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Une journée à Auschwitz! Mohamed Sifaoui

 

Une journée à Auschwitz!

 

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Journaliste, écrivain et réalisateur

 

 

 

HISTOIRE - Lieu de mémoire. Lieu du supplice. Lieu du crime. Lieu de génocide. Lieu de barbarie. Comment qualifier Auschwitz ?

Je le dis : on sort sonné d'une journée passée au camp d'Auschwitz à condition d'y venir avec la seule envie d'apprendre l'histoire, de comprendre la réalité et, surtout, d'y aller avec un minimum d'empathie pour les victimes.

Je le dis aussi : les salauds, les antisémites, les révisionnistes et les négationnistes n'ont pas leur place dans ce lieu. Ils n'y ont rien à faire sinon, par leur seule présence, ajouter de l'indécence à l'abjecte. Auschwitz est un lieu de mémoire et certainement pas une machine à laver qui servirait à raisonner les malades de cette haine antisémite qui continue de s'exprimer aujourd'hui encore à travers des voix imbéciles qui, comme jadis, arrivent à séduire les frustrés et à emballer les haineux. Imbécile ici est un euphémisme et il faut user d'euphémisme pour ne point répondre aux salauds en sombrant dans la haine. Cela les ferait gagner. Au crime commis à Auschwitz (et ailleurs) un démocrate répond par le procès de Nuremberg. C'est ce fossé qu'il faut entretenir tant le clivage existe entre ceux qui croient en la haine de l'Autre et ceux qui ont la naïveté de croire encore en la démocratie.

Finalement, je crois que Auschwitz est surtout une leçon. Le camp de l'horreur nous enseigne par exemple que l'humanité peut se perdre dans les méandres des idéologies totalitaires et des pensées racistes. Auschwitz apprend l'humilité et nous dit que la civilisation européenne, occidentale, a enfanté parfois le meilleur, mais le pire aussi. Auschwitz nous rappelle que la rationalisation de la haine de l'Autre est toujours le prélude des drames, que le racisme est une abjection, qu'il ne suffit pas d'aimer la musique classique, d'être un esprit ordonné et un être raffiné pour produire le meilleur. L'officier nazi pouvait aimer Mozart, mais en même temps détester Chopin, car Polonais. Le nazi, celui d'hier comme le raciste d'aujourd'hui, a toujours une bonne raison de vouer de la détestation à l'Autre.

Je le dis enfin - et c'est un conseil - si vous vous déplacez un jour à Auschwitz, venez y bien documenté, prenez un guide, et consacrez au lieu une journée complète. On ne peut pas venir la fleur au fusil comme s'il s'agissait d'une banale attraction touristique.

J'ai eu la chance d'être dans un groupe qui a bénéficié des explications d'un talentueux historien, Tal Bruttmann, un grenoblois, spécialiste de la Shoah et d'Auschwitz, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.

Grâce aux décryptages du spécialiste, j'ai appris par exemple que la crémation n'était pas une finalité pour les nazis. Ces derniers voulaient avant toute chose en finir avec les juifs. La crémation est d'abord un choix pragmatique qui permet de se débarrasser des cadavres et d'éviter les épidémies et les maladies. De plus, nous l'oublions souvent, la crémation relève du culturel chez les protestants. Or, les Allemands sont protestants.

On apprend aussi que le gazage, méthode préconisée pour éliminer notamment les juifs, permet surtout de préserver le psychisme des tueurs. Car, quoi qu'on puisse en dire, tuer sans voir de sang, sans voir sa victimes dans les yeux, en se suffisant d'ouvrir une boite de Zyklon B, un pesticide hautement toxique, qui permettait d'éliminer plusieurs centaines de personnes en quelques heures. Du pesticide pour des humains ! Voilà ce que provoque la déshumanisation de l'Autre. C'est dire que si l'on arrive à la "solution finale" c'est aussi parce que plusieurs années durant, la littérature antisémite, du Protocole des sages de Sion à Mein Kampf, le juif était diabolisé. C'est dire que la parole raciste tue aussi. Ne l'oublions pas 

Ou alors oublions momentanément. Et quoi de mieux pour ce faire qu'une Vodka polonaise.

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