Histoires de l'inquisition, par Rémy Bijaoui

Histoires de l'inquisition, par Rémy Bijaoui 

Une recension de Jean-Pierre Allali

Avocat au barreau de Paris, Rémy Bijaoui est passionné par l'histoire de la justice. Dans ce livre très intéressant, il nous conte une dizaine d'affaires aussi terrifiantes que variées, toutes en rapport avec la terrible Inquisition dont le Tribunal impitoyable a, au cours des siècles, commis les forfaits les plus cruels et condamné injustement et fait exécuter des milliers de personnes.

Ainsi, raconte l'auteur, la marquise de Villars, de passage à Madrid, annonce à son amie, Madame de Coulanges une belle attraction à venir : « Il y aura une autre fête le 30 de ce mois, dont je vous ferai écrire une ample relation. Vous la trouverez bien extraordinaire. On y brûle beaucoup de Juifs ; et il y aura d'autres supplices pour des hérétiques et des athées. 

Ce sont des choses horribles ». L'autodafé annoncé aura bien lieu le 30 juin 1680. Il a été immortalisé par un tableau de Francisco Rizi exposé au musée du Prado. Dernier autodafé général célébré en présence du roi d'Espagne, il se veut, nous dit l'auteur, « d'abord un spectacle à la fois liturgique et mondain, au relent de théâtre, conçu et mis en scène pour frapper les imaginations, toucher l’œil, subjuguer et émouvoir, en sorte que nul-accusé comme spectateur-ne puisse en ressortir totalement indemne ». 

Si les « réjouissances » durent plusieurs jours, la procession finale est lugubre. Cent charbonniers armés de piques et de mousquets précèdent la croix verte de l'Inquisition couverte d'un voile noir, douze prêtres, les condamnés par contumace, des coffrets contenant les ossements des condamnés morts en prison et ceux qui vont bientôt mourir, pieds nus et la corde au cou, portant un cierge à la main. Le sermon est prononcé par le frère Thomas Navarro : « Quels pécheurs plus ennemis de Dieu, plus digne de châtiment, que ceux qui observent la Loi de Moïse, les Juifs perfides... ». Ce jour-là, vingt Juifs, hommes et femmes furent brûlés ainsi qu'un « renégat mahométan ».

 Cinquante autre Juifs ou Juives, pris pour la première fois et repentants, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Dix autres, enfin, accusés de bigamie et de magie, écopèrent de fouet ou de galères. « Des bûchers flambants et crépitants, s'élève une épaisse fumée cachant les dernières grimaces et contorsions des suppliciés. Puis tout le monde s'en retourne chez soi, à la lueur tremblante des torches, tandis que les cendres des condamnés, encore chaudes, sont dispersées à coup de pelle par le bourreau, éparpillées pour 'qu'il ne reste d'eux, à jamais, ni trace, ni souvenir' ».

Rémy Bijaoui nous parle aussi du bûcher de Montségur, meurtre collectif, en 1242, de Cathares du midi de la France, de l'affaire des Vaudois d'Arras, qui voit, en 1459, le brûlement d'un ermite, Robinet de Vaulx suivi de plusieurs procès en sorcellerie dans la même région. Voici aussi, en 1497, le fameux Jérôme Savonarole, Fra Girolamo, accusé d'hérésie et assassiné à Florence. Et le procès d'un favori des rois, Don Bartholomé Carranza de Miranda, dont le procès dura dix-huit ans, celui d'Antonio Perez, dont une branche de la famille était juive. 

L'auteur n'oublie pas, évidemment, l'histoire de Giordano Bruno, qui après bien des péripéties et des rebondissements, périt sur le bûcher, le 17 février 1600. Un chapitre est consacré à la chasse aux sorcières et un autre à l'Inquisition à Goa, aux Indes, où le Tribunal de l'Inquisition sera supprimé en 1812. Édifiant !

Note :

(*) Éditions Glyphe. Avril 2015. 230 pages. 15 euros.