Kaïs Saïed : L’Etat n’a pas de religion !
Le président de la République, Kaïs Saïed, a donné ce jeudi 13 août 2020, un discours au palais de Carthage, à l’occasion de la fête nationale de la Femme.
La cérémonie s’est tenue devant un public trié sur le volet, mais tellement trié que la grande salle semblait bien vide contrairement aux années précédentes où elle était archicomble. L’épidémie du nouveau coronavirus aurait pu expliquer ce nombre restreint d’invitées, mais les femmes debout à l’arrière de la salle et l’absence de la distanciation qui aurait pu justifier cette démarche semblent indiquer que le nombre d’invitations a volontairement été réduit et n'est pas nécessairement dicté par des précautions sanitaires.
Devant des femmes politiques, sécuritaires, artistes et intellectuelles tunisiennes et en présence des chefs de partis et de l'équipe gouvernementale du chef du gouvernement sortant, Elyes Fakhfakh, du président du Parlement, Rached Ghannouchi et du chargé de la formation du nouveau gouvernement, Hichem Mechichi, le chef de l'État a présenté une lecture historique de la parution du Code du statut personnel et les détails de son adoption et du rôle du défunt président Bourguiba qui l’a fait paraitre sans le soumettre au Conseil constitutionnel national.
S'adressant aux politiciens à sa droite, en particulier à Rached Ghannouchi, chef du parti islamique Ennahdha, Kaïs Saïed n'a pas hésité à critiquer la constitution de 2014 dans son article premier, qui reconnaît que la Tunisie est un pays dont la religion est l'islam, citant les circonstances entourant l'adoption de cet article. Se moquant de l'idée « saugrenue » selon laquelle l'État, en tant qu'institutions et lois, a une « religion » le président a lancé : « Cela signifie-t-il qu'il y a des pays qui iront en enfer et d’autres au paradis ? ».
Parlant de la question de l’égalité dans l'héritage, Kaïs Saïed a souligné que ce débat n’est pas innocent et qu’il n’y a pas de place pour l'interprétation du texte coranique.
« Les débats autour de l’héritage sont faux et erronés. Comme si les Tunisiens avaient des comptes dans des banques étrangères, nous devons d’abord instaurer une égalité entre les femmes et les hommes concernant les droits économiques et sociaux avant de parler d’héritage. Le Coran est clair à ce sujet et n’accepte pas d’interprétation. Le système de l’héritage en islam n’est pas basé sur l’égalité théorique mais est fondé sur la justice et l'équité. L'égalité dans la pensée libérale est l'égalité formelle qui n'est pas fondée sur la justice comme elle veut bien paraitre, de sorte que l'égalité n'est appréciée que par ceux qui sont financièrement capables d’en profiter » a ajouté le président.
Kaïs Saïed a cité dans son discours des écrivains et penseurs qui ont contribué à la cristallisation de la vision progressiste tunisienne des droits des femmes, tels que Tahar Haddad et son livre, qui a suscité la controverse «Notre femme dans la charia et la société».
Il a également critiqué la vision erronée qu’ont les islamistes de l'égalité dans le Coran, affirmant que le Coran parle de justice et expliquant la différence philosophique entre la justice et l'égalité. Se tournant de nouveau à sa droite où est assis Rached Ghannouchi, Kaïs Saïed a rappelé que les islamistes ont vivement critiqué le deuil, citant l'exemple du livre « Pleurer la femme de Haddad ».