Un peu de politique.
Dans cette belle ambiance.
Correspondance.
Le prix à payer pour ne pas nous laisser détruire
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> 07/01/09
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> Chers amis dont certains ont pris la peine de m'exprimer leur solidarité en ces
> jours difficiles.
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> Je voudrais vous faire part de mon regard sur le conflit actuel, soit pour vous
> informer, soit pour vous permettre de dire à vos propres amis et connaissances
> ce qu'une Israélienne éprouve en cette période si cruelle.
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> Je fais partie des Israéliens qui croient que la seule solution au conflit dans
> la région réside dans une négociation politique courageuse avec des concessions
> douloureuses des deux parties. J'appelle de mes voeux la création d'un Etat
> palestinien qui accepterait l'existence de l'Etat d'Israël à ses côtés. Cela
> permettrait au peuple palestinien de vivre dans la dignité et l'indépendance. Je
> n'ai aucune confiance dans une action militaire (qui ne peut avoir que des
> résultats partiels avec des effets parallèles catastrophiques). Je suis
> fermement opposée à toute punition collective. Je crois que le peuple juif
> possède une tradition éthique qui exige de lui un comportement moral
> particulièrement exigeant.
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> Cela dit, je vis ici et m'informe au quotidien et je sais bien que nous avions
> atteint un point de non retour et qu'il fallait que l'armée entre en action :
> face aux tirs permanents de missiles sur des villes et villages, avec des
> portées sans cesse croissantes (aujourd'hui un rayon de 40 kms), de plus en plus
> d'Israéliens avaient perdu confiance dans leur Etat et disaient à voix haute que
> nos dirigeants les avaient abandonnés à leur triste sort. Le sud d'Israël se
> sentait sacrifié pour que le centre et le nord puissent prospérer et vivre
> normalement. Depuis huit ans, les jardins d'enfants, les écoles et les
> institutions d'enseignement supérieur du sud du pays ne peuvent plus étudier
> normalement, les affaires tournent au ralenti ou ferment, les récoltes
> pourrissent sur pied faute de pouvoir être traitées de manière régulière. Quand
> elles en ont la possibilité, des familles entières quittent le pays pour ne plus
> vivre dans l'angoisse quotidienne de devoir fonctionner entre deux alertes. Mais
> les prix des appartements ont tellement chuté que les habitants les plus pauvres
> ne peuvent trouver acheteur ou locataire pour choisir de vivre ailleurs, là où
> ils seraient plus à l'abri. Les traumatismes sont profonds et irréversibles
> (énurésie, cauchemars, états de choc devenus permanents). Les abris d'il y a dix
> ans (déjà en nombre insuffisant) ne sont pas adaptés aux perfectionnements
> technologiques des missiles "Grad". Circuler dans la rue (trottoir et chaussée)
> est devenu un risque que beaucoup ne peuvent pas courir et handicapés, personnes
> âgées restent murés chez eux à proximité d'un abri ou d'une chambre protégée
> s'ils en ont une. Ce sont des bénévoles venus de tout le pays qui se mobilisent
> pour faire leurs courses et s'occuper d'eux, entre deux alertes, ou pour offrir
> une animation aux enfants et adolescents terrés des jours durant dans les abris.
>
> Et pourtant, il est difficile de faire comprendre cette situation aux
> téléspectateurs de l'étranger, face aux terribles images qui viennent de Gaza.
> On leur dit que les Israéliens sont "soudain" devenus fous et se livrent à un
> massacre programmé de la population. On ose parler de Shoa ! On parle de
> réaction "disproportionnée".
>
> Lorsque du côté israélien des missiles détruisent tout (maisons, voitures,
> animaux dans les fermes, routes, jardins d'enfants) mais qu'il n'y a pas de
> "victimes" parce qu'une grande partie des habitants vivent une partie du temps
> (et depuis des années) dans leurs familles ou chez des amis plus au nord
> d'Israël, ou parce qu'ils n'étaient pas momentanément sur place, que les
> conducteurs d'autobus et de taxis ont accéléré en début d'alerte et poussé leurs
> passagers vers le premier abri, leur véhicule explosant ou les vitres et les
> portes volant en éclat quelques secondes à peine après la chute du missile...
> peut-on mesurer la peur, la cruauté, la souffrance des uns et des autres ?
>
> Qui peut nous donner des leçons sur la meilleure manière de défendre une
> population civile contre un ennemi qui considère que notre seule existence en
> tant qu'Etat juif est une "occupation", une infraction aux lois de l'Islam qui
> veut qu'un territoire ayant appartenu aux musulmans ("Dar el islam") ne puisse
> plus être souillé par un régime non musulman : le 'hamas ne peut se contenter de
> rien moins que de la disparition de l'Etat d'Israël (sa charte est claire à ce
> sujet, ainsi que les déclarations de ses dirigeants). Que nous ayons évacué
> militairement la bande de Gaza ainsi que les localités juives de la région (avec
> leurs habitants )depuis des années n'a servi à rien. Toute aide humanitaire
> d'Israël aux populations civiles de Gaza n'est pas rapportée. La confiscation
> des fonds internationaux destinée à la population au profit de la classe
> dirigeante du 'hamas est passée sous silence. Les bénéfices rapportés par les
> tunnels de contrebande creusés depuis plus d'une dizaine d'années (et non depuis
> le début du siège israélien en septembre 2008) rapportent des millions aux
> trafiquants d'armes et de biens...
>
> Israël est un pays tenu par le droit international et par son éthique à
> respecter les règles de la guerre : ses soldats sont en uniforme et concentrés
> dans des bases militaires. A part de terribles erreurs de tir (dont nos propres
> soldats sont souvent aussi victimes), l'armée israélienne met un point d'honneur
> à distinguer combattants armés et civils.
>
> Le 'hamas est une organisation protéiforme, sans foi ni loi, qui utilise le
> terrorisme pour désorganiser la vie quotidienne des civils de la société dont
> ils veulent la perte : ses combattants sont en civil et vivent délibérément
> mêlés aux civils. Ils n'hésitent pas (nous en avons souvent la preuve) à
> utiliser hôpitaux, ambulances, mosquées, écoles pour y entreposer armes,
> quartier général, sachant qu'ils placent ainsi Israël devant des choix
> impossibles : respecter le droit d'asile ou se défendre en attaquant des lieux
> symboliquement marqués.
>
> Je ne suis pas très optimiste pour la suite des combats car j'ai peu d'illusions
> sur le sort des armes. Mais je ne suis pas suicidaire et je suis certaine de
> notre bon droit. Nous ne pouvions pas rester plus longtemps les bras croisés
> face aux attaques quotidiennes de fanatiques prêts à mourir en martyrs pour que
> leur vision de l'islam triomphe...S'ils prennent en otage leur propre
> population, cela ne doit pas nous empêcher, après tant d'années de mises en
> garde, de tenter d'affaiblir leur puissance de tir et leur conviction qu'ils
> l'emporteront contre notre Etat réduit à l'impuissance par des considérations
> éthiques. Prendre les armes pour se défendre implique d'être prêts à mourir mais
> aussi à tuer d'autres êtres humains et à détruire leur environnement. C'est le
> prix à payer pour ne pas nous laisser peu à peu détruire.
>
> Puisse Dieu nous protéger et puisse la communauté internationale comprendre les
> enjeux véritables de cette lutte "disproportionnée" parce que la désinformation
> présente les agresseurs comme des victimes innocentes et les agressés (qui ont
> choisi de se défendre par les armes) comme des génocidaires.
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> Demain, je pars enseigner à l'université sans savoir qui de mes étudiants ou de
> mes collègues sera mobilisé ou absent parce que la circulation est impossible.
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> Bien à vous
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> Francine Kaufmann
> Professeur à l’Université de Bar Ilan