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Yossef-Haïm Sitruk : « en immigrant en Israël ; on ne quitte rien, on retrouve tout ! »

 

Yossef-Haïm Sitruk : « en immigrant en Israël ; on ne quitte rien, on retrouve tout ! »

 

Voilà un homme qui aura marqué le coeur des français, qu’ils soient juifs ou non. Yossef Haïm Sitruk est de ces hommes qui, avec leur sagesse, peuvent vous faire rire ou pleurer à l’évocation d’une simple phrase. D’un mot à l’autre, il a la capacité incroyable, réservée aux sages, de vous rendre plus grand que vous ne pensiez l’être. A l’occasion d’une soirée organisée à Jérusalem, Le P’tit Hebdo (en collaboration avec JSSNews), a eu l’honneur d’interroger l’ancien Grand Rabbin de France.

LPH: Vous allez présider le Chabbat Yitro organisé dans un hôtel de Jérusalem. Ce Chabbat a une grande importance dans la tradition des Juifs tunisiens. Pourquoi? Qu’a-t-il de si particulier?
M. le Gd Rabbin Yossef Haim Sitruk: Le Shabbat Yitro est important pour tout le monde en raison du Don de la Tora (Matan Tora). Mais en Tunisie, il a revêtu une importance particulière: selon une tradition orale, il y a quelques siècles, une épidémie a fait de nombreuses victimes parmi les petits garçons. Elle s’est arrêtée le jeudi précédant la lecture de la Parachat Yitro et pour marquer l’événement, une Séoudat Odaya, appelée «la fête des garçons», est organisée chaque année le jeudi soir dans les communautés juives tunisiennes.

LPH: Comment la journée de ce Chabbat va-t-elle se dérouler?
YHS: Nous venons avec un petit groupe de Paris pour rencontrer des anciens élèves installés en Israël. Nous allons passer Chabbat ensemble pour marquer le don de la Tora appelé «Maamad Har Sinaï» selon la tradition. C’est pour nous extrêmement symbolique de réunir d’anciens élèves établis aujourd’hui en Israël et d’autres, encore à Paris, pour essayer ensemble de ré-accepter la Tora, c’est-à-dire de réactualiser son enseignement. Il y aura tout au long de la journée des cours donnés dans une atmosphère empreinte de Kedoucha et de joie.

LPH: Quelles sont pour vous les caractéristiques du Juif tunisien d’aujourd’hui?
YHS: Le judaïsme tunisien se caractérise tout d’abord par sa grande ouverture vers l’autre. En Tunisie, comme ailleurs, vivaient des Juifs religieux, pratiquants, et d’autres qui ne l’étaient pas du tout. Mais il n’y a jamais eu de fossé entre eux. Pour moi, le judaïsme tunisien est l’exemple même d’une vie qui s’est construite autour de la Tora sans exclusion d’aucune sorte et cela me paraît être l’un de ses points les plus caractéristiques. Ensuite, il y a cette Emouna Pechouta, cette adhésion d’emblée aux grands principes de la Tora: même quand on n’est pas religieux, on accepte que la Tora est le dénominateur commun du peuple d’Israël. Cette Emouna Pechouta, je
l’ai connue moi-même, lorsque j’étais enfant, chez ma grand-mère qui s’adressait à Dieu, près de la Mezouza, comme on parle à un ami ou à un père. Cette Emouna touchante est sans doute ce qu’a véhiculé le judaïsme tunisien. La troisième caractéristique: c’est un judaïsme qui se vit dans la joie, dans la convivialité. Quand les Tunisiens se retrouvent, ils sont toujours contents, comme s’ils faisaient partie d’une grande famille qui n’a jamais été séparée.

LPH: M. le Gd Rabbin, vous vivez encore en France mais vous venez très souvent ici et visiblement, votre cœur vibre au rythme d’Israël: comment parvenez-vous à concilier les deux?
YHS: Je fais comme Rabbi Yehouda Halévy qui a écrit dans un poème magnifique: «Mon cœur est en Orient mais je me trouve à l’extrémité de l’Occident». On peut vivre dans cette double appartenance. Pour moi, Israël est l’objectif de la vie, c’est la réalisation ultime, mais la France est encore pour moi le lieu de mes responsabilités. Je voudrais rappeler à cette occasion que mes activités n’ont rien à voir avec mes anciennes fonctions officielles. Je n’exerce plus le grand rabbinat de France mais je suis toujours autant sollicité et je me sens toujours aussi responsable des Juifs de ce pays pour lesquels j’essaie de jouer un rôle de chef spirituel. Je donne beaucoup de conférences et je n’ai jamais autant travaillé.

LPH: Quel est votre message concernant Israël? Encouragez-vous les Juifs de France à tout quitter pour monter en Israël?
YHS: Absolument. D’ailleurs, lorsqu’ils viennent en Israël, ils ne quittent rien, ils retrouvent tout. Quand on s’installe en Israël, on retrouve ce que l’on est. Je dis simplement que la Alya doit être une décision libre, intervenant chez quelqu’un qui en a maturé l’idée, qui vient par conviction, de façon à ne plus jamais quitter Israël et à être présent lors des événements de la fin des temps qui ne sauraient tarder, avec l’aide de Dieu. Ils se dérouleront tous sur la Terre d’Israël: je veux parler de la reconstruction du Bet Hamikdach et de la venue du Machiah’, Bimehera Beyamenou. Ce sont des événements qui feront d’Israël, plus que jamais, le cœur du peuple juif et j’espère être assis alors aux premières loges et ne pas être un spectateur, au loin dans la Gola.

LPH: Vous avez été, pendant de longues années, grand rabbin de France. Comment voyez-vous aujourd’hui l’avenir de la communauté juive de France? Quels sont à l’heure actuelle les principaux problèmes qu’elle doit affronter?
YHS: La France est un pays où vit une très forte population musulmane, ce qui ne manque pas de nous préoccuper. Il y a une véritable présence islamique en France dont les Juifs doivent tenir compte à tous les niveaux pour élaborer leur présence sur le territoire français où ils sont, et j’insiste là-dessus, toujours les bienvenus. Je crois que la communauté juive est bien intégrée en France et les pouvoirs publics ne conçoivent pas une communauté nationale sans la communauté juive. Mais la France est un pays très assimilateur et il faut toujours rester sur ses gardes pour ne pas perdre ses valeurs.

LPH: Comment réagissez- vous aux tensions récentes entre religieux et laïcs en Israël?
YHS: C’est le thème de la conférence que je vais donner mercredi à Tel Aviv. Je compte parler justement du fossé entre religieux et non-religieux. J’essaierai d’en analyser l’origine et de suggérer peut-être des solutions.

LPH: Comment voyez-vous l’avenir d’Israël?
YHS: En tant qu’Etat, pour moi, l’avenir d’Israël est brillant. On va vers la lumière, comme le disaient nos Prophètes et nos Sages et ils ne se sont jamais trompés. On peut connaître des moments difficiles ou d’angoisse mais jamais plus ni destruction ni élimination. Au contraire, je vois une marche en avant constante et j’espère que nous serons parmi les acteurs de cette progression.

Par Le P’tit Hebdo – JSSNews

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