels à la séparation entre les filles et les garçons à l'école. Ils veulent qu'ils grandissent ensemble, sans clôtures, comme des êtres humains égaux, en quête de connaissance.

De ce point de vue, ils pensent que le hijab est une cloison entre les sexes.

De même, ils n'encouragent pas les femmes à se cacher derrière le hijab, au prétexte que leurs corps sont synonymes de tentation et de désir sexuel.

Ils pensent que c'est une vision très avilissante et perverse de la Femme, et estiment que résister à cette approche négative ne requiert pas le recours à des forces de sécurité, mais appelle plutôt au dialogue permanent dans des media libres et ouverts.

L’obscurantisme est une réalité quotidienne dans la plupart des pays d'islam, même si c’est à des degrés divers, avec le paroxysme en Arabie Saoudite et en Iran, et plus de lumière en Tunisie...

L’intégrisme islamiste tue aussi, et souvent, en pays d’islam… En Tunisie, qui, sans être laïque, est un pays d’islam où s’est instaurée entre l’Etat et la religion une distance non négligeable, il reste du travail a faire pour contrer l’offensive de l’islam politique, jeté à l’assaut des acquis et des progrès dans le sens de la laïcité.

L'initiative est certainement intéressante, mais il reste à démontrer que la majorité des Tunisiens penchent réellement pour la cause de la laïcité.
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