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Lectures : Livres, Litterature,.........concernant Israel...........

Envoyé par lapid 
Lectures : Livres, Litterature,.........concernant Israel...........
06 septembre 2007, 04:43
Lectures : Livres, Litterature, Publications diverses concernant Israel et le Moyen-orient, l'Antisemitisme et l'Antisionisme et plus generalement le judaisme et l'Histoire du Peuple juif
Lectures : Juifs et Arabes au 20eme siecle - janvier 2007
30 août 2007, 13:14
A Lire : Juifs et Arabes au 20eme siecle - Par Michel Abitbol - janvier 2007 -

Voici un livre phare, une véritable mine d’informations originales et de détails peu connus sur la relation, devenue très conflictuelle, entre Juifs et Arabes, à travers le temps et l’espace. Certes, on peut ne pas partager la sensibilité politique de l’auteur, mais force est de reconnaître qu’il nous livre là un remarquable travail d’historien qui puise aux sources mêmes, souvent arabes, les éléments de son analyse.

Nous sommes au début des années 1800. « Avec ses villages dispersés, sa population rurale dominante, ses villes peu peuplées et ses Bédouins, la Palestine était une province arabe comme une autre de l’Empire ottoman ». Et voici que, mus par l’espoir bimillénaire d’un retour à Sion répété tout au long des siècles dans les prières, poussés par un antisémitisme récurrent en Europe, des Juifs prennent le chemin de Jérusalem. En 1880, ils sont 25000, constituant ce que l’on commence à appeler le Yishuv. Puis vient le temps de Theodor Herzl et du sionisme politique. Les Juifs, de plus en plus nombreux et malgré tous les obstacles mis sur leur chemin, rejoignent la terre de leurs ancêtres. Ils achètent rubis sur l’ongle et souvent à prix d’or, des parcelles, se font cultivateurs, s’installent peu à peu dans la pérennité. Avec la Première Guerre mondiale, un pas nouveau est franchi. « Il n’y a pas de doute : affirme Michel Abitbol, la Première Guerre mondiale marqua la fin d’un monde et le début d’un autre pour les Arabes et les Juifs de Palestine. Pour les premiers, elle annonçait la fin de douze siècles de règne musulman et la cession de leur pays à des « étrangers » par d’autres étrangers. Pour les seconds, elle présageait l’une des victoires diplomatiques les plus marquantes de leur histoire et la reconnaissance de leurs droits nationaux dans ce qui fut jadis leur patrie ancestrale ».
Entre le « jeu cynique des Anglais », la querelle perpétuelle entre Français et Britanniques pour la domination du Proche-Orient, les Juifs, patiemment et avec détermination, marquent des points. Le 4 juin 1917, c’est la déclaration Cambon et, le 2 novembre 1917, la fameuse déclaration Balfour. Dès lors, la réaction arabo-musulmane se fait violente. Manifestations et heurts sanglants sont ponctués, dans les années 20, de velléités antisémites que montrent sans ambages les slogans : « La Palestine est notre terre et les Juifs sont nos chiens ».
En 1929, pendant trois jours, c’est le pogrome à Hébron « Les événements de 1929 furent, sans aucun doute, un véritable tournant dans l’histoire des relations judéo-arabes, aussi bien en Palestine qu’à l’étranger ». Un an plus tard, d’ailleurs, Juifs et Musulmans s’affrontent à Sfax, à Tunis, à Casablanca, Rabat, Ksar el-Kébir et Tanger. En 1934, à Constantine, en Algérie, c’est le pogrome de sinistre mémoire. La publication en 1930, par les Anglais, du Livre blanc défavorable aux sionistes, n’y peut rien. Contre vents et marées, poussés par un idéalisme irrépressible, les Juifs sont désormais un demi-million, 30% de la population totale. Leur activité débordante et leur réussite attirent d’ailleurs un bon nombre d’Arabes des pays voisins qui formeront une part non négligeable des Palestiniens d’aujourd’hui.

En 1937, et pour la première fois, la commission Peel propose un plan de partage de la Palestine entre un État arabe (75% des terres) et un État juif (20%), le reste du territoire demeurant sous mandat britannique. Le refus violent et la révolte des Arabes portent dès lors en germe les prémisses du terrorisme arabe et du contre-terrorisme juif. Un nouveau Livre blanc, toujours drastique à l’égard des Juifs est publié en 1939 tandis que les bruits de bottes les plus inquiétants parviennent d’Europe. On connaît la phrase prêtée à David Ben Gourion : « Il faut lutter contre le Livre blanc comme si l’Angleterre n’était pas en guerre contre Hitler et lutter du côté des Britanniques dans leur guerre contre Hitler comme si le Livre blanc n’existait pas ».
En mai 1942, à New York, un pas de plus est franchi. Le Congrès sioniste, dans une résolution, indique que le but du sionisme est l’établissement, en Palestine, d’un État juif. Un but qui sera atteint le 29 novembre 1947 avec le vote historique des Nations unies. Le 15 mai 1948, tandis que Ben Gourion proclame la naissance d’Israël, les armées arabes coalisées envahissent le jeune État. On connaît la suite : gain de territoires par Israël, exode de populations arabes, et, tout au long des années, des guerres et encore des guerres : 1956, 1967, 1973, Guerre du Liban et Intifada, guerre contre le Hezbollah, enfin.

Par-delà le survol, excellemment documenté de l’histoire moderne de l’État juif, ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage, ce sont les développements incisifs sur l’antisémitisme musulman qui gangrène de plus en plus un conflit déjà difficile, l’analyse de la question des réfugiés palestiniens avec son pendant, celle des réfugiés juifs des pays arabes ou encore le portrait très éloquent de personnages inquiétants dont l’influence a été décisive sur le mental actuel des Arabes en général et des Palestiniens en particulier.

Pour ce qui est des réfugiés palestiniens, Michel Abitbol considère que le « massacre » de Dir-Yassin (à propos duquel, l’auteur, dans une note, se réfère à une récente étude exhaustive de Benny Morris qui établit que « le nombre de tués arabes était beaucoup plus bas que ce qui avait été publié jusque là et que, contrairement à la thèse généralement admise, « il n’y a eu aucun massacre organisé à grande échelle » ») conjugué à la déroute cinglante des armées arabes provoqua un mouvement de panique « et entraîna un début d’exode des villes et des territoires à population mixte. Le mouvement s’accéléra davantage après l’expulsion, en juillet 1948, des habitants arabes de Ramleh et Lod. Deux initiatives ponctuelles, approuvées après coup par le commandement général des forces juives mais ne faisant partie d’aucun plan d’ensemble d’expulsion des Arabes ». « Les dirigeants sionistes, poursuit l’auteur, semblent n’avoir jamais planifié un tel départ qui, à coup sûr, servait leurs intérêts, pas plus que les États arabes n’avaient appelé les Palestiniens à quitter en masse leurs demeures et leurs villages, comme les Israéliens l’ont soutenu pendant longtemps pour se décharger de toute responsabilité dans la naissance de la « question des réfugiés » palestiniens » (La aussi, Abitbol infléchit son propos par une note en fin d’ouvrage où il reconnaît que la question est « encore très controversée »).
Quant aux Juifs qui ont quitté les pays arabes et sur lesquels des détails très intéressants nous sont fournis, Michel Abitbol estime que « Ni conséquence de machinations diaboliques ni simple déplacement de personnes en quête de meilleures conditions de vie, le départ des Juifs des pays arabes s’inscrit dans le vaste mouvement de populations qui voilà plus d’un siècle, transforme de fond en comble, la physionomie démographique de la Méditerranée ». Avec, en toile de fond, « l’homogénéisation ethnique, culturelle et religieuse du monde arabo-musulman qui, sous la poussée uniformisatrice de l’État-nation et du nationalisme, se vidait depuis des décennies de ses minorités… ». En Tunisie, « Bourguiba ne calma sûrement pas les appréhensions de sa minorité juive lorsqu’il promulgua, en 1959, une Nouvelle Constitution dont l’article 1 proclamait haut et fort que « la Tunisie est un État libre dont la religion est l’islam et l’arabe la langue nationale ». Un Bourguiba dont on n’oubliera pas qu’il adressa, en juin 1946 à une commission des Nations unies, un mémorandum d’une violence inouïe déclarant : « On a parlé de dénazifier les Allemands pour en faire un peuple sociable dans le concert des peuples civilisés. Il convient aussi et surtout de désioniser les Juifs si l’on veut rendre possible leur intégration progressive dans leur patrie d’adoption ». Plus tard, en Tunisie, éclateront, au fil des guerres israélo-arabes, des émeutes antisémites. Au Maroc, où l’antisémitisme actif fit aussi son apparition avant que ne s’organise, au grand jour, sous l’œil vigilant des hautes autorités du pays, le transfert massif des Juifs marocains hypocritement autorisé, moyennent 50 dollars par individu, soit 500 000 dollars en tout, somme qui « alla grossir les comptes personnels de plusieurs hauts fonctionnaires du royaume chérifien », départ officiellement autorisé « pour toutes les destinations sauf Israël ».

En Irak, en Égypte, en Syrie, les campagnes antijuives furent très violentes et précédèrent le départ massif des Juifs
Parmi les personnages inquiétants traités par l’auteur, on notera l’ignoble al-Hadj Amin, qui, selon Abitbol, reçut « un accueil plutôt réservé de la part de Hitler » à qui il était venu proposer ses services. Ce qui ne l’empêcha pas de mettre sur pied un régiment musulman luttant aux côtés de la Werhmacht en Serbie et en Croatie et qui, après l’arrivée des forces de l’Axe en Tunisie, en novembre 1942, encouragea Moncef Bey à se ranger du côté des Allemands.
Effrayant aussi, Sayyid Qutb, « le plus grand théologien de l’islamisme contemporain » qui « considère les Juifs comme les ennemis perpétuels des musulmans depuis l’époque du Prophète jusqu’à nos jours ».
De très intéressantes pages sont consacrées aux Arabes israéliens, dont l’israélisation s’accélère parallèlement à leur palestinisation et à leur ré islamisation. « Fier de ses origines arabes, le nouvel Arabe israélien » se considère comme membre à part entière du peuple palestinien et souhaite la création d’un État palestinien, sous la direction de l’OLP, en Cisjordanie et à Gaza, aux côtés d’Israël ». Ce qui n’empêche pas, hélas, les débordements franchement nauséeux d’un Mahmud Darwich qu’on retrouve dans son poème exécrable : Passants parmi les paroles passagères.

Enfin, cerise sur le gâteau, Michel Abitbol nous fait découvrir des personnages hauts en couleur, des leaders charismatiques musulmans fanatiques à souhait, qui ont en commun le fait d’être… des Juifs convertis à l’islam. Ainsi Maryam Jameelah, née Margaret Marcus, Juive américaine, proche du shaykh pakistanais Abu al-Ala al-Mawdudi, fondateur de la Jama’at al-Islami, qui prône une guerre sans concession contre les Juifs et l’Occident. Pour elle, « la lutte entre Juifs et musulmans est appelée à perdurer jusqu’à la fin des temps ». Ainsi Léopold Weiss, né à Lwow, en Pologne devenu Muhammad Assad et qui, après sa conversion à l’islam représenta le Pakistan à l’ONU de 1947 à 1957. Ou encore l’Irakien Ahmad Soussa, né en 1902 à Hilla dans une famille juive, qui vécut aux États-Unis et abandonna femme et enfant pour embrasser l’islam
De nombreux tableaux statistiques et un ensemble de cartes complètent cet ouvrage essentiel à qui veut comprendre, dans ses méandres les plus secrets, le fond du conflit entre Israéliens et Arabes, entre Juifs et Musulmans. À lire absolument.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Perrin Tempus. Janvier 2007. 416 pages. 9,50 €
Lectures : Séfarades – Palestiniens. Les réfugiés échangés » par Jean-Pierre Allali
31 août 2007, 03:14
LU SUR ADRA

Par Meyer le mercredi 14 décembre 2005 - 14h58:

« Séfarades – Palestiniens. Les réfugiés échangés » par Jean-Pierre Allali - 14/12/05

Description :

Jean-Pierre Allali, universitaire, écrivain et journaliste, membre du bureau exécutif du CRIF, publie aux éditions Safed un livre fort intéressant « Séfarades – Palestiniens. Les réfugiés échangés. » En fin connaisseur de l’actualité moyen-orientale, il se penche donc sur le problème des réfugiés et revient plus particulièrement sur l’exigence palestinienne de « Droit au retour » (la possibilité offerte aux millions de « réfugiés » palestiniens de venir s’installer en terre d’Israël), exigence qu’il qualifie de « totalement surréaliste » et « d’invasion démographique avec, en filigrane, la disparition à terme du caractère Juif de l’Etat d’Israël. ». Jean-Pierre Allali aborde néanmoins cette problématique sous plusieurs angles, puisqu’il consacre une bonne moitié de son étude à évoquer le sort d’autres « réfugiés » oubliés (juifs des pays arabes), dont une partie a été accueillie en terre d’Israël et dont il faudra tenir pleinement compte dans tout règlement du contentieux israélo-arabe. Dans ces développements, Jean-Pierre Allali explique que « contrairement à un mythe véhiculé et asséné depuis des décennies, la vie des Juifs en terre d’Islam n’a pas été l’âge d’or perpétuelle que d’aucuns voudraient nous faire accroire. Bien que la vie des communautés juives y ait été, dans l’ensemble, moins rude qu’en Occident chrétien, elle a régulièrement connu des heures sombres qu’on ne saurait passer sous silence. » Allali parle de Juifs « opprimés, spoliés, expulsés, leurrés, disséminés » et dont le statut « infamant » de Dhimma « en avait fait de véritables esclaves méprisés pendant des siècles. » Par ailleurs, il dresse une compilation fort émouvante et non exhaustive de massacres, pogromes et de conversions forcée de Juifs en terre d’Islam à travers les siècles. Il complète son étude par un bref survol, pays par pays, qui permet de se faire une idée précise de l’étendue de ce phénomène extraordinaire : « l’expulsion, hors de leur histoire et de leur terreau naturel de centaines de communautés juives à travers le monde. » Ce tableau montre qu’entre 1948 et 2004, l’évolution démographique des Juifs dans les pays arabo-musulmans a connu une chute significative, même si les raisons qui permettent d’expliquer pourquoi les Juifs ont quitté ces pays sont multiples :

[Un tableau donne, par pays musulman, la population juive en 1948 et en 2004.
Le total est de 1.136.900 juifs en 1948 et 60.962 en 2004.
On peut voir le tableau en détails dans le bulletin du CRIF

[www.crif.org] ]

Enfin, Jean-Pierre Allali affirme que contrairement à des « affirmations réitérés par toutes sortes de penseurs, notamment musulmans, le Coran, et partant de là, la tradition islamique, ne sont pas vierges de tout antisémitisme. En témoignent les nombreux versets explicites tirés de diverses sourates qu’il répertorie avec minutie.

Concernant cette fois les « réfugiés » palestiniens, Jean-Pierre Allali reconnaît « l’immense tragédie des populations palestiniennes », mais dans laquelle -précise-t-il- « l’Etat d’Israël n’a qu’une responsabilité minime ». Selon l’auteur, « la conjugaison du refus arabe obstiné d’un Etat Juif en 1948 et de l’impéritie des dirigeants successifs, d’Ahmed Choukeiri à Yasser Arafat que se sont donnés les Palestiniens, est la cause essentielle de ces malheurs. » L’auteur affirme que « le nombre de réfugiés palestiniens, malheureusement aujourd’hui installés dans ces « camps » (de réfugiés), équivaut à celui des réfugiés séfarades. Or, une bonne part de ces derniers, environ un million, ont été accueillis et installés en Israël, Etat dont ils sont, avec leurs descendants, les citoyens. »

En fin d’ouvrage, Jean-Pierre Allali écrit qu’il est temps de résoudre ce conflit. Il suggère donc que « s’établisse, aux côtés d’Israël, un Etat arabe palestinien, dans des frontières sûres et reconnues. » Quant aux Israéliens, Jean-Pierre Allali demande de « sincèrement et définitivement abandonner l’idée du ‘Grand Israël’ qui, outre l’injustice flagrante commise à l’égard des Arabes palestiniens entraînerait à terme, la disparition du caractère Juif de l’Etat d’Israël. » L’auteur espère que les Arabes en général et les Palestiniens en particulier, accepteront « sincèrement » et « définitivement » l’idée pérenne d’un Etat Juif en Palestine : Israël. « Ils doivent également éliminer de leur pensée l’idée que ce faisant, ils consentiraient à une forme de Hudna, de trêve, jusqu’au jour où ils retrouveraient les forces et les moyens de chasser les Juifs du pays. » Enfin, concernant les trois religions monothéistes qui se réclament du même ancêtre, Abraham, Jean-Pierre Allali rappelle qu’elles sont « aussi respectables l’une que l’autre », qu’il « n’y a aucune prééminence. Le christianisme ne remplace pas, en l’améliorant le judaïsme, et l’Islam ne remplace pas, en les améliorant, le judaïsme et le christianisme ». C’est à ces conditions, conclut-il que « le monde et les mentalités pourront changer et qu’une ère de paix et de prospérité pourra s’ouvrir pour le Proche-Orient et notre planète ».

Marc Knobel

Jean-Pierre Allali, « Séfarades – Palestiniens. Les réfugiés échangés », Editions Safed, 2005, 20 euros.
Pièces jointes:
Sepharades-Palestiniens - 18161.jpg
Lectures : L'affaire Dreyfus a accéléré l'histoire de France - Michel Drouin, historien et chercheur
31 août 2007, 03:44
LU SUR ADRA

Par Emma le lundi 03 juillet 2006 - 19h19:

L'affaire Dreyfus a accéléré l'histoire de France

Michel Drouin, historien et chercheur, explique pourquoi, cent ans après avoir été innocenté, le capitaine Dreyfus n'en finit pas de hanter la mémoire collective. Le combat pour sa réhabilitation demeure un exemple pour la défense des valeurs républicaines.

Par Annette LEVY-WILLARD

L'affaire Dreyfus continue à intéresser, à passionner même, comme l'avait prévu Charles Péguy qui écrivait en 1910 : «Plus cette affaire est finie, plus il est évident qu'elle ne finira jamais.»Comment l'expliquez-vous ?
Quand on lit ce qu'ont écrit sur l'affaire Léon Blum, Jean Jaurès, Georges Clemenceau et tous les autres, nous sommes dans la république d'aujourd'hui. Ce drame mobilise encore les médias, l'imaginaire ­ alors qu'il n'y a plus rien à dire sur l'homme, son innocence ayant été établie depuis que la Cour de cassation l'a innocenté ­ parce qu'Alfred Dreyfus, le premier héros de son histoire, est un pur produit républicain. Polytechnicien, c'est l'officier moderne, qui a opté pour les armes nouvelles et un enseignement militaire nouveau, il est cultivé, parle plusieurs langues. Et l'affaire éclate à l'époque du poète norvégien Henrik Ibsen, de Tolstoï, au temps des influences étrangères. Justement ce que les antisémites comme Edouard Drumont, l'auteur de la France juive,un livre abominable de délation publié en 1886, rejettent, ils refusent ce qui ne se plie pas à l'esprit cartésien, à leurs habitudes. C'est le choc entre deux systèmes de valeurs. La France de 1894, quand l'affaire éclate, vit encore dans le traumatisme de la défaite de la guerre de 1870-71. Dans les écoles, on a des cartes de France avec des grands crêpes noirs sur l'Alsace et la Lorraine. L'armée, objet d'un respect unanime de la nation, est investie des valeurs éternelles de la France. Or ces valeurs sont encore monarchistes, voire bonapartistes, plus que républicaines. On n'imagine pas l'amour des Français de l'époque pour l'armée ­ amour partagé d'ailleurs par les dreyfusards. Sauf que les dreyfusards s'indignent de la solidarité inadmissible entre les militaires qui ne sont pas compromis par l'affaire et les chefs de l'état-major responsables de la conspiration militaire contre Dreyfus.
Pourquoi les chefs militaires ont-ils monté des fausses accusations de trahison contre le capitaine Dreyfus ?
Tout commence quand le service de contre-espionnage français fouille la corbeille de l'attaché militaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris et trouve un papier, qu'on appellera «le bordereau»,qui montre qu'un espion propose de fournir aux Allemands des renseignements sur un nouveau canon, le 120. C'est l'effervescence, en particulier chez le général Mercier, ministre de la Guerre, qui s'avérera le grand criminel de l'affaire. Il y avait déjà eu des espions pris la main dans le sac. Le général Mercier (un républicain) demande qu'on éclaircisse immédiatement le problème. On prétend reconnaître l'écriture d'un certain Dreyfus. Pour l'expert graphologue au pinacle à l'époque, Bertillon, fondateur de l'anthropométrie, il n'y a pas de doute, le bordereau a été écrit par Alfred Dreyfus, contre l'avis de l'autre expert, celui de la Banque de France. Dreyfus est accusé d'avoir trahi. Quand, en 1896, le lieutenant-colonel Picquart découvrira que le traître est le commandant Esterhazy, auteur du fameux bordereau, que donc Dreyfus est innocent, il ira voir le général Gonse pour lui dire : «Mon général, il y a un innocent à l'île du Diable.»Et le général de répondre : «Qu'est-ce que cela vous fait que ce juif reste à l'île du Diable ?»
D'où vient cet antisémitisme virulent dans un pays qui, le premier en Europe, a considéré les juifs comme des citoyens égaux dans la République ?
Il y a une crise économique, le krach des banques, il faut trouver des coupables et on accuse les juifs. On est dans le paradoxe. C'est vrai que la France est le pays de la Révolution française, le premier à avoir émancipé les juifs, en 1791, le seul au monde qui permette aux juifs d'accéder à un rang élevé au Conseil d'Etat ­ c'est le cas de Léon Blum Ñ dans l'armée, la magistrature, la plupart des institutions publiques. Alors qu'en Allemagne, en Italie, en Angleterre, les juifs s'arrêtent à un rang subalterne, avec des exceptions comme Benjamin Disraeli, élu à la Chambre des communes en Grande-Bretagne. Pourtant, c'est en France que se déroule l'affaire Dreyfus, la plus emblématique des histoires antisémites. A l'étranger, on est stupéfait, en colère contre cette France patrie des droits de l'homme. C'est cette même stupéfaction que ressent le journaliste austro-hongrois Theodor Herzl qui couvre, pour son journal viennois, la condamnation de Dreyfus et sa dégradation. Constatant que même dans la France républicaine la population juive peut être confrontée à un tel danger, il est convaincu que les juifs doivent avoir une patrie, et va fonder le mouvement sioniste. Le débat autour de l'affaire fascine le monde entier : au fin fond du Canada, les journaux de Vancouver publient un article par jour, la reine Victoria envoie son Lord Chief of Justice pour suivre le second procès qui se déroule devant le conseil de guerre, à Rennes, en 1899... Toutes les monarchies d'Europe sont dreyfusardes, parce qu'un prince de Monaco (le grand-père de Rainier) a fait le tour des cours pour leur expliquer que Dreyfus est innocent.
Pourtant toutes les institutions françaises, l'Eglise, le Parlement, les journaux, sont antidreyfusardes. Et même, au début de l'affaire, les socialistes...
Quand les antidreyfusards créent la Ligue de la patrie française, contre la Ligue des droits de l'homme, ils recueillent immédiatement les signatures de tous les académiciens, sauf celle Anatole France, qui ne remettra plus jamais remis les pieds à l'Académie. A gauche aussi (Proudhon, Jules Guesde et d'autres), un vieil antisémitisme véhicule la conviction que tous les juifs sont riches. Jean Jaurès, malgré son génie, ne savait pas qu'il y avait aussi un prolétariat juif. Le jour de la condamnation de Dreyfus à la déportation perpétuelle à l'île du Diable, le député déclare au cours du débat au Parlement : «Vous dites qu'il a commis un crime abominable, et ce monsieur va être envoyé à l'île du Diable aux frais de la république ? Il faut le fusiller.»Jaurès partage encore l'idée que tous les juifs sont des capitalistes. Plus tard, il écrira que Dreyfus, «dépouillé par l'excès même du malheur de tout caractère de classe ,[...] devient un élément de révolution»et entraînera tout le Parti socialiste dans le combat pour Dreyfus.
Au moins une institution française, et la plus élevée, s'est bien conduite : la Cour de cassation, qui a innocenté Dreyfus.
Les magistrats de la Cour de cassation, catholiques ou protestants, probablement antidreyfusards, probablement antisémites, ont fait un travail exceptionnel ­ d'ailleurs salué par le monde entier : pour un seul homme, les deux révisions de la chambre criminelle de la Cour, 1899 puis 1904-1906, ont produit 15 000 pages d'enquête. Le 12 juillet 1906, ils ont réhabilité et innocenté Dreyfus. Ces magistrats qui ont été insultés, menacés, quand ils ont été mis devant leur responsabilité de dire le droit, de dire la vérité, de juger professionnellement, ils se sont révélés non seulement courageux mais compétents. L'arrêt de la Cour de cassation, qui a définitivement innocenté Dreyfus, est l'un des plus grands arrêts de l'histoire de France. Très peu connu, il n'a jamais été remis en cause. Quant au traître Esterhazy, il sera définitivement confondu, des années plus tard, quand, par des méthodes modernes, un laboratoire identifiera son écriture. Pourtant l'Action française continuera de porter des accusations insensées : la République est pourrie, même les magistrats de la Cour de cassation ne respectent pas le droit et la justice... Rappelons tout de même que tous les criminels de l'affaire, sauf le colonel Henry qui s'est suicidé ou a été suicidé, sont morts dans leur lit. Et il a fallu un siècle pour que les autres institutions françaises fassent leur mea-culpa. Le journal la Croixpar exemple. La presse catholique de l'époque se vendait à des millions d'exemplaires et publiait des éditoriaux qui étaient de véritables appels au meurtre, avec des allusions aux pseudo-crimes rituels : dans la France de la fin du XIXe siècle... Un siècle pour que l'Eglise de France admette qu'elle a failli. Un siècle aussi pour que l'armée française reconnaisse que Dreyfus avait effectivement été victime d'un complot militaire, même si, lors de la commémoration en 1994, dans une publication du ministère de la Défense, un texte expliquait encore que «l'innocence de Dreyfus est la thèse généralement admise par les historiens». Le responsable de la publication sera limogé sur-le-champ par François Léotard, ministre de la Défense.
La bataille des valeurs dreyfusardes et antidreyfusardes va se poursuivre jusqu'au régime de Vichy...
On croyait la république solide mais elle a failli s'écrouler. L'affaire a servi d'électrochoc à une France très rurale, qui ne bougeait pas. Elle a accéléré l'histoire : ce sont des dreyfusards ­ comme Jaurès et Clemenceau ­ qui vont militer pour faire passer la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. Et, sur le plan social, elle a permis d'instaurer enfin l'impôt sur le revenu. On retrouve aujourd'hui ce débat autour de l'agriculture avec le refus de certaines formes de modernisation et le non à l'Europe. On peut aussi relier l'affaire Dreyfus au gouvernement de Pétain qui met en place, avant que les nazis ne le lui demandent, un statut des juifs les excluant de la société française dès 1940. On peut aussi rappeler l'amitié de Mitterrand avec René Bousquet, l'ancien secrétaire général de la police de Vichy, responsable de la livraison aux nazis de la petite-fille de Dreyfus : Madeleine Lévy, très jeune résistante, fut arrêtée par la police française en 1943 et disparaîtra à Auschwitz.
L'affaire Dreyfus, c'est aussi la naissance d'une spécificité française : l'engagement des intellectuels. A commencer par le «J'accuse»de Zola.
Il y a une tradition, depuis Montaigne et Voltaire, de l'esprit critique en France. Mais quand Zola fut contacté pour s'engager en faveur de Dreyfus, il s'est passé une sorte de miracle : son « J'accuse»n'aurait jamais existé si Zola avait été au travail sur un roman. Or, par chance, il était entre deux livres. Cet homme, 17 fois candidat malheureux à l'Académie, veut absolument être un écrivain reconnu (Légion d'honneur, président de la Société des gens de lettres). Mais c'est un esprit noble, sans concessions...
Si l'on compte beaucoup de grandes oeuvres littéraires marquées par l'affaire Dreyfus (Anatole France, Zola, Jaurès), il en est une pourtant encore méconnue : celle de Georges Clemenceau, l'autre grand héraut de l'affaire, qui mit un croc sur la nuque des conspirateurs et ne les lâcha pas : un article par jour, parfois deux, pendant douze ans... Une machine intellectuelle, un immense journaliste qui a produit 3 300 pages... Les gens se sont violemment engagés dans l'affaire ­ certains honnêtes et sincères aussi parmi les antidreyfusards ­, parce qu'ils se sentaient concernés, cela touchait à ce qui faisait leur attachement à la France. C'est la première fois que des professeurs à l'Ecole normale supérieure se sont engagés publiquement, que des chercheurs sont sortis de leurs labos, comme Emile Duclaux, le directeur de l'Institut Pasteur, devenu l'un des grands porte-parole de l'affaire, et l'un des fondateurs de la Ligue des droits de l'homme. Les intellectuels et les savants ont compris qu'ils pouvaient jouer un rôle, qu'ils avaient une responsabilité de citoyens.
Aujourd'hui, l'affaire Dreyfus, enseignée à l'école, racontée dans la presse, est une excellente leçon d'éducation civique, vivante et concrète (1). Elle continue de nous donner des antivirus, à nous protéger contre le retour des abominations.
(1) Exposition «Alfred Dreyfus, le combat pour la justice», au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme, jusqu'au 1er octobre. Colloque «Histoire, mémoire, justice et raison d'Etat», organisé par le Crif et la mairie de Paris, le 6 juillet à 15 h à l'hôtel de ville.
Habité comme tant d'autres humanistes par «l'affaire», Michel Drouin, historien et chercheur au CNRS, a dirigé le Dictionnaire de l'affaire Dreyfus réédité chez Flammarion (il était paru en 1994 sous le titre l'Affaire Dreyfus de A à Z). Secrétaire de la Société internationale d'histoire de l'affaire Dreyfus, ce petit-neveu d'André Gide a également entrepris la publication des sept volumes d'articles écrits par Georges Clemenceau ­ journaliste, militant de la République et futur «Père de la Victoire» ­ pour défendre le capitaine Dreyfus. Les deux premiers tomes, l'Iniquité et Vers la réparation sont déjà publiés (Mémoire du livre)

Pièces jointes:
Proces Dreyfus - 8216.jpg
Lectures : Résistances juives à l’anéantissement de Bernard Suchecky
07 septembre 2007, 10:13
Lectures : Résistances juives à l’anéantissement de Bernard Suchecky

un livre indispensable, recension de Marc Knobel - 04/09/07 -

Bernard Suchecky est docteur en histoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris, il est aussi spécialiste du monde yiddish et de l'histoire des populations juives en Europe centrale et orientale des XIXe et XXe siècles. Chercheur à l'Institut universitaire d'études du judaïsme Martin Buber de l'Université libre de Bruxelles puis au YIVO Institute for Jewish Research de New York, il a été conservateur, responsable des archives, au Musée Juif de Belgique (Bruxelles).
« Résistances juives à l’anéantissement » fait suite à une exposition sur La résistance juive à la solution finale 1939 -1945 créée à l’initiative du B’naï B’rith Europe qui en avait confié la conception et la recherche documentaire à Bernard Suchecky.


« Résistances juives à l’anéantissement » est le fruit de longues recherches dans les archives européennes et américaines sur le comportement des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Saluons également l’iconographie de grande qualité, émouvante et utile. Surtout, le livre poursuit une double ambition. D’une part, produire un récit relatif à la Shoah qui se place du point de vue de la résistance des populations juives plutôt que de celui de leur destruction ou de leur anéantissement, explique l’auteur. D’autre part, mettre en évidence des documents dont la propre histoire autant que le contenu informatif forment la substance de la narration proposée. Suchecky estime que, pour légitime et indispensable qu’elle soit, cette insistance sur l’œuvre de mort des nazis a minoré le combat opiniâtre et exemplaire mené quotidiennement par ces populations pour faire obstacle à leur destruction et assurer leur survie. De fait, poursuit-il, raconter ce génocide en se plaçant du point de vue de la destruction des Juifs, c’est prendre le risque de dérouler une narration qui victimise les juifs, les réduit au statut d’objets voués à l’anéantissement et les dépossède de leur statut de sujets s’efforçant malgré tout de construire leur destin.

Promises à l’anéantissement par les nazis, qui entourèrent leur entreprise criminelle du plus grand secret, les populations juives ont été néanmoins informées du sort qui leur était réservé, à mesure que la « solution finale » était mise à l’œuvre. En dépit de nombreux obstacles, l’information a circulé, à l’échelle locale tout au moins, grâce aux survivants des massacres. Mais au-delà ? Ce sera le rôle des « courriers » de rétablir les liens rompus et de porter l’information à Varsovie et aux autres ghettos de Pologne, de Lituanie ou d’Ukraine occidentale. Tour à tour et souvent simultanément, agents de liaison, transporteurs de fonds ou de publications clandestines, trafiquants d’armes et de faux papiers, ou encore passeurs d’hommes, les « courriers » devinrent rapidement indispensables à la vie ou à la survie des réseaux clandestins. Londres recevait des informations (sur l’extermination systématique des Juifs par les Einsatzgruppen) par les cercles polonais réfugiés en Grande-Bretagne et les services secrets britanniques. Londres recevait également des informations par le biais de ses diplomates en poste à Genève. Vers la fin de l’année 1941, les organisations juives devinrent à leur tour des sources d’information. En décembre 1941, l’assassinat de « 52.000 » juifs de Kiev dans le ravin de Babi Yar fit l’objet d’un communiqué conjoint du Board of Deputies of British Jews et de l’Anglo-Jewish Association. Vers la même époque, Londres reçut par le truchement du délégué de l’Agence juive à Budapest, Khaïm Barlas, des précisions sur les exécutions massives de Juifs en Ukraine.

Par ailleurs et depuis l’attaque allemande du 22 juin 1941, Moscou était en première ligne. Mais, explique Bernard Suchecky, si l’information était donc passée également à Moscou, jamais aucune instance dirigeante soviétique ne donna ordre, à l’armée, au parti ou plus tard aux partisans, pour que le secours aux Juifs en péril fasse partie de leurs missions courantes. Dans ce chapitre, bien d’autres faits sont relatés (messages de Majdanek, témoignage de Samuel Rajzman…). Pendant ce temps, à l’ouest, les Juifs déportés ignoraient encore leur destination, ou du moins ce qui les attendait. Mais, comme le souligne très justement l’auteur, si le pire restait hors d’atteinte de leur imagination, tous savaient que rien de bon ne sortirait d’un tel voyage.

A signaler : quelques jours avant la rafle du 16 juillet 1942 dite rafle du Vel’d’Hiv, des militants juifs de Solidarité (communiste) diffusèrent un tract en Yiddish dans les quartiers Juifs de Paris. Rédigé à la fin de juin, il n’aurait été imprimé que le 10 ou le 11 juillet. Cet appel « aux masses populaires juives en France » (Tsu di yidishè folsmassn in frankreich) donne notamment des consignes à respecter pour ne pas tomber entre les mains des persécuteurs : « Selon des informations reçues de sources sures, les Allemands vont organiser incessamment de terribles rafles et déportations contre les Juifs (…) Frères Juifs, le danger est grand. Nous considérons qu’il est de notre devoir suprême de vous avertir (…) Voici ce que doit faire tout homme juif, toute femme juive, tout jeune juif : ne pas attendre les bandits chez soi, tout mettre en œuvre pour se cacher, avant tout les enfants, avec l’aide de la population française sympathisante ; après avoir assuré sa propre liberté, s’engager dans une organisation de combat patriotique afin de combattre l’ennemi sanglant et venger ses crimes ; si on tombe aux mains des assassins, résister par tous les moyens : barricader les portes, appeler à l’aide, se battre avec la police. On n’a rien à perdre. On peut y gagner la vie. Chercher à s’enfuir à tout prix. Aucun Juif ne doit tomber victime de la bête hitlérienne assoiffée de sang. Tout Juif libre et vivant est une victoire sur notre ennemi. »

De printemps à l’hiver 1942, l’information explose. Bernard Suchecky rapporte avec minutie les faits. Les premiers témoignages parviennent, sont acheminés et transmis. On regardera également les documents reproduits par l’auteur (« courriers » clandestins, témoignages sur l’extermination des Juifs, rapports circonstanciés, messages, lettres, articles, tracts), rédigés en français, en polonais, en yiddish, et retrouvés dans les archives.

Le troisième chapitre est essentiel. D’ailleurs, dès l’introduction, l’auteur pose les questions qui interpellent le lecteur : comment les Juifs comprennent-ils leur situation, à mesure que l’information passe et révèle que les persécutions tournent au génocide ? Comment s’efforcent-ils d’infléchir le cours des événements ? Quelles stratégies de survie échafaudent-ils – sachant que leurs contraintes sont extrêmes et leur marge de manœuvre dérisoire ?

Là encore, il faut lire le commentaire de Suchecky : ruser avec la mort -dit-il- se joue ici à plusieurs. Avec les Allemands, c’est à dire avec divers appareils diplomatiques, civils, militaires, policiers ou la S.S., rivaux mais ils ne cessent de se mettre des bâtons dans les roues. Avec les élites intellectuelles et politiques des pays occupés ou satellites, les cadres de la société civile et des églises, les diverses couches sociales de la population Qu’on y trouve, ou non, de fortes traditions démocratiques, que le sentiment antisémite y soit vif ou insignifiant, que les mouvements de désobéissance civile et de résistance y soient puissants ou marginaux, n’est évidemment pas sans importance… Ruser avec la mort se joue dans l’espace. A l’Est, il faut compter sur les réticences éventuelles des slaves. A l’Ouest, les assassins ne peuvent se passer du concours des administrations et des polices locales. Ruser avec la mort, souligne l’auteur, se joue enfin dans le temps. L’anéantissement des Juifs -son rythme, ses accélérations, ses poses et ses reflux- dépendra étroitement de la chronologie de la guerre, c’est-à-dire de l’évolution des rapports de force sur les divers théâtres des opérations. Bref, remarque avec justesse l’auteur, les variables à prendre en compte sont si nombreuses et leurs combinatoires si diverses qu’il est extrêmement difficile de ranger les réactions dans quelques modèles généraux. L’auteur se contente donc d’évoquer des exemples susceptibles de servir de clés d’interprétation pour de nombreuses autres situations (les cas du Danemark et de la Bulgarie ; l’exemple des ghettos de Lodz (en Pologne), de Vilnius ou de Kaunas, à l’ouest de cette ville ; il est également question de Varsovie ou de Minsk…) Prenons l’exemple de Minsk. Dès la création du ghetto de Minsk en août 1941, des dirigeants du Judenrat firent partie du comité communiste clandestin du ghetto –lequel fut d’emblée en liaison étroite avec les cadres soviétiques restés clandestinement dans la ville. Cette continuité politique, et le développement rapide d’un puissant mouvement partisan dans les forêts voisines, explique sans doute que le Judenrat soutint l’orientation du comité clandestin du ghetto : envoyer le plus de juifs possible vers la forêt ; faire du ghetto une base logistique pour les partisans. Jusqu’à sa liquidation en octobre 1943, le ghetto aurait ainsi transféré près de 10.000 Juifs chez les partisans, auxquels il fournit vêtements, médicaments, armes de contrebande et argent.

Le Quatrième chapitre est intitulé « Se mettre hors d’atteinte ou se rendre invisible. » Les Juifs qui le pourront encore tenteront d’échapper aux nazis en s’efforçant de se mettre hors d’atteinte ou de se rendre invisibles. Les uns essayeront de gagner des pays havres, d’autres de vivre au grand jour sous une fausse identité ou de trouver refuge chez des « cacheurs » qui les accueilleront par idéal ou par intérêt. D’autres encore s’enfermeront dans des caves ou des greniers ou se terreront au fond des forêts. L’ensemble de l’Europe devint ainsi le lieu d’importantes migrations clandestines et de plongée massive dans l’illégalité. Enfin, le dernier chapitre raconte l’héroïsme de ces 30.000 à 40.000 résistants armés juifs, des maquis au camp de travail et d’extermination. En tout point, un livre indispensable.

Bernard Suchecky, « Résistances juives à l’anéantissement », Edition Luc Pire, Parole et Silence, 264 pages, 45 € (avec le concours de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et du B’nai B’rith Europe.)

Marc Knobel

De nombreuses études historiques fouillées ont déjà été publiées sur ce thème de la résistance juive au nazisme :

- Adler (Jacques), Face à la persécution, les organisations juives de Paris, 1940-1944, Editions Calmann-Lévy, Paris, 1985, 325 pp.
- Broder (Pierre), Des Juifs debout contre le nazisme, Epo Editions, 1994, 240 pages.
- Diamant (David), La résistance juive, entre gloire et tragédie, Collection Mémoire au XXe siècle, Editions L’Harmattan, Paris, 1993.
- Langbein, Hermann, La Résistance dans les camps de concentration nationaux-socialistes (1938-1945), traduit par Denise Meunier, éd. Fayard, Paris, 1981.
- Latour (Anny), La Résistance juive en France (1940-1944), Stock, 1970.
- Lazare (Lucien), La résistance juive en France, Editions Stock, Col. Judaïsme Israël, Paris, 1987
- Levy (Claude), La résistance juive en France. De l'enjeu de mémoire à l'histoire critique
Vingtième Siècle. Revue d'histoire, No. 22, Numéro spécial: Les générations (Avril - Juin, 1989), pp. 117-128.
- Rayski (A.), Le Choix des Juifs sous Vichy, entre Soumission et Résistance, La Découverte, Paris, 1992, 391 pages.
- Vincenot (Alain), La France résistante, Histoires de héros ordinaires, Editions des Syrtes, 488 pages.
- Zeitoun (Sabine), L’Oeuvre de Secours aux Enfants (O.S.E.) sous l’occupation en France, Editions Liana Lévi, Paris, 1995
Lectures
17 août 2009, 22:42
Littérature israélienne, conseils de lecture - Par Sarah Drai - Pour Guysen International News - 16 août 2009

Et s’il était possible de voyager en Israël, le temps de quelques heures, sans prendre de billets d’avion, seriez-vous partants ? Marcel Proust écrivait un jour : « On aime toujours un peu à sortir de soi, à voyager quand on lit ». S’évader sur les montagnes du Golan, s’aventurer dans le désert du Néguev, simplement, en se plongeant dans un livre d’auteur israélien.
Et les francophones sont gâtés : la littérature israélienne regorge d’excellents ouvrages traduits de l’hébreu. Puisque découvrir un pays c’est aussi en découvrir sa littérature, voici quelques conseils de lecture…
La littérature israélienne se caractérise aujourd’hui par des écrivains de la « jeune génération », certains sont nés dans les années 1970. Leurs œuvres, souvent des romans, portent essentiellement sur les relations conflictuelles entre les différentes strates de la société israélienne.

Dans son autobiographie, Les gens indispensables ne meurent jamais, Meir Gutfreund, traite de la société israélienne à travers l’histoire d’enfants vivant dans la banlieue de Haifa. Il y aborde les thématiques auxquelles sont confrontés les Israéliens de la seconde génération après la Shoah. Le registre autobiographique est également choisi par Amos Oz, dans Une histoire d’amour et de ténèbres, pour décrire l’évolution du mode de vie des citoyens de l’Etat hébreu.

Quatre maisons et un exil, d’Eshkol Nevo est l’occasion pour le romancier de mettre en scène un microcosme de la société israélienne. Il y décrit un Israël traversé par des tensions de plus en plus violentes entre Israéliens et Palestiniens mais aussi entre défenseurs de la paix et partisans de la peur et du repli sur soi.

Meir Shalev dans le Pigeon Voyageur dépeint également la société israélienne en prétextant une histoire d’amour entre un jeune colombophile et une demoiselle de Tel-Aviv qui s'envoient des lettres par pigeon voyageur... Pris dans la tourmente de la guerre d’indépendance de 1948, le garçon meurt sur le champ de bataille. Cinquante ans plus tard, l’histoire refait surface.
Les ouvrages de Yeshoua Kenaz, La grande femme des rêves ou Le retour des amours perdus, donnent également une description fidèle du mode de vie israélien.

Le dénominateur commun de tous ces livres d’auteurs israéliens est sûrement leur caractère profond. Sauf quelques rares exceptions, il n’existe pas de romans « légers » dans la littérature israélienne et derrière chaque narration se cache en général une problématique existentielle, une espèce d’angoisse caractéristique de la littérature de guerre.

Pour tous ces romanciers et poètes, l’Etat juif n’est plus un idéal à conquérir mais une réalité ancrée avec toutes les déceptions et bonnes surprises qu’elle peut contenir. Les thèmes individualistes et existentiels sont au cœur de leurs œuvres : l’amour, la mort, le désir, la quête d’identité, l’absurdité de la guerre, la démocratie et la justice dans une société constamment soumise à la pression de la guerre et du terrorisme…

Les autres ouvrages poignants d’auteurs israéliens à lire absolument sont : L’enfant zigzag et Quelqu’un avec qui courir de David Grossman . Dans ce livre, l’auteur raconte les pérégrinations d’Assaf un jeune garçon de 16 ans qui pour se faire de l’argent de poche travaille à la mairie de Jérusalem où il est chargé de retrouver le maître d'un chien égaré. Simple histoire d’amour en apparence, ce livre est en fait une excuse pour aborder une question existentielle : « Qui suis-je ? ».
Dans le registre des nouvelles, on retrouve Edgar Keret qui traite sur un ton assez cynique de la jeunesse tel avivienne.

Ceux qui préfèrent les polars aimeront s’essayer aux livres de Batya Gour : Le meurtre du Samedi matin ou Le meurtre au Philharmonique. Batya Gour fait partie de la nouvelle génération d’écrivains qui se différencie radicalement de ses prédécesseurs.

L’expérience singulière de la société israélienne n’est plus la priorité des auteurs de la nouvelle génération. Ils optent pour une écriture beaucoup plus universaliste qui se démarque de la spécificité de l’histoire d’Israël et de ses problématiques sociales, religieuses ou ethniques. Les préoccupations de ces auteurs et les thèmes de leurs romans sont aujourd’hui communs à celles de leurs confrères ou consoeurs, européens ou américains.
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