Le russocentrisme de Poutine, par David Bensoussan

Le russocentrisme de Poutine, par David Bensoussan

L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec

Les évènements récents en Ukraine nous questionnent : comment le président Poutine a-t-il pu se laisser embarquer dans pareille aventure? Pourquoi l’Ukraine était-elle essentielle à ses dessins ?

Petit-fils du cuisinier de Staline, Poutine est un politicien cynique qui a fait carrière dans les services secrets du KGB. Ces derniers ont excellé dans les domaines des simulations, des subterfuges et des escobarderies et il est possible qu’il ait naturellement appliqué certaines de ces méthodes en tant que chef d’État en intervenant sournoisement dans les réseaux sociaux et les élections des pays démocratiques. Son entourage proche est constitué d’anciens collègues du KGB.  
Il est fort possible que le président Boris Eltsine ait coopté Vladimir Poutine dans l’administration présidentielle, car il préférait avoir le KGB de son côté pour ne pas en subir la malfaisance. Poutine lui a succédé et s’est assuré de pouvoir rester en poste jusqu’en 2036.

Marche arrière de la Russie vers la superpuissance passée.

Durant l’ère soviétique, Moscou contrôlait une population de 292 millions d’âmes et un territoire de 22,8 millions de kilomètres carrés. La Russie d’aujourd’hui  compte près de 50% de cette population et de 75% de ce territoire. Ces pourcentages sont bien plus bas si nous prenons en considération que Moscou contrôlait de facto les pays de l’Europe de l’Est qui étaient membres du pacte de Varsovie.

Pour Poutine, la Russie détient un niveau culturel et scientifique de premier ordre. Ses ressources naturelles sont considérables. Sa main-d’œuvre est hautement technicisée. La Russie doit cependant rattraper un certain retard dans la fabrication de semiconducteurs opérant à de très hautes vitesses.  

L’invasion russe en Ukraine vise avant tout à limiter la puissance mondiale unipolaire représentée par les États-Unis et remettre la Russie au rang de superpuissance. L’intervention américaine contre l’Irak a déséquilibré la Russie qui était alors en restructuration après l’éclatement de l’Union soviétique. La Russie a perdu le monopole du gros client qu’était l’Irak ; l’Égypte a joué la carte américaine depuis la fin de la guerre de Kippour ; l’intervention de l’OTAN en Libye s’est terminée en queue de poisson et la Russie a perdu des milliards de vente d’armes annuelles au régime de Kadhafi.

C’est la raison pour laquelle Poutine s’est accroché à la Syrie  et y a installé des bases militaires en 2015. Il a littéralement sauvé la peau du dictateur syrien durant la guerre civile dans son pays.

Dans ses interventions militaires, l’armée russe n’a jamais fait usage de gants blancs. L’image de la guerre qu’ont connue les généraux russes est celle de la Seconde Guerre mondiale, sans prendre en considération toutefois qu’à l’ère du village global, pratiquement rien ne peut échapper aux yeux du grand public.

Sur le front intérieur

Poutine agit en dictateur et la manière forte est respectée dans son pays.  Les dissidents russes ont été matés. Les ONG défendant les droits de la personne (Memorial) ont été interdites et les radios indépendantes ont mis les pieds sous la porte en raison des législations sévères concernant de prétendues Fake news.
Or, les séquelles du communisme n’ont pas été éliminées. La corruption n’a fait que changer ou permuter des complices qui tiennent à faire de leurs privilèges une chasse gardée.  Cela peut expliquer l’économie russe qui n’est pas à la hauteur de sa puissance industrielle et de sa main-d’œuvre très qualifiée. Il semblerait aussi que la corruption ait atteint les instances militaires si on s’en remet aux déficiences des équipements russes durant l’invasion de l’Ukraine.

Mis à part une partie de la population occidentalisée de Saint-Pétersbourg et de Moscou, la propagande russe réussit à convaincre une grande partie de la population que la Russie est encerclée et que l’Occident cherche par tous les moyens à l’affaiblir par des sanctions économiques et la rendre à un rang de pays subalterne. Poutine fait appel à la mystique de patriotisme et de grandeur de la Russie, et continue de cultiver le souvenir des sacrifices et de l’héroïsme de la Seconde mondiale.

De l’importance de l’Ukraine.

L’Ukraine est peuplée de 40 millions de Slaves, tout comme la majorité de la Russie. La natalité est des plus basses en Russie. La population musulmane de plus de 20 millions est croissante et des millions de Chinois viennent travailler chaque année en Sibérie.

L’Ukraine se place parmi les 5 pays les plus nantis en réserves de minerai d’uranium, de titane, de manganèse et de mercure et sa surface arable en fait un des grands producteurs mondiaux de blé et d’orge.

Au-delà des raisons démographiques et économiques, l’Ukraine a une situation stratégique de choix. L’ancien secrétaire d’État américain Brezinski répétait : « sans l’Ukraine, la Russie ne peut être une superpuissance. » Après la désagrégation de l’Union soviétique, les partis prorusses et prooccidentaux ont tour à tour pris le pouvoir en Ukraine avant que la révolution orange ne campe fermement ce pays dans le giron occidental.

Cela est allé à l’encontre de l’ambition européenne de Poutine qui se heurte à la réalité voulant que russophone ne soit pas synonyme de russophile.

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