La cuisine judéo-tunisienne de Roger et Liliane, nos papi et mamie à tous !

La cuisine judéo-tunisienne de Roger et Liliane, nos papi et mamie à tous !

Gary, le petit-fils des vedettes des réseaux sociaux d’origine judéo-tunisienne, a eu la bonne idée de sceller dans un livre leurs recettes préférées. Un vrai régal !

The Times of Israel

By Sandrine Szwarc 

Gary, comédien et fils du réalisateur Radu Mihaileanu et d’Any née Belhassen, est un petit-fils heureux qui a été bercé par les saveurs, les odeurs, les souvenirs de ses grands-parents. Il a grandi dans la richesse du métissage avec un côté ashkénaze (roumain) et l’autre séfarade (tunisien). Le point commun de cette double origine : l’amour.

Depuis son enfance, pas un jour ne passe pas sans qu’il les contacte. Aujourd’hui, il a choisi de crier son amour à ses grands-parents maternels en leur consacrant un livre. Déguisé en carnet de recettes de cuisine, cet ouvrage est en fait un livre d’histoire, de mémoire et de transmission sur une famille juive tunisienne. En tournant les pages du livre, chacun reconnaîtra ses grands-parents et leurs itinéraires de vie entre la Tunisie et la France dans les personnalités attachantes de Papi Roger et Mamie Liliane. Et l’on comprend mieux son titre et son sous-titre : « La cuisine de Roger et Liliane. Recettes familiales et généreuses à transmettre de génération en génération » (Hachette Cuisine).

Comme l’a confié l’auteur au Times of Israël : « J’avais terriblement peur que le goût de mon enfance s’en aille. Avec mes grands-parents, on aurait pu prendre un carnet pour consigner les recettes, mais j’ai préféré raconter leur vie dans un ouvrage pour ancrer leur souvenir et sa saveur afin que d’autres petits-enfants puissent en profiter. »

Il lui a ainsi demandé une année pour réaliser l’ouvrage. Un challenge car, consciemment ou inconsciemment, la malicieuse Mamie Liliane lui a donné du fil à retordre. Gary nous explique qu’il avait « du mal à obtenir les recettes complètes. J’ai imaginé que c’était volontaire. En ne donnant pas la recette exacte, ma grand-mère m’obligeait à revenir. Tout était calculé pour créer ce lien. Par exemple, on prenait une recette, on en parlait et elle changeait la recette. Elle donnait bien plus tard un ingrédient qui manquait. Tout cela a encore laissé ma magie intérieure s’animait. »

Autre difficulté, le « pifomètre » car Mamie Liliane ne compte pas, ne mesure pas, ne pèse pas, et en tant que cuisinière chevronnée, elle s’adapte ! Gary confie que c’était un jeu de piste de retrouver la
recette : « J’ai fini par trouver de petites astuces pour que nous parlions le même langage : ‘La cuisson est longue comme un épisode des Feux de l’amour ou comme la météo du journal de 20 heures ?’ Et petit à petit, les recettes ont pris forme… »

Pour Liliane, la cuisine est avant tout une façon de tisser du lien et de faire plaisir. Combien de discussions animées, d’éclats de rire, de complicité et d’exaspération aussi ont été entendus dans la cuisine de leur appartement du IXe arrondissement de Paris qu’ils occupent depuis leur arrivée dans la capitale !

Et puis au-delà des recettes de la cuisine traditionnelle judéo-tunisienne, on découvre le récit de la vie de nos stars du net. Roger Belhassen est né le 1er janvier 1930 à Tunis. Ses parents, Léon et Emma, habitent avenue Marcelin-Berthelot, non loin de la célèbre pâtisserie François Paparone. Son père est peintre en bâtiment et sa mère reste au foyer. Après l’obtention de son certificat d’études, Roger commence à travailler dans la marbrerie, d’abord au sein de la société Jules Haddad. Il évoluera tout au long de sa carrière professionnelle dans ce domaine.

Quant à Liliane, elle naît dans le foyer de Rachel et Joseph Berrebi le 5 mars 1934 à « Tunis même » également – utilisant une expression bien connue des Juifs tunisiens vivant dans la capitale ! Ses parents tiennent une petite boutique de chaussures située 57 souk El Grana. Dès l’âge de 13 ans, l’adolescente doit préparer les repas pour toute la famille composée de huit frères et sœurs. Et si elle rêve d’être sage-femme, elle trouve finalement un emploi de préparatrice dans la pharmacie de M. Faldini. Lors d’une réunion de famille, un ami d’un cousin est présent. Il s’agit de Roger. C’est le coup de foudre pour Liliane qui a tout juste 18 ans. Il l’a courtise pendant plusieurs mois grâce à son humour légendaire. Liliane mord à l’hameçon. Ils se marient et ne se quitteront plus. Aujourd’hui, ils vont bien et sont encore très amoureux comme au premier jour. L’amour, l’humour et la générosité les caractérisent. Comme leurs recettes de cuisine.

Le livre comprend des récits de vie, des photographies anciennes et récentes, un lexique de mots judéo-arabes, des histoires drôles de Papi Roger et, bien sûr, des recettes de cuisine. Il y a même en annexe des idées de menus avec entrée, plat, dessert et boisson conseillés. Les recettes sont présentées avec clarté, accompagnées d’illustrations. On sera étonné par la simplicité de leur présentation qui rend facile leur réalisation.

Bien sûr, la première recette est celle de la brick à l’œuf, un classique, et on découvrira aussi celles de la pkeïla, des banatages, du makoud, des fricassés, mkatef, shakshouka, couscous-boulettes (la madeleine de Gary) et ragoûts, boulou, bouskoutou et même la citronnade de Liliane, etc.

Au total, près de 70 recettes qui nous font saliver. Dont de la cuisine yiddish comme les kneidlers ou les schnitzels par exemple. Comment Liliane a-t-elle eu l’idée de confectionner ses plats qui viennent d’ailleurs ? Gary nous explique que sa grand-mère est très active et qu’elle adore jouer au bridge : « Avec ses copines de bridge, des recettes s’échangent… » Tout elle !

L’ouvrage est préfacé par l’humoriste juif tunisien aussi Michel Boujenah qui verbalise ce que pense le lecteur : « La cuisine de Mamie Liliane, ce n’est pas une simple cuisine, c’est la cuisine de toutes nos grands-mères. D’ailleurs, si Proust avait goûté un bomboloni, il aurait jeté sa madeleine ! »

Au contact de sa grand-mère, Gary Mihaileanu est devenu un bon cuisinier. Tous ses plats, il les confectionne avec son cœur. « C’est avec la nourriture que Mamie Liliane m’a toujours dit : Je t’aime. Mon grand-père le formule plus facilement avec des mots. Ce livre est comme une preuve d’amour que je leur envoie ». Il ajoute toujours pour le Times of Israël : « Les recettes, c’est ce qui reste. Toutes les fêtes juives se passent autour d’un repas. Chaque plat raconte une fête du calendrier et il y a des discussions. »

Les traditions culinaires sont un héritage qui se transmet de génération en génération. La cuisine est le miroir des traditions. Plurielle, la cuisine un élément à part entière du patrimoine juif, au même titre que la musique ou l’art. Et en même temps, chacun possède ses recettes d’un même plat avec ses propres parfums, ses saveurs et ses ambiances qu’on ne cesse de vouloir recréer. C’est un patrimoine, un art de faire — transmis de grand-mère en petite-fille et petits-fils.

Aujourd’hui, loin des pays dont sont originaires nos grands-parents, la valeur symbolique, rituelle et traditionnelle de la cuisine juive est loin d’avoir disparu. On pourrait même dire que c’est un élément fondateur de l’identité du judaïsme. « On est ce que l’on mange » dit un dicton yiddish. La cuisine nous donne un sentiment collectif d’appartenance, en préparant, en cuisant, en nous alimentant, nous transmettons un patrimoine.

Peuple de l’exil, les Juifs ont construit dans leurs pérégrinations une identité juive indéfectible passant non seulement par la pratique religieuse, mais aussi par la langue, les chants et bien évidemment les habitudes culinaires. Les cuisines juives ont été élaborées avec les aliments disponibles sur les lieux d’accueil du peuple juif. Selon les aires géographiques où se sont trouvés les Juifs, les traditions culinaires n’ont rien en commun.

C’est ainsi que les plats traditionnels judéo-tunisiens comme les ragoûts en sauce (de type pkaïla, nikitouche, mloukhiya, gnaouia, pssal ouh loubia, etc.) sont devenus des classiques de Shabbat et des fêtes appréciés quelles que soient les origines en monde juif.

Dans cet ouvrage pensé en famille, la vie est redonnée au patrimoine culinaire juif. Et les illustrations font saliver. Si certains plats photographiés sont loin des canons habituels stylisés dans les livres de recettes actuelles, avec intelligence, émotion et simplicité, Gary réussit à les rendre beaux. Pas facile de rendre esthétique une pkaila ou une mloukhia ! Et pourtant avec sa casquette de comédien qui adore observer pour créer la vie, il réussit à reproduire une vie ancestrale dans ces clichés de mets.

L’émotion est palpable.

L’amour pourrait être l’ingrédient principal et commun à toutes les recettes qui nous sont offertes par Liliane et parfois mises en scène par Roger.

Comment ont-ils réagi en découvrant « leur » livre une fois publié ? Avec beaucoup de fierté, nous confie Gary même si malgré l’exubérance qui fait la légende des juifs originaires de Tunisie, une grande pudeur existe.

Avant que Liliane enchaîne, sans doute pour masquer son
émotion : « Tiens mange du boulou et prends une citronnade ! ». Gary ne nous cache pas que souvent les larmes lui sont montées aux yeux en écrivant.

D’ailleurs, comme pour les lecteurs qui voient vivre leurs grands-parents devant leurs yeux à la lecture des pages… Une bonne idée se trouve à la fin de l’ouvrage : une double page de questions-réponses à poser à ses grands-parents et une autre pour inscrire des recettes familiales. Ces ajouts resteront comme une manière de personnaliser et de s’approprier encore davantage son exemplaire avant de le transmettre.

Des QR-codes à flasher figurent dans le livre pour accéder aux vidéos hilarantes de Roger et Liliane qui font leur gloire sur la toile. Le livre a encore rapproché davantage Gary, Roger et Liliane qui ont des projets à réaliser ensemble. Chut, on nous confie qu’un documentaire est en préparation où l’on pourra les suivre à la trace à Tunis au milieu des saveurs de leur enfance…

Pour conclure, l’auteur nous résume : « Ce livre est une invitation au voyage, un voyage à la fois intérieur et en même temps chez le peuple judéo-tunisien qui vibre avec ses papilles et surtout son cœur ». Une vraie réussite et gageons qu’il sera un succès de librairie comme les vidéos de Roger et Liliane sur le net qui n’ont pas fini de nous faire rire.

Gary Mihaileanu, La cuisine de Roger et Liliane, Hachette Cuisine, 24,95 euros.

La cuisine de Roger et Liliane de Gary Mihaileanu, photographies d’Annabelle Schachmes, stylisme de Mélanie Martin, chez Hachette Cuisine. (Crédit : DR/Gary Mihaileanu)

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