La Reine des Sables : L’extraordinaire épopée de la Kahena, par Didier Nebot

Lectures de Jean-Pierre Allali - La Reine des Sables : L’extraordinaire épopée de la Kahena, par Didier Nebot

 

Au 7ème siècle, en Afrique du Nord, vivaient des tribus berbères judaïsées qui côtoyaient en bonne ou mauvaise entente, selon les périodes, des animistes, des Chrétiens ou encore des Arabes musulmans.

Parmi ces tribus, les Nefoussa, les Fendelaoua, les Médiouna, les Bahloula, les Ghiata, les Fezzaz et les Djéraoua.  C’est au sein de cette dernière que Didier Nebot a choisi de situer l’action de son agréable roman historique.

Le chef de cette tribu, considéré comme roi, se nomme alors Tabet l’Aaronide. Avant lui, il y avait son père, Nissim et, en remontant le temps, Baoura, Meskeri, Afred, Ousila et Guerra.

Alors que la vie s’écoulait tranquille dans le village de Mascula,  entre transhumances saisonnières, un drame s’abat sur Tabet. Sa femme Malka et son fils périssent dans un incendie provoqué par un qânoun mal éteint. Dès lors, il n’a plus d’héritier mâle. Sa fille Dahia, « la petite princesse qui commande aux esprits », malgré ses talents incontestables, ne saurait prendre la relève réservée aux hommes. L’angoisse est d’autant plus grande pour Tabet qu’un prétendant, aussi gras que fat, un certain Moudèh de Théveste, a jeté son dévolu sur la petite qui, elle, n’a d’yeux que pour l’infortuné handicapé et boiteux, Adam.

Alors qu’elle n’est qu’une adolescente, Dahia va être séduite par un soldat grec, Serkid .Un enfant naîtra de cette liaison, Saadia. Notre héroïne cherchera vainement à faire reconnaître l’enfant par son père qu’elle retrouve à Kairouan et qui refuse de l’épouser. Alors qu’elle n’a pas encore 18 ans, elle finit par épouser l’horrible Moudèh et lui donnera aussi un enfant prénommé Simon.

Les Arabo-Musulmans, emmenés par l’émir Ocba, ne se contentant plus de Kairouan, préparent l’invasion générale de l’Afrique du Nord. Les Berbères, premiers visés par la déferlante islamique qui se profile, se préparent à la guerre. Sous l’autorité de Koceila, ils vaincront les Arabes au cours de combats qui verront la mort de Tabet. Et Moudèh devint roi. Un roi cruel, un despote.

Dahia, elle, en découvrant une source d’eau providentielle qui sauvera son peuple de la soif mortelle, devient une héroïne qu’on appelle désormais  la Kahena.. Elle va asseoir son pouvoir en assassinant son mari à la grande joie de son peuple. Entourée du rab Azoulaï auquel succèdera le rab Douïeb, et de sa fidèle servante Foulaa, montée sur son cheval noir, le petit barbe Monza, la Kahena, reine des Aurès,  entre dans la légende. C’est elle,  qui aura la charge de préserver la Pierre Sacrée conservée dans le temple-synagogue de Bagaï. « Chef de la tribu dominante du Maghreb, elle était désormais la seule souveraine de l’Ifrikiya, de la Numidie et de la Mauritanie. Les Arabo-Musulmans n’avaient plus qu’à bien se tenir éloignés de ses territoires. Pourtant, en l’an 692, Abdel Melek, prince des croyants, fit appeler Hassan ibn Noomane el-Ghassani, lui confia la tête des armées musulmanes avec pour mission de conquérir le Maghreb. Mais les choses ne se passeront pas comme prévu. Ayant réussi à fédérer toutes les tribus berbères, Juifs et non-Juifs, la Kahéna infligera une lourde défaite aux Arabes lors de la bataille de la Meskiana. Tous les prisonniers seront décapités à l’exception du beau Khaled que Dahia adoptera comme troisième fils et dont elle fera son amant.

Hélas, après la victoire, les dissensions se manifestent entre les diverses tribus. Et face à un retour annoncé des Arabes, la Kahena décide de mener une politique de la terre brûlée. Cela ne suffira pas à arrêter  les soldats de l’islam qui reviendront en force. Avant de mourir décapitée, la Kahena demandera à ses fils et à son peuple d’adopter l’islam pour avoir la vie sauve. Et c’est ainsi que l’Afrique du Nord devint une terre musulmane.

Dans une seconde partie de cet ouvrage d’une lecture très agréable, Didier Nebot propose une analyse historique. Il se base sur les écrits et les témoignages d’auteurs dignes de foi comme Flavius Josèphe, Ibn Khaldoun ou encore Nahum Slouschz. Parmi les sujets peu connus qu’il évoque : le temple de Léontopolis qui concurrença un temps celui de Jérusalem, la révolte des Juifs de Cyrénaïque, les nécropoles juives d’Afrique du Nord ou encore la mansuétude des envahisseurs vandales à l’égard des Juifs.

Le personnage légendaire de la Kahena demeure mythique et plusieurs auteurs ont proposé des versions différentes de son épopée. Il faut espérer que celle que nous propose Didier Nebot est la bonne car la Kahena qu’il nous décrit est tout simplement captivante. À découvrir !

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Erick Bonnier. Février 2021. 356 pages. 20 euros.

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