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ISRAËL N’A RIEN À REPROCHER À MORSI
ISRAËL N’A RIEN À REPROCHER À MORSI
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Nouveaux acteurs en Egypte
En Israël des instructions strictes ont été données par Benjamin Netanyahou à ses ministres pour ne pas se prononcer sur la situation en Égypte. Les commentaires de la classe politique sont aussi très discrets dans l’attente de l’évolution des évènements. Il n’y a ni triomphalisme et ni sentiment d’inquiétude.
Candidat par défaut
Mais un véritable paradoxe existe vis-à-vis de l'Égypte car Israël n’a pas eu de contentieux avec Mohamed Morsi et ses Frères musulmans, en ce qui concerne les relations bilatérales. Certaines voix israéliennes, attachées à la démocratie, se sont élevées contre ce qui, en termes juridiques, peut s’apparenter à un coup d’État contre un président élu légalement au suffrage universel. Bien sûr, ses erreurs de gestion et sa volonté d’islamisation à outrance sont condamnées mais Israël considère qu’il n’avait pas à s’impliquer dans des affaires purement intérieures, dès lors où sa sécurité n’était pas engagée.
Les candidats Morsi et Chafik
L'élection de Mohamed Morsi était à la base d'un malentendu qui ne s'était pas dissipé avec le temps. Morsi avait puisé son électorat dans la campagne profonde qui avait une haine affirmée contre l’armée qui accaparait les ressources d’un pays pauvre. Il a donc été élu par défaut, par ceux qui ne voulaient pas donner leurs voix au général Chafik, un militaire qualifié d’homme de l’ancien régime. Par ailleurs, l'opposition irresponsable n'avait pas réussi à s'accorder sur un candidat neuf, de consensus. Mais le président, en un an de mandat, n'a pas su apporter à ses électeurs une amélioration de leurs conditions de vie. Ils voulaient du pain, il leur a offert la charia.
Relations sécuritaires maintenues
Morsi a permis le maintien de relations diplomatiques et sécuritaires entre l’Égypte et Israël, éliminant ainsi toutes les dérives qui auraient pu mettre en danger le calme régnant aux frontières. D’ailleurs aussitôt ces derniers troubles, l'armée a suivi ses recommandations en assurant la sécurité des installations à travers l'Égypte et a pris le contrôle de tous les sites contenant des armes et des munitions pour éviter l’expérience malheureuse vécue par la Libye dont le matériel a été disséminé à travers le monde terroriste.
Armée égyptienne au Sinaï
En comparaison avec l’époque de Moubarak, l’armée avec l’accord du gouvernement s’est montré plus active dans le combat contre les terroristes du Sinaï qui alimentaient en armes, par bédouins interposés, le Hamas, les groupes du Djihad islamique et même le Hezbollah. Elle avait même participé à la destruction de nombreux tunnels de contrebande qui laissaient passer vers Gaza les missiles et un armement sophistiqué en provenance d’Iran. L’armée a toujours assuré l’équilibre régional existant, sans chercher à attiser le feu avec Israël et a lancé des opérations coûteuses en hommes contre les éléments d’Al-Qaeda basés au Sinaï pour les forcer à perdre du terrain. Morsi avait encouragé, sinon laissé faire, ces opérations.
Al-Qaeda au Sinaï
C’est dans cet état d’esprit de coopération qu’Israël a accepté, durant ces derniers évènements, les mouvements de troupes égyptiennes au Sinaï. Des forces militaires ont été déplacées près de la frontière avec Gaza avec l’autorisation du gouvernement israélien pour contenir d’éventuels troubles. Plusieurs dizaines de blindés, pourtant interdits dans cette zone en vertu du traité de paix de 1979, ont été envoyés pour contenir l’activité militante avec l’approbation des services sécuritaires israéliens. Selon un porte-parole militaire israélien : «L'action militaire égyptienne dans le Sinaï a été coordonnée avec la mise en place de mesures de défense et autorisée par les hauts fonctionnaires en Israël afin de faire face aux défis de sécurité du Sinaï qui constituent une menace pour les deux pays.»
Intérêts politiques bilatéraux
Sur le plan politique, Israël a parfaitement collaboré avec le président Morsi car, contre toute attente, il n’a pas soutenu sans réserve le mouvement islamiste palestinien qui a pourtant adopté l’idéologie des Frères musulmans. Il l’a forcé à se modérer militairement en le menaçant de fermer sa frontière et d'aggraver le blocus si des missiles étaient envoyés contre Israël.
Pilier de défense à Gaza
Il a peu réagi lorsqu’Israël a lancé son opération militaire «pilier de défense» contre Gaza tant il estimait que les motivations militaires israéliennes étaient légitimes. Il n’a même pas aidé le Hamas à reconstituer son arsenal détruit en quelques jours par les forces israéliennes parce qu’il voulait que les opérations militaires cessent et que le cessez-le-feu intervienne au plus tôt.
Il est pratiquement certain que le calme qui a régné pendant plusieurs mois à la frontière avec Gaza a été inspiré par le gouvernement égyptien qui avait d’autres chats, économiques, à fouetter. Morsi a convaincu le Hamas que la voie du pragmatisme et de la modération était impérative s’il voulait qu’une coopération efficace s’installe entre l’Égypte et la bande de Gaza.
Rapprochement avec l’Iran
Morsi en Iran avec Ahmadinejad
Le président Morsi n’a pas succombé à la stratégie du tout contre Israël. Au début de son mandat, les israéliens avaient de réelles certaines inquiétudes quant à un probable rapprochement entre l’Iran et l’Égypte matérialisé par un voyage de Morsi en Iran ; mais ce ne fut qu’un feu de paille. Le fossé idéologique entre les Frères musulmans sunnites et les iraniens chiites ne permettait pas d’effacer la haine ancestrale entre ces deux clans musulmans ; elle a eu raison de toute tentative d’élaborer une coopération quelconque entre deux pays opposés.
Les Frères musulmans ont poussé le Hamas à se détacher du régime du syrien Bachar al-Assad soutenu par l’Iran. Israël y voyait un intérêt majeur car les islamistes de Gaza se sont alors éloignés du Hezbollah qui appuie activement le régime de Damas en envoyant ses militants combattre aux côtés de l’armée régulière. La scission entre ces deux mouvements palestiniens a accru le sentiment de sécurité d’Israël dès lors où elle réduisait l'éventualité d'une attaque concertée intervenant simultanément au nord et au sud. Israël a ainsi bénéficié directement de l’opposition de Mohamed Morsi au régime des mollahs.
Hezbollah à Quseyr en Syrie
Camp David
Enfin Mohamed Morsi n’a jamais envisagé de remettre en cause la paix signée à Camp David en 1979. Il a certes envisagé d’y apporter quelques rectificatifs mais, au cours de son mandat réduit à un an, il a respecté à la lettre les termes du traité, encouragé certes par les États-Unis qui menaçaient l’Égypte de représailles économiques. Il a aussi réussi à persuader son peuple, qui rechignait à maintenir ce traité, de le soutenir même contre sa volonté.
Attentat contre un terminal gazier au Sinaï
Les relations entre services sécuritaires des deux pays n’ont jamais cessé et à l’exception de quelques incidents mineurs dus à des mouvements extrémistes djihadistes, la frontière avec Israël est restée calme. Les attentats contre les terminaux gaziers suspendant la fourniture de gaz à Israël et la Jordanie, qui étaient monnaie courante sous Moubarak, ont été canalisés. Israël n’avait plus aucun motif de manifester sa mauvaise humeur à un régime qui montrait sa volonté de respecter ses engagements.
Moubarak est parti, la révolution est finie, nous devons maintenant nous voir les yeux dans les yeux
Il est trop tôt pour connaitre la stratégie politique de la nouvelle gouvernance en Égypte mais il est un fait que si les égyptiens ont des griefs importants à l'encontre de Mohamed Morsi, Israël n’a rien à lui reprocher. Cependant il ne pleurera pas son départ car il met fin à l’illusion d’un islamisme démocratique.