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Loi du lachon hara : la presse doit-elle avoir peur ?

 

Loi du lachon hara : la presse doit-elle avoir peur ?

 

 

La Knesset a autorisé en première lecture la loi dite du ”Lachon Hara”. Toute personne ayant publié des informations sur une autre et jugées médisantes pourra être condamnée jusqu’à 300,000 shekels de dommages et intérêts, sans pour autant que le dommage ait été prouvé.
Le monde de la presse s’inquiète : cette loi va-t-elle assainir les médias ou au contraire les entraver ?

Alain Sayada – Israël Actualités
C’est vraiment un scandale ! A la Knesset, au lieu de s’occuper de ceux qui n’arrêtent pas de maudire Israël, y compris au sein de cette assemblée, et qui bénéficient de tous les avantages, on préfère s’occuper de la presse : on est véritablement face à un problème ! La Knesset veut museler la presse, de toutes les manières possibles : après la protection du droit d’auteur, c’est la suite logique. Qui a eu cette idée folle, de mettre des bâtons dans les roues de la presse, encore un député en manque de Gaava…

Jacques Kohn – Magistrat honoraire
Je ne connais pas les détails de ce projet de loi, mais je m’inquiète du flou de sa définition du לשון הרע.
Leלשון הרע , selon loi juive, diffère de la diffamation en ce qu’il consiste à rapporter des faits exacts dans le dessein de nuire à la personne concernée. Plus proche de la diffamation est la הוצאת שם רע ou laהוצאת דיבה , qui consiste en la propagation de propos mensongers. A quelle forme de propos le projet s’applique-t-il ?
Une allégation non vérifiée qui ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne est-elle punissable ?
Qu’est-ce qu’une information sur une autre personne jugée médisante ? Celui qui a publié une telle information peut-il s’exonérer en prouvant qu’elle repose sur des faits exacts ? Les atteintes à la vie publique sont-elles réprimées comme les atteintes à la vie privée ?
N’oublions pas que la liberté d’expression est fragile, et que les gouvernants ont parfois du mal à résister à la tentation de la restreindre.

Emmanuel Navon – Professeur de relations internationales
Dans le judaïsme, la médisance est un Issour De’oraïta – une transgression interdite par la Torah (« Tu ne répandras pas la médisance au sein de ton peuple » Lévitique, 19 :16). Le Hafetz Haïm a consacré un livre entier (« Shmirat Halashon ») à l’interdiction du Lashon Hara, et l’Ecclésiaste nous dit qu’une bonne réputation vaut plus que la richesse (« Tov Shem Mishemen tov »). On ne peut donc que se féliciter d’une loi qui s’inspire d’un principe fondamental du judaïsme. Par ailleurs, la Knesset n’a pas voté (en première lecture) une loi sur l’interdiction de la diffamation ; elle n’a fait que modifier une loi qui existe depuis 1965.
Cette modification consiste uniquement à augmenter le montant des sommes que le Tribunal peut imposer au diffamateur. Avec la loi révisée, une victime de diffamation pourra toucher jusqu’à trois cent mille shekels (au lieu de cinquante mille dans la loi existante), même si la victime ne prouve pas au tribunal qu’un dommage lui a été causé. Si le plaignant peut prouver au Tribunal que le diffamateur a agi intentionnellement, le plaignant pourra être dédommagé d’une somme pouvant aller jusqu’à six cent mille shekels dans la nouvelle version de la loi (contre cent mille shekels dans la version précédente).
La loi modifiée ne change pas le fait qu’il faille prouver au Tribunal qu’il y a eu diffamation – chose qu’il n’est pas toujours facile à prouver et à faire accepter au Tribunal. La modification de la loi ne fait qu’augmenter le coût du mensonge, de la diffamation, et de la médisance. Il ne s’agit aucunement d’une atteinte à la liberté d’expression. Celle-ci reste intacte. Ce qui présente un risque, en revanche, c’est la possibilité de mentir, de diffamer, et de médire. C’est bien ce que craignent et ce que critiquent ceux qui se sont habitués à « répandre la médisance » en toute impunité.

Anna Oliel – Infolive.tv
La loi anti-diffamation fait des vagues en Israël. Il faut s’en réjouir : c’est un signe, une fois de plus, que notre démocratie fonctionne.
Nombreux sont les journalistes qui s’interrogent sur les conséquences d’une telle loi pour la liberté d’expression.
Mais cette législation apporte une réponse à certains maux qui touchent notre pays.
Force est de constater que trop souvent, nos confrères privilégient le scoop à la véracité de l’information, ce qui en plus de nuire à l’éthique du métier journalistique, ne fait resurgir que les pires aspects de la vie politique israélienne. De plus, ils nourrissent les médias occidentaux et servent notamment à la presse française de caution anti-israélienne voir anti-juive.
La loi anti-diffamation est tout le contraire d’une loi anti-démocratique. La quête de vérité est essentielle pour Israël, un pays touché par la désinformation. Le conflit avec les Palestiniens a trop longtemps servi de laboratoire à la désinformation.
De même, le travail de sape des députés arabes israéliens à la Knesset, constamment engagés dans des diatribes qui délégitiment l’Etat juif, ne peut se poursuivre en totale impunité. La liberté d’expression doit aussi être constructive. Par conséquent, la loi anti-diffamation, à condition que son cadre juridique soit davantage étayé, doit pouvoir imposer certaines limites nécessaires à notre pays.
Israël gagne sur tous les fronts : de la science à la technologie, de la médecine à la culture…et grâce à cette loi, Israël peut réussir à gagner la guerre des médias.

Alain Legaret – Rédacteur du Monde à l’Endroit
Les lois sont comme les médicaments : très peu soignent une chose sans en détraquer une autre.
A peine la loi anti-diffamation (dite du “lachon hara”) autorisée que les premières contestations fusaient. Le Premier Ministre s’empressa de préciser que seule l’information mensongère sera punie. Mais comment sanctionner la diffamation volontaire du journaliste militant sans risquer de frapper d’anathème le journaliste vertueux ayant commis une erreur par mégarde ? C’est l’épineux problème de l’intention que devront trancher les juges, sans compter sur la désertion d’honnêtes journalistes qui préféreront faire des reportages sur la reproduction des cloportes ou sur la floraison des tulipes pour fuir le risque d’avoir à verser des indemnités faramineuses. Or si le pouvoir médiatique ne joue plus son rôle, ne risque-t-on pas d’assister à une dérive du pouvoir politique, une fois privé de son garde-chiourme ?
D’autre part, puisque la nouvelle loi anti-diffamation nécessite d’être repensée, pourquoi ne pas la structurer directement autour de l’injonction hébraïque « Tu ne porteras pas de faux témoignage » qui intègre déjà dans sa formulation la notion d’intention ? Israël n’est-il pas un État juif ?

Georges-Elia Sarfati – Fondateur de l’Université Populaire de Jérusalem
La Knesset aurait-elle décidé d’introduire une régulation morale dans la vie médiatique et les mœurs de notre pays ? Nul ne peut impunément médire d’autrui, fut-il fondé à le faire. Tel est l’enseignement de la tradition juive. Vous me donnez là l’occasion d’évoquer une affaire récente : voilà plusieurs mois qu’à la suite d’une émission populaire où il s’agissait d’enquêter sur une communauté bien connue de Brastlav, dont un groupe a été arrêté, démantelé, lynché par les médias sans que nul ne trouve à y redire. Nous sommes là dans un situation de procès en sorcellerie, qui nous fait honte. Or le dossier est vide : Daniel Ambach – qui est un ami de trente ans -, après avoir été présenté comme un monstre, a été jeté en prison où il se trouve depuis des mois, les membres de sa famille soumis à des violences extrêmes, placés dans différents foyers avec interdiction faite aux femmes de voir leurs enfants. Ce malheur qui a fait la jouissance animale du amha est d’abord l’œuvre des médias. Peut-on ici douter que le préjudice ne soit pas établi ? La moindre des choses serait de demander des comptes aux artisans de ce crime.

Avec Le P’tit Hebdo - JSSNews

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