Le tour du monde en quatre vingt lignes, par Yvan Boccara

Un ami photographe a pour projet de faire une galerie de portraits d’africains…au sens large, me dit-il. Alors, il s’est souvenu que j’étais né en Tunisie: donc j’étais Africain et passible d’entrer dans la case d’africanité propre à figurer dans sagaleries de photos d’Africains….au sens large.

Puis qu’il me voit ainsi, c’est sans doute que je le suis…au sens large du moins.

Suis je Africain? En tout cas je ne suis pas Persan , car comment peut on être Persan?

Cela m’a incité à me poser la question. Il faudra que je demande à M Besson de convoquer un grand débat national sur mon identité propre. La polémique me fatigue d’avance. Français certes, puisque j’en ai la carte d’identité nationale, Mon grand-père paternel était Italien, le maternel, tunisien (donc Africain)

J’ai une amie avec laquele je fais parfois le tour de son village, dimanche pour prendre un peu d’exercice. Au hasard des chemins, elle me désigne une ferme: « C’est là qu’habite mon cousin, à trois cents mètres de la tombe de mon grand-père» Elle réflechit, compte sur ses doigts, puis ajoute: «  Si je compte mes cousins, mon fils , plus la veuve de Claude et le mari de ma tante, nous avons sept maisons dans le village»

Cela me laisse rêveur. Pour lui répondre, je devrais lui dire que si j’allais en Espagne, et que je ramassais un peu de poussière, il y aurait quelques chance que ce soit mon arrière trisaïeul, celui qui a refusé de se convertir ni de partir, et qui a tout naturellement expiré sur un bûcher. A Bordeaux, son frère , celui qui s’est converti a dû laisser une descendance, qui fut marrane, un temps, puis catholique et peut-être Croix de feu par la suite. De lointaine origine espagnole ( Bénie jusqu’à la fin de l’enfer Isabelle la Catholique, la névrotique qui se promenait dans la rue précédée par un moinillon portant une croix pour chasser les mauvais esprits)

Ah oui, j’ai oublié de vous dire que j’ai deux amours dans la vie parmi les personnages historiques, la première , honneur aux dames, c’est Isabelle la Catholique la petite toute petite hystérique, et Louis IX que l’église a béatifié sous le nom de Saint-Louis, sans doute parce qu’avant de partir en croisade et de mourir comme un rat, de la peste à Tunis, a tenté autant que faire il a pu de nettoyer le royaume de France de touts les assassins de Jesus-Christ.

Le grand malheur du monde c’est l’obsession de la pureté.

le quadriaïeul de l’arrière grand père de mon grand père s’est exilé au portugal, dont le roi, contre espèces sonnantes et trébuchantes a accepté de l’héberger un temps, jusqu’au moment, où sur les conseils de son confesseur de la Très Sainte Inquisition, il a suivi l’exemple de sa cousine, Isabelle, et les a envoyés de l’autre côté du détroit de Gibraltar, chez les Barbaresques.

Donc, il faudrait que j’aille au Maroc y chercher une ou deux tombes. A cette époque le Duc de Livourne dans son immense sagesse philantropique et commerciale recueillit quelques uns de mes ancêtres; Il faudrait que j’emmène mon amie visiter les cimetières de Livourne, d’où mon arrière arrière grand père fit un saut de puce en 1850 pour s’installer en Tunisie sous le protectorat bienveillant de la République Française une et indivisible. Peut-être s’est i arreté à l’île de Lampeduzza. Comme il venait de Livourne, A Tunis, on l’appela le Livournais. Puis son petit fils, mon père, a épousé la fille d’un Tunisien, incontestablement Africain, lui même marié à une Italienne, dont le neveu aurait été consul de Mussolini, si cela n ‘avait pas été jugé inconvenant pour un Juif.J’ai eu deux grandes soeurs et un petit frère. L’une a épousé un méridional représentant en papeterie, l’autre un savoyard. Moi-même j’ai rencontré à Strasbourg la fille de deux allemands réfugiés dans les Vosges; Son frère a épousé en secondes noces une Chilienne chassée par Pinochet.

Mon fils ainé est né à Nha Trang au Viet Nam et mes deux filles à Strasbourg. Cela vous suffit-il?

Je vous souhaite une bonne santé

Signé: Yvan l’Africain