La France sans les juifs, par Danny Trom

La France sans les juifs

Les juifs de France se trouvent aujourd’hui dans une situation inédite : à la fois hyper-reconnus en raison de l’aveu permanent et réitéré par l’Europe de la faute d’avoir laissé se produire la Shoah, et contraints au départ (70 000 depuis dix ans) en raison de la stigmatisation qu’ils endurent désormais de la part des populations d’origine musulmane qui voient en eux les « bourreaux » de leurs frères arabes en Israël, sans que l’État français, en situation de contrition postcoloniale, soit en mesure de réagir. Cette situation mène l’auteur à réécrire l’histoire de la France depuis la défaite politique majeure que représente l’issue de la Seconde Guerre mondiale, sur laquelle l’Europe s’est édifiée dans le sens d’un abandon progressif mais toujours plus accentué du politique au profit d’une société de marché.

Un nombre considérable de juifs a quitté la France dans la dernière décennie, sans que les paroles rassurantes émanant des plus hautes autorités de l'État aient pu arrêter l'hémorragie. Quant à ceux qui restent, ils ne peuvent éviter l'idée de devoir peut-être partir un jour, au regard des événements et d'un climat général dont chacun perçoit le poids. La sociologie politique, curieusement, n'a que bien peu à dire sur un tel phénomène. Prolixe sur la question de l'immigration, elle est pratiquement muette sur le fait que la France ait pu ainsi devenir une terre d'émigration. Qu'est-il donc arrivé ? Pour le comprendre, l'invocation commode des tensions intercommunautaires et du radicalisme islamiste est bien loin de suffire. C'est une généalogie au long cours de notre situation qui est requise, une restitution des dynamiques complexes où sont intriqués, depuis la Seconde Guerre mondiale, les juifs, l'Europe et l'État d'Israël. De cette manière, et de cette manière seulement, l'un des points les plus sensibles du malaise politique actuel peut enfin être affronté.

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