Alors souvent apres l'ecole on allait chez la couturiere qui nous faisait les habits d'ete
ou d'hiver. Il y avait des couturieres tres bon marche et d'autres tres cheres comme les
italiennes ou francaises. Je me souviens d'une couturiere qui travaillait avec une aide et
qui avait une seule fille. Je ne me rappelle plus du nom mais elle pouvait tout faire.
Elle avait des magazines et on lui montrait ce qu'on voulait et elle le faisait avec des
variations si on voulait.
Les hommes allaient chez un tailleur qui faisait les costumes sur
mesure aussi. C'etait tout un grand business dans notre petite ville de 25 000 habitants.
Je ne sais pas pourquoi mais je me rapppelle tout d'un coup de la mort d'un tailleur et
les enterrements a la Goulette se faisaient a pieds sur l'avenue Habib Bourguiba. C'etait
triste comme evenement. Mais tout le monde savait tout sur tout le monde car les
commerages au marche c'etaient le journal de la ville.
Le marche : quelle abondance et quels bons fruits et
legumes. Rien de comparable aux fruits et legumes d'ici qui n'ont aucun gout. Les fruits
etaient sucres et delicieux. Je me rappelle surtout des peches et des dattes deglas comme
du miel. On avait un marchand de legumes du coin et il nous apportait tous les meilleurs
fruits du monde. Les bananes etaient les plus cheres car elles etaient importees et
etaient considerees comme un luxe. De meme pour les poires. Alors ma mere apres la
naissance d'un bebe demandait une poire apres tout son mal d'accouchement a la maison.
Alors les accouchements! toutes les voisines etaient la donnant du
support a ma mere et souvent il y avait 5-6 voisines dans la chambre a l'aider. Et
ca se faisait reciproquement. Tout le monde s'entraidait lorsqu'elles accouchaient. Elles
aidaient a faire le linge, le parterre, et a aider avec les autres enfants. C'etait la
vrai solidarite des meres.
Il n'y avait pas tellement
d'autos et de feux rouges ou verts alors souvent
les enfants qui ne savaient pas traverser avaient des incidents ou meme se faisaient
quelque fois ecraser. C'etait marrant. Une annecdote marrante: une fois ma mere m'a emmene
acheter du poisson au marche (j'avais 6 ans a peu pres) et comme je ne savais pas acheter,
j'ai achete des anguilles et sur le chemin vers la maison, les anguilles sont sorties du
paquet car elles n'etaient pas encore mortes et etaient sur le pavet. En essayant d'en
ramasser sur la route une auto m'a presque touchee alors j'etais arrivee a la maison en
disant a ma mere que les poissons etaient sortis et que je les avais perdus et je lui ai
raconte l'accident d'auto. La voisine qui etait la, a jete un grand bol d'eau a ma figure
pour m'enlever la peur. Je tremblais de froid et j'ai rigole. C'etait la psychoterapie du
village.
Pour les evenements de 60, /66/67. Je
me rappelle un soir on etait a la maison et les voisins arabes lancaient des pierres sur
nos fenetres alors on a ferme la porte a clef. D'habitude on dormait la porte ouverte. On
avait un peu peur. On ne savait pas ce qui se passait a Tunis car on n'avait pas de
television. Mais le lendemain, ca s'est calme. Les arabes et les juifs etaient bons amis
mais les gens qui travaillaient a Tunis deja se preparaient a partir et en 67, 68, 69 ils
ont tous disparu petit a petit. On est parti preque les derniers. Moi en 70, ma famille a
suivi en 71. Mon pere ne pouvait plus etre real estate agent car on lui avait enleve son
permis de pratiquer sa profession. C'etait dur et pour la premiere fois on ne mangeait
plus aussi abondamment. On devait partir ou vivre dans la pauvrete. Les ecoles nous
forcaient a prendre l'arabe au lieu de l'anglais et aux examens ils nous donnaient une
note eliminatoire en arabe et nous faisaient redoubler. Je me rappelle le jour ou on avait
annonce a ma soeur ainee qui etait toujours la premiere de sa classe qu'elle devait
redoubler la 2nd a cause d'une note en arabe. Elle pleurait mais on ne pouvait rien y
faire. Les professeurs d'arabe se fichaient de nous et ne nous enseignaient rien. Ils
voulaient nous voir echouer. C'etait leur vengeance sur nous qui les avait fait sentir
inferieurs. On devait partir de ce paradis devenus enfer.
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