Yvan Attal, l'angle multiple - Par DAVID KANNER - Jerusalem Post edition francaise - 5 juillet 2010
Source : [ fr.jpost.com]
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Juif, ce mystère
Ce jour-là, à Tel-Aviv, Yvan Attal est accompagné de ses deux enfants nés de son union avec Charlotte Gainsbourg. Son emploi du temps est serré. En plus des présentations du film dans les cinémathèques de Tel-Aviv et de Jérusalem, il doit voir ici cousins et oncles. Il aurait pu presque continuer à vivre ici. Yvan Attal est né en Israël, à Tel-Aviv, de parents qui ont fui l'Algérie en 1962. Avant de partir en France en 1966. Il avait 1 an. Que lui reste-t-il ?
"Très peu de souvenirs. Mais un attachement farouche à Israël, en tant que Juif et en tant qu'Israélien, puisque j'ai la double nationalité."
Son regard se fait plus direct, ses mains plus libres et animées pour exprimer son attachement à ce pays, "que d'aucuns ne laissent tranquilles". L'homme sort de son rôle d'acteur pour parler avec conviction. L'émotion pointe quand il s'agit d'expliquer pourquoi cette déchirure ressentie à l'intérieur de soi, ces différents pays, l'un, la France, le berceau de sa culture, l'autre, Israël, un pays qu'il connaît moins, mais où il se sent chez lui. "Comme à New York", dit-il comme pour donner encore une autre couleur et peut-être prolonger là une appartenance à une culture, à une identité juive et revendiquer peut-être un lien plus large au monde.
"Je me sens français, et juif." Dès qu'il en a l'occasion, Yvan Attal défend ses convictions. Il ne veut pas que le mot "sioniste" tel qu'il est parfois véhiculé en France soit associé aux mots "colonisateurs", "assassinat". Il croit en la possibilité de deux Etats, israélien et palestinien, dans une coexistence pacifique. Mais, il reconnaît presque l'impossibilité de réfléchir sereinement à ce conflit, de proposer une analyse, puisque "les gens, dès qu'ils parlent d'Israël, ont tous la tête à l'envers." Il s'outrage dès qu'on traite l'Etat hébreu ou les juifs de paranoïaques et cite le fou d'Iran qui crie à tout bout de champ à la destruction d'Israël. Il reconnaît que le pays est en menace constante et qu'il faut se défendre. C'est ça qu'il dit quand la parole lui est donnée sur un plateau de télévision ou à la radio. Cette menace-là lui fait peur et rappelle les données. Et de s'interroger : "Mais qui refuse l'autre ? On dit que c'est Israël qui refuse un Etat aux Palestiniens, mais les Palestiniens acceptent-ils l'existence d'Israël ?"
L'homme est plein de questions. Et l'on sent presque la difficulté de ne pas être là. Ce déchirement qui consiste sans arrêt à tout expliquer, répondre aux attaques, se protéger contre l'antisémitisme, "qui existe bien sûr, en France, et inquiète". Alors, vivre ici ? "Ça ne me déplairait pas", affirme-t-il. Pour l'instant, il trouve des parades. Yvan Attal se partage entre ses activités d'acteur et de réalisateur. Mais le montage d'un film n'est pas facile. Un projet qu'il a écrit et porté pendant un an et demi vient de tomber à l'eau : un trop gros budget, les producteurs n'en n'ont pas voulu.
Alors, il regarde de nouveau du côté de New York, chez un autre conteur juif célèbre : Woody Allen. En s'inspirant du titre d'un de ses films de jeunesse. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe, sans jamais oser le demander. Un projet de film à sketchs pour prendre à rebours tous les clichés sur l'antisémitisme et remplacer le mot "sexe" par le mot "Juif". C'est sa façon à lui d'être là. De faire le lien entre tout cela, la France, l'endroit où il est né, Tel-Aviv, et Israël, pour qui lorsqu'il en parle, son regard et ses mains s'animent, comme la lueur au fond de ses yeux noirs qui s'agite pour refléter la flamme de son âme.
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