Le territoire du Juif - Par Shmuel Trigano

Le territoire du Juif - Par Shmuel Trigano
 

La dimension territoriale de la condition juive contemporaine échappe en général à la perception et encore plus à la compréhension. Il faut à cet effet faire l’effort de concevoir l’ensemble de la condition juive, c’est à dire la dimension israélienne et la dimension diasporique, en les élevant au rang de concept en quelque sorte. Il faut aussi pouvoir l’appréhender dans la perspective politique que commande l’existence de cette masse de population que seul le concept de peuple peut saisir.  Or toute collectivité a une dimension spatiale. De ce fait même, elle est politique: elle occupe un espace et donc est dotée de frontières.

C’est ce dont le sionisme politique fut capable, quoique, dans sa visée, le peuple juif fut aligné sur la nation, ce qui n’est pas exactement la même chose[1]  du point de vue des finalités. La nation va de pair avec un Etat unique, ce qui n’est pas le cas de la Diaspora. Néanmoins, dans l’ère contemporaine, c’est la nation israélienne qui a cristallisé de facto l’idée de peuple juif dans le regard des normes mondiales. On y a vu apparaître une nation israélienne bien plus que le peuple juif. Deux exemples: c’est en Israël que l’Occident reconnait la Shoah, comme l’a montré la visite des présidents européens à Yad Vashem. C’est, par ailleurs, dans l’accusation d’apartheid lancée contre Israël que le nouvel antisémitisme exclue (territorialement et symboliquement par le boycott) les Juifs israéliens autant que diasporiques.

Le territoire du Juif en question

Importante pour notre analyse est la raison d’une telle accusation. Elle a pour finalité de vouer à l’exclusion le territoire israélien, et pas seulement la Judée-Samarie, territoires supposés occupés[2].

Mais si c’est là la cause manifeste de l’argument. En fait, aux yeux des ennemis d’Israël, les supposés « progressistes » occidentaux (en fait des néo-staliniens[3]), c’est tout « territoire » israélien qui est générateur d’apartheid, de racisme et autre « fascisme » et qui mérite donc d’être éradiqué au nom de la… morale. Toute territorialisation juive, toute spacialisation de l’existence d’un peuple juif constitue ainsi subrepticement un apartheid, un rejet raciste non seulement des Arabes mais aussi de la terre entière, ce qui revient à dire qu’un peuple juif, et pas seulement un Etat d’Israël, constitue une existence contre nature. Dans une moindre mesure, on peut constater que cette condition va bien au delà des milieux néo-staliniens. La logique de la paix au Moyen Orient, prônée par les puissances occidentales, a pour finalité première le retrait d’Israël de territoires. C’est même l’essence de la résolution 242 du Conseil de sécurité et l’exigence fondamentale envers Israël quoique le texte reste ambivalant: « de territoires » ou « des territoires ».  Toujours est-il que l’exigence que les puissances occidentales et les Arabes font peser sur les Juifs se mesure en termes de marchandage de territoires: comme pour veiller à ce que le territoire israélien reste à jamais un territoire exposé de façon structurelle à la guerre arabe et aux soubresauts consécutifs à la « solution » du statut de l’hydre palestinienne, elle, riche en territoires, Judée Samarie, Jordanie, Galilée et Negev en Israël sans compter les millions de pseudo réfugiés au Liban, en Jordanie, en Syrie et n’oublions pas Gaza.

On peut faire un exercice[4]: étudier tous les « plans de paix » proposés par les puissances occidentales pour constater qu’elles n’envisagent pour Israël que des retraits territoriaux en contrepartie d’une paix évanescente sans aucun gage. L’objectif de la politique des Puissances est donc de réduire le territoire sur lequel est posé le peuple juif, imaginairement pour la Diaspora (qui le confond avec la nation israélienne) comme concrètement pour ce qui est de l’Etat, de son territoire concret.

La déterritorialisation du XX° siècle

Pour comprendre les enjeux de cette situation, il faut réintroduire la séquence de notre époque dans un paysage historique plus large. En effet, à quoi avons nous assisté durant le XX° siècle sinon à l’éradication territoriale quasi totale du peuple juif d’Occident et d’Orient, pas seulement son extermination (6 millions de morts dans toute l’Europe (1940-1945), mais aussi son exclusion et expulsion du monde arabo-musulman qui a vu la disparition de toute vie juive dans une douzaine d’Etats (1940 – 1970), en d’autres termes la déterritorialisation massive du Juif qui n’avait plus de lieu, d’incidence concrète dans le monde.

Ce tournant a une longue histoire car le peuple juif, dans ces deux aires (Occident et Orient), a traversé l’histoire, enfermé, qui, dans ses ghettos, qui, dans ses mellahs, c’est à dire dans une ségrégation territoriale qui lui concédait une « place » pour survivre, en vertu de certaines conditions comminatoires. La Révolution française marqua un tournant: les Juifs furent sortis de toute territorialisation ségrégative, et donc furent individuellement libres, mais à condition qu’ils renoncent à tout territoire présent et futur[5].  » Tout pour les Juifs en tant qu’individus. Rien pour les Juifs en tant que nation « , cette parole du Comte de Clermont Tonnerre à l’Assemblée constituante a résonné tragiquement et avec force durant les deux siècles qui ont suivi qui ont connu l’antisémitisme nationaliste et totalitaire s’attaquant aux Juifs comme nation ou comme espèce au sein d’une supposée condition citoyenne individuelle.

La parole de Clermont Tonnerre signifiait que la condition juive, c’est à dire une population réelle, produit de l’histoire, n’avait plus aucun lieu où se poser: se poser tout simplement parce qu’elle existe comme une réalité sans qu’aucun pouvoir ne puisse l’effacer. Le ghetto était détruit mais aucune place substitutive ne fut trouvée puisque la possibilité d’une existence collective lui était niée.  Ce qui voulait dire que, pour s’assumer dans son existence, cette population serait condamnée à une reterritorialisation forcément ségrégative et en rébellion contre la modernité (cf. l’accusation de « communautarisme »). Le territoire du Juif s’avéra être non plus le ghetto mais, dans sa figure la plus violente, le camp de concentration, effet non maitrisé, non conscient de la modernité politique dans la condition de peuple des Juifs.

Le camp de concentration apparaît, de ce point de vue, comme la seule territorialisation du Juif que rendit possible la modernité et l’égalité des Juifs comme individus. Il n’y a pas eu de place pour les droits de l’homme et du citoyen pour les Juifs en tant que peuple, masse historique et donc territoire, dans le territoire de la citoyenneté démocratique qui ne leur fut accessible qu’en tant qu’individus.

Le soupçon de domination mondiale que l’antisémitisme a fait peser sur eux jusqu’à ce jour, et qui est le revers de l’émancipation des individus (une façon de rendre compte du peuple dénié), est une façon de remassifier et reterritorialiser les Juifs en les diabolisant. Ce soupçon va paradoxalement de pair avec l’émancipation des Juifs comme individus tout simplement parce que celle-ci n’a aucune solution à proposer à la persévérance de la condition collective juive et donc à sa territorialité. Le peuple sans territoire finit par se retrouver, toutes citoyennetés confondues, assigné au camp de concentration, avant d’être exterminé, de partir « en fumée » sans même une sépulture territoriale. N’était-il pas en effet tenu pour ne plus exister?

Pour ce qui est de la liquidation du monde sépharade, le colonialisme l’avait sorti des mellah islamiques, ce qui les sortait de toute territorialisation et les laissait dans un entre-deux instable. La décolonisation qui suivit les vouaient à l’expulsion ou à la liquidation. La chose se vérifia objectivement à la lumière du devenir de ces 900 000 juifs qui furent chassés des pays arabes, et  notamment de 600 000 d’entre eux qui reconstituèrent leur territorialisé en immigrant en Israël, preuve objective que ce qui posait problème dans les Etats nations arabes postcoloniaux, c’est que les Juifs, qui avaient trouvé une place extra-systémique dans la colonisation  pour sortir de leur condition de dhimmi dans l’empire ottoman, la perdaient pour retourner à la ségrégation du mellah. Il est intéressant de noter que la colonisation sortait les territoires colonisés par la France et l’Angleterre de la maitrise ottomane (et non arabe qui, elle, était colonisée par l’empire ottoman) c’est à dire les excluait de la domination islamique (qui rendait acceptable aux Arabes la domination de l’empire), de sorte que c’est dans cette exclusion territorialisée que les sépharades trouvèrent une liberté, un territoire hypothétique.

L’accès à l’indépendance des pays arabes rendit impossible cependant toute territorialité juive, si ce n’est le retour à la condition de dhimmi et au mellah. Cette affirmation se vérifie non seulement pour les individus juifs qui ne trouvèrent d’issue qu’en immigrant en Israël mais aussi dans le fait que la Ligue arabe et tous les Etats arabes se liguèrent immédiatement dès leur création avec pour projet l’extermination du nouvel Etat d’Israël, pour interdire la reterritorialisation des Juifs que le nationalisme islamique chassait de leurs pays. Ces deux faits, pour les individus locaux dans chaque pays comme pour l’ensemble du monde sépharade (en Israël), montrent que là est en fait le fondement du conflit du Moyen Orient non dans le territoire du Juif.

Ainsi entre 1940 et 1970, le peuple juif du vieux monde a connu une déterritorialisation massive: de tous les pays d’Europe, de toutes les terres de l’empire ottoman et de ses successeurs coloniaux.

Le cas du judaïsme américain
Dans ce paysage global du Vieux monde, le cas du judaïsme américain est à part. Cela découle de son histoire. Les immigrants juifs qui ont peuplé le Nouveau monde, venaient avant tout d’Europe centrale. Originaires de pays qui n’avaient pas connu la modernisation et qui étaient à la veille d’y entrer, les populations qui avaient connu une territorialisation spécifique  dans le passé (le « Conseil des quatre pays, le Tehoum Hamoshav), tiraient la leçon du constat qu’ils n’avaient plus aucune place dans ces pays comme population, peuple et donc territoire, coincés entre la logique de la modernité libérale (la citoyenneté individuelle) et de la forme nationale prédominante dans ces pays. Ils partirent pour une destination qui permettait de contourner ces obstacles: les Etats Unis, un pays continent, immense, où les critères spatiaux sont tout autres, avec une frontière qui se confond avec l’infini, le Far West, un pays d’étrangers, composé d’immigrants, un pays fédéral: là il était possible de reconstituer une condition collective territorialisée en partie, sans rencontrer d’obstacle.

Ainsi une partie du judaïsme européen échappa à la Shoah et au destin des survivants du judaïsme du Vieux monde. Elle se dissociait également de la reterritorialisation massive et directement politique et nationale des survivants de la Shoah, vers laquelle convergèrent les deux tiers des communautés sépharades, c’est à dire l’issue israélienne. Aujourd’hui cependant cet univers voit son avenir s’assombrir. Nous en analyserons plus loin la situation. Remarquons cependant déjà le fait qu’une partie du judaïsme américain a évolué vers le « progressisme » et adopté l’accusation d’apartheid. C’est le symptôme de la fin du modèle judéo-américain.

L’après-guerre, moment ultime de la guerre pour un territoire

Cette reterritorialisation du Vieux monde pourtant restait toujours problématique et génératrice de guerre. La création de l’Etat d’Israël est à concevoir sur le plan mondial comme la transcription dans la réalité de l’exclusion des Juifs de tout territoire (du Vieux monde): tout territoire se réduisant dorénavant pour les Juifs au territoire d’Israël. C’est, dans la logique du système international, ce que l’on peut définir comme le revers de l’extermination-liquidation du peuple juif du Vieux monde.

C’est dire que l’Etat s’inscrit malgré lui dans la logique internationale de la réduction du Juif à un territoire problématique. De fait, ce territoire israélien est non seulement l’objet d’une guerre du monde arabo-musulman, guerre nationaliste et islamique, et d’une pression de l’U.E. mais il connaît lui-même aussi un problème et une division interne, certes, supposément autour du devenir de la Judée Samarie  amis avant tout  autour d’Israël lui-même dans le débat  qui pose en fait l’alternative de l' »Etat juif » ou de l' »Etat démocratique ». Le peuple juif (et donc le territoire du Juif) fait toujours problème dans la nation israélienne (et donc pour le citoyen individuel). Le Juif, même en Israël, n’a pas encore vraiment trouvé de territoire où se poser de façon pleine en entière…

Il faut ici se questionner sur ce renversement du XX° siècle et donc sur le sionisme: comment l’État d’Israël créé par le sionisme est à la fois le produit de la déterritorialisation du judaïsme du Vieux monde et de sa reterritorialisation (territoire israélien), tout en restant inscrit dans la logique du premier. Le peuple juif détruit ou éradiqué, disparu de tout territoire, s’est donc reconstitué concrètement mais tout en restant exclu (comme auparavant) en devenant la cible de la guerre contre lui et de la délégitimation et donc en restant toujours banni de toute territorialisation assurée.

C’est ce que prouve le fait que le problème essentiel que connait l’Etat, au dehors mais aussi au dedans, concerne le territoire des Juifs, en d’autres termes le destin des supposés « territoires occupés » mais aussi de son supposé propre territoire, l’existence même d’un Etat territorial juif défendable et souverain, territoire sans lequel il n’y a pas d’Etat.

Au sein du sionisme, ou plus exactement d’un milieu israélien, la division est grande entre une élite qui tend plus vers l’israélianité que vers la judéité sans se rendre compte de l’impasse dans laquelle elle s’engage et qui fut celle du judaïsme d’Occident. En voulant complaire aux exigences de l’émancipation, elle avait négligé le soin du roc sur lequel elle s’appuie pour exister: le peuple juif , la judéité de ce peuple,  autant de données stratégiques incontournables de l’existence des Juifs , sous quelque forme que ce soit et déjà dans le regard de leurs ennemis. C’est à partir de ce fondement inébranlable, la condition de peuple et le référent qu’est pour lui le judaïsme, pensé comme figure théologico-politique, voire « mythologique », que toute stratégie juive doit être pensée.

Le tournant sioniste

Le sionisme est l’agent qui a rendu possible ce renversement de l’extermination et de l’exclusion des Juifs de tout territoire en résurgence dans un territoire spécifique, qui devint l’Etat d’Israël. Quoique en restant par la force des choses dans le cadre de la déterritorialisation. Le génie d’Herzl fut de comprendre que dans le cadre moderne, il y avait une possibilité (une faille) à exploiter pour réitérer une condition juive dans la citoyenneté démocratique, à savoir la nation, dans son propre espace. La nation est, en effet, une catégorie qui n’est pas spontanément portée par la doctrine moderne (« droits de l’homme et du citoyen ») mais qui a trouvé à se constituer sur le terrain à travers le mouvement des nationalités au lendemain de la Déclaration des droits de l’homme et de l’épisode impérial napoléonien qui provoqua son phénomène. Il ne s’agit pas alors de la « nation » civique et citoyenne mais de la nation qui donne sa forme à l’identité collective de chaque peuple, une identité irréductible à la condition de l’individu citoyen, au statut juridique abstrait de sujet de droit mais condition de son existence[6].

Si dans l’émancipation le citoyen accueillait (sous condition) l’individu juif, la nation israélienne, c’est à dire la référence à une identité collective – celle que l’identité des peuples citoyens rendait incompatible pour les Juifs dans l’ère des nationalismes- permettait au Juif comme peuple de trouver un reposoir. Un seul problème subsistait pour Herzl, qui rendait ce recours problématique, c’est que les Juifs n’avaient pas de territoire, et c’est ce que le sionisme devait se donner pour tâche de lui donner, en s’abreuvant à une donne fondamentale de l’histoire juive: la Terre d’Israël.

La nation identitaire, oubliée par la révolution française, avait pourtant rendu possible son cadre préalable, ce que les Lumières avaient oublié. Le Traité de Westphaie de 1648 avait mis fin à l’ère des empires centraux, en posant les fondements d’une Europe des nations, alignant un pouvoir, un territoire et une seule religion pour chaque Etat, la religion étant celle du Roi ou de l’autorité locale. Le génie de Herzl fut de sortir symboliquement de l’émancipation afin de rendre possible une « auto » émancipation, c’est à dire en vertu d’un principe à la fois hors et dans la modernité mais toujours donc, objectivement, dans la modernité, c’est à dire la déterritorialisation des Juifs. C’est le paradoxe structurel du sionisme politique qui a permis sa réussite mais aussi ses limites.

On remarquera au passage que l’invention herzlienne d’Israël intégrait à nouveau dans la stratégie de survie des Juifs un référent judaïque: l’espérance du retour à Sion et tout ce qui s’ensuit. Le statut juridique seul du citoyen démocratique n’avait pesé en rien dans aucun des scénarii possibles de la modernité. Quand les Juifs furent dépouillés de leur citoyenneté et se retrouvèrent objectivement un peuple, sans même pouvoir le penser, ils n’eurent aucun recours possible, à l’inverse de la puissance que recèle moyau mythique, historique, du judaïsme dans l’issue sioniste. C’est au sionisme qu’il appartînt d’écrire l’histoire, mais ce fut encore partie remise car l’interdit du territoire allait peser désormais aussi sur le territoire du sionisme où se récapitulaient et se recollectaient les deux déterritorialisations subies dans le Vieux monde: celle de l’Europe et celle du monde arabe.

Il n’y avait désormais plus que deux expériences de territorialité en lice: Israël et l’Amérique.

Le problème du sionisme

Nous avons avancé que dans le sionisme, le problème du territoire du Juif se pose à nouveau. Effectivement, Herzl reste dans la logique moderne de l’Emancipation mais aussi la subit sous le jour du rapport des autres aux Juifs-Israéliens. On sait que la question de l’identité du territoire de l’Etat juif s’est posée, dès les origines: une partie du mouvement sioniste, défini comme le courant « territorialiste », a hésité entre différents territoires pour sauver les Juifs, par exemple l’Ouganda, ce que le Mouvement refusa, entérinant l’échec  de l’anonymat territorial (n’importe quel pays) qui réitérait l’anonymat du citoyen émancipé. De même, le courant du « sionisme culturel », qui marquait un recul par rapport à l’Etat, c’est à dire au principe de souveraineté territoriale, ne l’emporta pas.

L’histoire ultérieure du sionisme verra encore cette tendance s’exprimer comme le montrera plus tard l’attitude du général Dayan et du gouvernement concernant le statut Mont du Temple revenu dans le giron du peuple juif lors de la guerre de 1967, et auquel ils renoncèrent pour en remettre les clefs au Waqf ennemi.  Le sionisme n’eut pas à cet instant fatal la force métaphysique de monter sur le Mont du Temple afin d’y asseoir sur le sommet le plus haut d’Eretz Israël la souveraineté d’Israël.

Le même paysage se reproduit avec la division de la société israélienne sur la question de l’avenir de la Judée et de la Samarie auxquelles la gauche laïciste veut renoncer alors qu’une véritable paix obtenue par des remises de territoires ne serait qu’un prélude à une future guerre. La renonciation à la bande Gaza fut le premier acte de cette démission collective qui se traduisit par l’installation d’un pouvoir terroriste qui tient en joue Israël depuis de nombreuses années et qui montre à l’ennemi qu’Israël n’a plus la volonté de le vaincre. C’est vrai aujourd’hui aussi avec la faiblesse de la souveraineté israélienne sur les Arabes de Galilée et les Bédouins du Negev, zones de non droit où circulent quantité d’armes et où prospèrent les réseaux ethnico-mafieux (dont les arabes eux-mêmes sont aussi victimes… Figure de la démission de l’Etat post-Oslo.

Avec le sionisme et dans le sionisme, le problème du territoire du Juif se pose aussi en termes abstraits et juridiques et pas seulement géopolitiques, à propos du lien entre le territoire politique et le statut de citoyen: il y a hésitation face à la contradiction possible entre une appartenance anonyme à l’Etat et à son territoire, et une appartenance fondatrice de l’Etat à Eretz Israël: à l’Etat en premier ou au Territoire? « Etat de tous ses citoyens » ou « Etat juif »?  On retrouve à nouveau la mise en balance du territoire du Juif.

Sur le plan macroscopique, il est évident que la clef décisive du conflit du Moyen Orient tourne autour de l’existence de l’Etat d’Israël ciblé dans sa territorialité. Il est contesté radicalement par les Arabes, non pas tant parce qu’Israël serait supposé dominer une terre arabe, mais plutôt parce que ce sont des Juifs qui l’occupent et enfreignent ainsi un fondement juridique de l’islam concernant Juifs et chrétiens. Ceux-ci ne possèdent en effet dans le droit coranique qu’un permis de séjour sur les terres, leurs terres, que l’invasion arabe s’étaient appropriées, à la condition de rester dans la soumission et la ségrégation spatiale et juridique et de payer une rançon: la taxe du kharadj (rançon foncière)e et la djizya, la capitation, la rançon de l’individu.

Les marques de la volonté de paix d’Israël se mesurent ainsi toujours en retraits de territoires. Sans que jamais ces territoires n’aient appartenus à un Etat palestinien dans l’histoire. Reprenant l’héritage de l’islam en le conjuguant à l’antisémitisme foncier de l’Occident les néo-staliniens ont essentialisé les Palestiniens en les identifiant au lieu même d’Israël, en en faisant un peuple « indigène » (une affirmation fausse pour une grande partie des populations palestiniennes (Arafat et Edward Said sont ainsi des Egyptiens!).  Même si Israël « rend » (??) la Cisjordanie (??), son propre territoire d’avant 1967 restera l’objet d’une revendication. C’est déjà le cas avec les Arabes citoyens israéliens eux-mêmes qui dénient à 80 % de leur concitoyens (!) le droit d’avoir un Etat nation, sans compter la revendication du droit au retour en Israël même de millions de réfugiés (au départ 600 000).

En fait tous ces découpages, ces renoncements successifs à des territoires visent objectivement à faire de l’Etat une peau de chagrin, dont la viabilité serait très douteuse et dont le but clair est d’en chasser le Juif.  Retour à la case départ. Les cessions de territoires dans ce territoire exigu précipiteront l’effondrement de l’Etat ou le réduiront à un Etat sous caution, aux yeux de l’Occident, un camp humanitaire pour réfugiés mais pas un Etat souverain.

La configuration post-moderne et postmoderniste

Le territoire du Juif s’inscrit aujourd’hui dans une configuration générale changeante. Il faut l’esquisser car elle engendre une autre économie de la réalité. Le paysage du monde du lendemain de la deuxième guerre mondiale a disparu. La résurgence des Etats-nations européens au lendemain du totalitarisme, la décolonisation sont derrière nous. Nous sommes maintenant entrés dans l’ère de la globalisation, d’une importance très grande pour nos enjeux. En effet si l’Etat nation, dans ses versions libérale, totalitaire (les « démocraties populaires »), comme postcoloniale, marquait l’après-guerre, le XXI° siècle, du fait de l’évolution technique et de l’impact de l’unification européenne, ébranle la territorialisation du pouvoir qui caractérisait l’époque précédente et influait sur les modalités du territoire du Juif.

Les communications nouvelles induisent une fluidité des frontières et des territoires sans pourtant les abolir car les territoires se reconfigurent à l’international. Ainsi la désindustrialisation- déterritorialisation actuelle en Occident libéral – s’accompagne d’une industrialisation-territorialisation en Extrême Orient. Il ne s’agit que d’une substitution de territoires, des centres et des périphéries. Cette époque est marquée par l’apparition de puissances de type impérial  (Union Européenne, Chine, Russie, Inde, Turquie,) qui ont tendance à marginaliser les territoires de l’Etat nation classique et donc à faire peser une menace d’un genre nouveau sur le territoire du Juif qui se trouve contesté comme Etat nation singulier, à l’identité juive, de la part, certes, des Etats nations arabes ou ce qu’il en reste après les « printemps » arabes qui ont vu revenir le spectre de la oumma islamique de l’époque ottomane et pas de la nation moderne, mais aussi de la part de l’Union Européenne, un facteur d’influence nocive sur l’Etat d’Israël, mais aussi d’une partie des Israéliens et des Juifs américains.

En effet, l’idéologie post moderniste récuse l’identité et prône le neutre, réputé universel. Elle récuse la nation et la différence des sexes et accable la civilisation occidentale que le courant Woke traine dans la boue. Le collectif relève désormais d’une foule anonyme, la « multitude », constituée de toutes les victimes de la terre, opposée aux « Blancs ». Les réseaux sociaux donnent l’illusion de l’abolition des distances, du temps et des territoires. C’est exactement la séduction que le postmodernisme fait peser sur les Juifs américains et les Juifs israéliens à l’instar des démocraties occidentales. Il est dans la logique des choses qu’ils ne soient pas « sionistes » mais autant « postsionistes » qu’antisionistes, c’est à dire que la question du Juif ne leur est même plus visible ni décelable alors que c’est le principe même de réalité qui commande sur un plan mondial la condition du Juif, comme le montre de façon disproportionnée, voire délirante, l’importance prise par la question palestinienne, l’héritage du stalinisme et de l’idéologie de l’URSS. La société tel avivienne du High Tech et la « nation start up » sont très loin de percevoir l’impact du territoire du Juif, du haut de leurs hautes et ambitieuses tours. Et pourtant, à 70 km de là, la vie dépend de quelques mètres pour échapper aux missiles de Gaza. Tel Aviv est un pays à des milliers de km symboliques de Sdérot mais c’est le destin de Sdérot qui commandera celui de Tel Aviv. Pour les milliardaires de la High Tech israélienne il n’y a plus de territoire et plus de… Juif. Ils apprendront à leurs dépens que telle n’est pas la réalité. Mais peut-être seront-ils déjà installés à New York? C’est le « petit peuple » qui sera en souffrance, les Juifs du réel, les Juifs du territoire, du mellah, du ghetto ou de l’extinction distinguée et sournoise.

La récente répartie du ministre des affaires étrangères, Yair Lapid, donne des mots à ce syndrome en assimilant le nouvel antisémitisme/antisionisme à la haine en général[7], c’est à dire en faisant l’impasse sur son caractère central: la condition de peuple des Juifs, poursuivie dans la condition des individus juifs. Bien évidemment, il ne peut rien comprendre au fait que c’est dans la haine de l’Etat d’Israël qu’on hait le Juif aujourd’hui. En somme, il y a là une attitude incapable de percevoir le « territoire du Juif » et la menace qui pèse sur lui.

Dans cette époque ou triomphe le postmodernisme, le fait que le Juif ne doive pas avoir de territoire s’accompagne du fait illusoire que personne n’est plus censé y avoir de territoire et que c’est là le summum de la « démocratie ». Il n’y a plus personne dans cette « démocratie » pour percevoir que c’est l’Occident démocratique qui est visé tandis que le territoire des empires est toujours sur le pied de guerre…

Un récent sondage américain montre l’étendue des dégâts provoqués par l’idéologie du postmodernisme sur le judaïsme américain, une idéologie[8] qui prétend trouver dans la globalisation un impératif moral là où il ne se produit que la décomposition des mœurs et de la politique des  démocraties occidentales, ciblées dans une guerre des civilisations primitive.

Ce sondage est annonciateur du déclin du judaïsme américain, et donc de la fin de l’illusion du territoire sans frontières que fut pour les Juifs l’Amérique en regard d’Israël. La population concernée par ce sondage montre qu’il y a une forte tendance à croire que le Juif peut renoncer à son territoire et jouir de liberté. L’abandon d’Israël ici apparait comme le prix à payer pour les Juifs pour s’adjoindre à la « multitude » (dont la Palestine est de façon stupéfiante (car réactionnaire, intégriste, ségrégative) le porte-drapeau. Ils croient se libérer de l’antisémitisme en vouant Israël aux gémonies.

L’obsession des empires

Mais la question du « territoire du Juif » ne cesse pas de se poser. Il n’est que de voir l’obsession de deux néo-empires, l’Europe et les Etats Unis, qui tentent de contraindre Israël à se soumettre à leur diktat irréaliste. Pourquoi ces deux puissances se sentent-elles investies jusqu’à l’obsession dans le projet de créer un Etat palestinien? Remarquons la nature dissimulée de leur investissement dans cette affaire. Il est sous-tendu par la référence à la mémoire de la Shoah dans le sens où l’Israël qu’elles reconnaissent n’est pas censé être un Etat souverain, mais un petit Israël, le havre des rescapés de la Shoah envers lesquels l’Occident se sent coupable ou moralement responsable autant qu’il l’est vis à vis des… Palestiniens innocents que le génocide européen envers les Juifs a impacté négativement en mordant sur leur supposé territoire. C’est un Etat à vocation humanitaire qu’elle soutient. La doctrine de la « proportionnalité » mise en œuvre par l’Europe au Conseil de sécurité pour brider la réaction israélienne aux attaques terroriste dont il est l’objet montre bien qu’Israël n’a pas le droit à la même légitime défense que tout Etat normal, à commencer par les Européens ou les Américains, mais doit rester dans les limites qui lui sont imposées. De fait, tous les plans de « paix » concoctés par les Occidentaux condamnent Israël à l’insignifiance territoriale et donc politique.

Le mantra de « deux peuples deux Etats » est une catastrophe pour la viabilité d’un Etat juif souverain. C’est une réalité stratégique du fait de l’exiguïté ridicule de ce bout de terrain, et de l’enchevêtrement des populations (comment relier Gaza à la « Cisjordanie »? par un couloir? Un tunnel? En coupant Israël en deux?). Une démission d’Israël sur ces territoires sonnera la première étape de sa disparition, tant sur le plan pratique et géopolitique que sur le plan symbolique. Ce sont les territoires du cœur de l’Israël antique, et c’est ce qui gêne tant les Occidentaux et les musulmans, ce n’est pas leur importance stratégique qui par contre concerne en premier chef Israël. Il faut savoir que là est le terrain d’affrontement de trois religions, parmi lesquelles deux sont les concurrentes du judaïsme, de par leur histoire. C’est avec ces armes qu’il faut affronter les problèmes loin des rêves irresponsables de la gauche dont l’attitude et le comportement des Palestiniens démontre chaque matin l’inanité. Oslo fut un laboratoire, comme Gaza…

Il y a ainsi sur le plan du « territoire du Juif », une distance infinie entre les grattes ciels du High Tech, les établissements et avant-postes en Judée Samarie mais aussi la Galilée, le Negev, Gaza … Ne parlons pas de la nouvelle stratégie de Tsahal qui désormais fait l’économie du terrain dans sa stratégie militaire… C’est quelque chose de peu connu mais la tête pensante de la stratégie de Tsahal pendant des années, notamment dès la fin de la période d’Oslo, fut un homme, Shimon Naveh, qui prétendait s’inspirer des philosophes postmodernistes français, Foucault, Deleuze, Guattari, Lyotard, Paul Viriliio, Giorgio Agamben, le philosophe radical italien, c’est à dire le recours à une pensée qui dénie la réalité et a la naïveté de croire que le monde est une invention (un « narratif ») relativiste, pour penser et enseigner aux officiers la stratégie de Tsahal! Une phrase de Naveh est suffisante à cet égard[9] : « Tu peux qualifier cela de postmoderne, peut être est-ce exact. Dans la modernité l’Etat est le concept absolu et tu vaincs en étant présent (sur le territoire). Là tu agis mais tu es absent. Dès le moment où tu enlèves à ton adversaire la capacité de te donner une forme, tu le déchires. Aviv (Kokhavi, l’actuel chef d’Etat major) a fait avec ça des choses étonnantes ». Tsahal est devenue une armée qui ne veut pas vaincre l’ennemi. La guerre à répétition de Gaza en donne une belle illustration. Les stratèges postmodernistes sont dans les hautes tours de Tel Aviv, mais ceux qui sont présents sur le terrain et comme abandonnés par l’Etat sont les malheureux de Sderot et de la région. Hier, le 23 aout 2021 face aux émeutes et ballons incendiaires de la frontière de Gaza un soldat a été très gravement atteint par un tir quasiment à bout portant. On découvre à cette occasion que la colère publique gronde car les soldats disposés sur la muraille étaient en nombre très insuffisant et avait reçu l’ordre de ne pas tirer! Le premier ministre se trompe alors sur le nom du soldat pour adresser ses condoléances aux parents, ne se dérange pas à l’hôpital pour les visiter. Un scandale journalistique éclate qui met le doigt sur le fait que Tsahal ne défend pas ses soldats mais l’ennemi. On se souvient de l’affaire de la mise en accusation du soldat Elor Azaria, à l’époque du chef d’Etat major Eisencott.

Conclusion

Le concept de « territoire du Juif » pourra être trouvé par certains peu raffiné, voire grossier, mais il touche à un enjeu vital, engageant la vie ou la mort. Sous ce jour-là sa modulation au fil de l’époque contemporaine a connu des tragédies. Le territoire de l’Etat d’Israël s’est avéré de ce point de vue capital pour les Juifs du Vieux monde et sans doute bientôt pour le destin de ceux parmi les Juifs américains resteront juifs, ce que permettra de mesurer leur lien à Israël. Aujourd’hui, c’est le lien à Israël qui décide de la continuité future des Juifs. Mais ce lien à Israël est l’objet d’un enjeu capital dans l’Etat d’Israël: deviendra-t-il un Etat croupion sous la houlette des Occidentaux, sera-t-il détruit par l’Iran, la révolte des Arabes israéliens le détruira-t-elle du dedans? Le Negev et la Galilée échapperont-ils à la Start Up Nation? Le mont du Temple restera-t-il sous la houlette du Waqf, un Etat palestinien se créera-t-il au cœur du territoire d’Eretz Israël? les Juifs devront-ils se battre pour rester en Judée Samarie?

Ce sont bien plus que des territoires qui sont en question mais quelque chose de fondamental. La paix obtenue par la cession de territoires sur un territoire global aussi étriqué est une illusion et une bombe à retardement car inéluctablement toute cessions, toute création d’un Etat supplémentaire en Palestine mandataire déclenchera dans un deuxième temps la fédération de toutes les parties des populations qui se recommandent de la Palestine: les Arabes de Cisjordanie, les Arabes citoyens israéliens, les Arabes citoyens jordaniens sans oublier les Arabes de Gaza et ceux de la supposée « diaspora » palestinienne (où ma condition de « réfugié est héréditaire, comme nulle part au monde.

Soir et matin le territoire se voit interdire aux Juifs, en tant que Juifs. En ce moment même, Aout 2021, l’Autorité palestinienne (qui n’est venue au monde que par la volonté (terriblement défaillante) d’Israël à Oslo) vient d’attaquer Israël devant le Conseil de sécurité, l’accusant de « judaïser et israéliser » les « territoires palestiniens » – dans lesquels elle inclut Jérusalem – « en vue de modifier les réalités historiques, de poursuivre l’épuration ethnique et de déconnecter Jérusalem de son environnement palestinien ». En somme, une religion, née 1900 ans après les débuts du judaïsme, accuse les Juifs d' »occuper » Jérusalem!

Qu’y a-t-il à attendre d’un tel univers? Les foules déliquescentes qui occupent les rues des démocraties occidentales et renversent les statues de (‘histoire occidentale, réclament, elles, non seulement Jérusalem mais tout Israël, le territoire total du Juif. Et en Israël même où la construction de chaque maison en Judée Samarie devient une affaire d’Etat ! L’affaire du quartier de Sheikh Jarakh à Jérusalem est par ailleurs significative car elle concerne en premier les Juifs spoliés d’une dizaine de communautés disparues, des Juifs locaux du Moyen Orient: ils se voient menacés par la rue (et le Hamas de Gaza) de ne pas pouvoir récupérer leurs biens immobiliers malgré une décision de justice qui les confirme: ils avaient été chassés de leurs immeubles par la Légion jordanienne en 1948 et leurs biens occupés par des familles arabes. C’est ce que les Palestiniens appellent le « judaïsation de Jérusalem »! Même cas de figure avec la législation polonaise qui met un terme à la revendication des biens des Juifs polonais exterminés par les Nazis et appropriés par la Pologne d’après-guerre.

Le territoire du Juif n’est toujours pas définitivement assuré. C’est un combat qu’il faut mener avec détermination. Il commande la survie du peuple juif.

[1] Cf. nos deux livres, Politique du peuple juif (François Bourin) et Le nouvel Etat juif (Berg International 2015)

[2] Bien qu’ils ne furent jamais un Etat, un pouvoir autonome; la Jordanie les  avait occupés et annexés en 1948, base à partir de laquelle elle déclara la guerre au nouvel Etat

[3] Je n’emploie pas ce terme de façon polémique mais dans un sens précis. La campagne internationale antisioniste actuelle ne fait que continuer et reprendre celle que l’URSS et ses alliés arabes ont lancé dans les années 1970 (rappelons nous le vote à l’ONU de la résolution Sionisme=racisme de 1975). Sous le signe de l’anti impérialisme et de l’anticolonialisme un « peuple palestinien » fut même inventé en 1964 sous l’égide du KGB et de la Roumanie de Ceaucescu (cf. Ion Pacepa, The Kremlin Legacy)

[4] Cf. notre livre Le nouvel Etat juif  (op. cit.)

[5] Cf notre livre La République et les Juifs, 1982

[6] cf. notre livre Le Nouvel Etat juif, op.cit.

[7] Cf. Menora.info
Cf. S. Trigano La défaillance du monde juif face à l’accusation d’apartheid.
La citation de Yair Lapid, ministre des affaires étrangères, sur son Facebook

« Le temps est venu de raconter la véritable histoire des antisémites. Le temps est venu que nous disions au monde devant quoi nous nous nous tenons. Les antisémites n’étaient pas seulement dans le ghetto de Budapest. Ce sont les trafiquants d’esclaves qui jettent par-dessus bord dans l’océan les esclaves ligotés dans des chaines. Les antisémites, ce sont les fils de la tribu Houtou qui massacrent les membres de la tribu Tutsi. Les antisémites ce sont les extrémistes musulmans qui tuent et qui ont tué dans la dernière décennie plus de 20 millions d’autres musulmans. Les antisémites, ce sont Daesh et Boko haram. Les antisémites, ce sont ceux qui battent à mort les jeunes de la communauté LGBT. Les antisémites, ce sont ceux qui persécutent les gens non pas pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont ou parce qu’ils sont nés quelque part. L’antisémitisme ne désigne pas la haine dans son nom particulier. C’est son nom de famille. Les antisémites, ce sont tous ceux qui sont si pleins de haine qu’ils veulent assassiner, détruire, persécuter, exclure des gens simplement parce qu’ils sont différents d’eux. L’antisémitisme moderne, avec lequel nous nous mesurons, il y en a partout. Pour lutter contre lui, nous devons nous allier, enrôler tous ceux qui pensent qu’il est interdit de persécuter »

[8] Un Juif sur 10 estime qu’Israël n’a pas le droit d’exister, un sur quatre qu’Israël pratique un génocide envers les Palestiniens, un sur trois qu’il pratique un régime d’apartheid, deux sur cinq que le rapport des Israéliens aux Palestiniens souffre du même racisme que celui que subissent les Noirs américains, dix huit pour cent soutiennent le boycott, Cinquant quatre pour cent n’ont jamais visité Isrël, le fossé entre adultes et jeunes générations dans le rapport à Israël est énorme…

[9] cité dans un article « Tête dynamite » de Haaretz (26/08/2015)

 

Shmuel Trigano
Professeur émérite des universités, directeur de Dialogia, fondateur de l'Université populaire du judaïsme et de la revue d'études juives Pardès. Derniers livres parus Le nouvel État juif, Berg international, 2015, L'Odyssée de l'Etre, Hermann Philosophie, 2020; en hébreu HaMedina Hayehudit, Editions Carmel 2020, Haideologia Hashaletet Hahadasha, Hapostmodernizm, Editions Carmel, 2020.

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