Donner du sens à la guerre entre Israël et le Hamas

Donner du sens à la guerre entre Israël et le Hamas

par Daniel Pipes

 

La transcription qui suit, légèrement adaptée, comprend les remarques introductives de Daniel Pipes, suivies d'un échange de questions et réponses.

C'est un grand plaisir d'être de retour sur le podcast du Middle East Forum dont j'ai lancé la série il y a près de quatre ans, en mars 2020. C'est la première fois que je reviens en tant que conférencier solo.

Je viens de terminer l'écriture d'un livre sur le conflit israélo-palestinien, raison pour laquelle je regarde avec un intérêt particulier les événements en cours depuis le 7 octobre. Je souhaiterais aborder cinq sujets que je trouve quelque peu intrigants et que je vais tenter d'éclaircir. Je vais en parcourir quatre assez rapidement et m'attarder un peu sur le dernier.

Premier point : qu'est-ce qui ne va pas avec l'armée israélienne, et plus généralement, avec son système de sécurité ? Comment a-t-elle pu permettre qu'une chose telle que le 7 octobre se produise ? Réponse : l'appareil de sécurité sioniste puis israélien – l'armée, les services de renseignement, les forces de l'ordre – a connu un déclin précipité au cours du dernier demi-siècle. Les sionistes ont été très intelligents et très doués alors qu'ils avaient peu de moyens. Quant aux Israéliens, ils ont remporté une guerre d'indépendance extraordinaire en 1948-49, puis une victoire en 1967 qui fut probablement la plus disproportionnée de l'histoire moderne.

Depuis lors, soit il y a plus d'un demi-siècle, ils ont décliné. C'est bien connu, en 1973, ils n'ont pas vu ce qui venait de Syrie et d'Égypte. D'autres problèmes terribles ont suivi. En 1993, ont été signés les Accords d'Oslo qui n'avaient aucun sens puisqu'ils ont fait de l'ennemi le plus violent et le plus véhément d'Israël son voisin quasi souverain. En 2005, le retrait de Gaza a permis à l'ennemi de s'en emparer. L'appareil sécuritaire israélien n'est plus ce qu'il était. Ainsi, 2023 n'est pas un choc aussi important que ceux de 1973, 1993 et 2005. Cet appareil a besoin d'un véritable coup de fouet, comme celui qu'il vient de recevoir, pour reconnaître la gravité de ses problèmes.

Deuxièmement, alors que les Israéliens ont réagi face à l'attaque du 7 octobre en parlant beaucoup de victoire, un discours que je trouvais agréable à entendre, ils sont rapidement revenus à une approche de non-victoire. On voit depuis trois mois ce retour en arrière. Ainsi, quoiqu'on ait, rétrospectivement, considéré que les travailleurs de Gaza étaient des espions, les Israéliens ont immédiatement autorisé l'entrée de quelque 6.000 travailleurs de Cisjordanie – qui pourraient sans doute également être des espions. Le gouvernement israélien a décidé d'envoyer de l'argent à l'Autorité palestinienne. Il a apaisé le Qatar en tant que médiateur. Il a fourni Gaza en carburant et en eau. Il a ignoré la menace des constructions en Cisjordanie. Il est question de permettre aux dirigeants du Hamas de fuir Gaza et de s'installer ailleurs, peut-être au Qatar ou en Turquie. Sur le plan électoral, on a constaté une augmentation du soutien non pas en faveur de ceux qui ont l'intention de mettre fin à la présence du Hamas, mais en faveur de ceux qui sont plus modérés et moins déterminés à la victoire.

Par conséquent, je ne vois pas de changement fondamental. Aux États-Unis après le 11 septembre, « tout a changé ». C'est ce qu'on a entendu en Israël après le 7 octobre. Mais je ne pense pas que tout ait changé.

Troisième point, les réponses au 7 octobre sont doubles. Partout dans le monde, des États-Unis et de l'Arabie Saoudite à l'Inde et au-delà, l'establishment a favorisé Israël tandis que les islamistes et les gauchistes ont favorisé le Hamas. On n'y a pas prêté beaucoup d'attention, mais la Chambre des représentants des États-Unis a voté par 412 voix contre 10 en faveur d'Israël, dans une résolution très forte juste après le massacre. Le Sénat a voté par cent contre zéro. Joe Biden a fait une déclaration très forte. Des personnalités libérales comme John Fetterman, sénateur de Pennsylvanie, se sont prononcées très fermement en faveur d'Israël. De nombreux dirigeants européens se sont rendus en Israël, en signe de solidarité.

Mais ensuite, au fil du temps, la sympathie pour Israël s'est érodée et celle pour le Hamas a augmenté. Il y a un malaise profond à l'idée qu'Israël fasse à peu près ce que les États-Unis et ses alliés ont fait contre l'EI à savoir, intervenir et éliminer l'ennemi. Les Israéliens perdent constamment du soutien.

Quatrième point : le Hamas a une logique sans pareille. Je ne connais aucun exemple historique comparable. Le Hamas recherche la mort et la destruction. Sur le champ de bataille, il ne cherche pas à gagner mais à perdre. Il cherche à ce que les gens qu'il gouverne soient blessés, bombardés, sans abri, affamés, tués. Il utilise les Gazaouis comme chair à canon mais pas le type habituel de chair à canon qui va attaquer l'ennemi. C'est de la chair à canon qui souffre.

Vous pouvez voir à quel point le Hamas est différent du Hezbollah au Liban ou de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, qui sont tous deux beaucoup plus conventionnels. Ces derniers évaluent, regardent, créent des ennuis, rusent et ne veulent pas se faire écraser. En 2006, le Hezbollah a tué trois Israéliens et en a capturé deux autres, ce qui a conduit à une guerre totale. Juste après cette guerre, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré : « S'il y avait ne serait-ce qu'un pour cent de risque que l'opération de capture du 11 juillet ait conduit à une guerre comme celle qui s'est produite, l'aurais-je fait ? je dirais non, absolument pas. »

Il pensait qu'il était entendu qu'il fallait laisser les choses mijoter, ce qui est en fait le cas actuellement. Quelque chose est en train de mijoter entre le Hezbollah et Israël. Le Hezbollah veille à ne pas provoquer, à ne pas voir les F-35 hurler au-dessus du Liban et bombarder des cibles. Le Hamas, lui, ne prend pas de précaution car ce qu'il veut, c'est la mort et la destruction.

La Cisjordanie sous l'Autorité palestinienne est bien plus prudente que le Hamas. Mahmoud Abbas s'adonne à la ruse. Il travaille avec les Israéliens ici, il les assassine là-bas, mais il est prudent. Il ne veut pas être bombardé. Il ne veut pas être renversé. Il ne veut pas être martelé comme le fait le Hamas.

Le Hamas est unique dans cette logique de perdre pour s'attirer la sympathie de ses alliés, notamment des islamistes du monde entier et de la gauche en général, de la gauche dure en particulier. Et dans une certaine mesure, ça fonctionne. Comme je viens de le mentionner, le soutien à Israël s'est érodé au cours des trois derniers mois.

Mon dernier point est d'essayer de comprendre les alliés du Hamas. Ils se sont engagés dans une campagne difficile à comprendre qui est extrêmement agressive et apparemment contre-productive. Ainsi, des militants pro-Hamas aux États-Unis ont perturbé des défilés comme celui de Thanksgiving à New York et la Rose Bowl Parade à Pasadena. Ils ont perturbé le trafic sur les principales routes menant à des aéroports tels que LAX et JFK. Ils ont paralysé Manhattan un lundi matin en bloquant des ponts et un tunnel et ont ainsi créé le chaos. Ils s'en sont pris à des cérémonies chrétiennes, notamment un événement de chants de Noël visant à collecter des fonds pour les aveugles à Melbourne, en Australie, ainsi qu'une fête de Noël pour les militants démocrates à Detroit. Ils s'en sont également pris à l'armée américaine. Ils créent des problèmes sur des bases de la Force aérienne. Ils ont donné une sérénade à Lloyd Austin, le secrétaire américain à la Défense, avec d'horribles chansons devant chez lui le matin de Noël. Ils se sont rendus odieux.

À un autre niveau, les Houthis font de même en mer Rouge où ils se rendent odieux. Ils n'ont pas grand-chose à gagner à interrompre le commerce mondial. Ils ne gagnent rien à forcer les navires à contourner l'Afrique plutôt que de passer par le canal de Suez. Cela semble gratuit. Par ailleurs, les milices soutenues par l'Iran en Syrie et en Irak ont attaqué les forces américaines plus d'une centaine de fois au cours des cent jours écoulés depuis le 7 octobre, soit plus d'une fois par jour.

Dans ces circonstances, entre pitreries en Occident et attaques meurtrières au Moyen-Orient, que se passe-t-il ? Ces actions hostiles relèvent-elles de la simple complaisance ou font-elles partie d'une stratégie bien pensée ?

Les alliés du Hamas ne cherchent manifestement pas à se faire de nouveaux amis. Au contraire, ils imitent la tactique du martyre employée par le Hamas pour gagner le soutien des islamistes et des gauchistes. Alors que les djihadistes recherchent généralement des victoires sur le champ de bataille, le Hamas déclenche sciemment des guerres contre un ennemi plus puissant afin d'être vaincu et de pouvoir ainsi revendiquer le statut de victime. La destruction et la mort renforcent son attrait. Il gagne sur le plan politique en réalisant de mauvais résultats sur le plan militaire.

Dans le même esprit, les groupes occidentaux et moyen-orientaux aspirent également à gagner de la sympathie et du soutien en devenant des martyrs. Fêtes de Noël, défilés de football, circulation à New York et Maison Blanche : ils poussent la police à arrêter voire à tabasser des manifestants. Les attaques contre le transport maritime mondial et les attaques contre les forces américaines provoquent une riposte américaine.

Par conséquent, le massacre d'Israéliens, la perturbation du commerce mondial et l'entrave à la circulation des automobilistes américains ne sont pas l'objectif principal mais un moyen d'appâter les militaires israéliens et américains et d'obtenir un nouveau soutien pour le Hamas et ses partisans. Toutefois, c'est très risqué pour eux. Le massacre du 7 octobre met en péril l'existence du Hamas et d'autres organisations prennent des risques similaires.
Questions – Réponses

Q : La solution à deux États est-elle pour ainsi dire morte ? A-t-elle toujours été un fantasme occidental ?

R : Je ne pense pas qu'elle soit morte. Il s'agit en effet d'un fantasme étant donné que l'Autorité palestinienne et tous les autres groupes palestiniens cherchent à détruire Israël. Toutefois si un jour la victoire d'Israël et la défaite des Palestiniens deviennent réalité et si les Palestiniens abandonnent leurs objectifs de rejet, alors oui, il pourra y avoir deux États. Ce n'est donc pas possible dans un avenir proche, mais dans l'absolu, c'est une possibilité envisageable.

Q : Les objectifs israéliens de la guerre contre le Hamas sont-ils réalistes à la lumière de la politique mondiale et de l'idéologie du Hamas bien ancrée à Gaza ?

R : Dès le début, nous avons tous appelé à la destruction, à l'élimination du Hamas, moi y compris. À présent, cent jours plus tard, la signification exacte de cet objectif est un peu floue. Pour ma part, je pense que cela signifie (1) la fin du contrôle du Hamas sur Gaza et (2) la réduction, voire l'élimination de son financement par les États. Ses idées continueront, mais l'organisation n'en aura pas besoin. Donc non, je ne pense pas que ce soit un objectif irréaliste. C'est réaliste et les Israéliens sont déterminés. Le Premier ministre Netanyahou a prononcé un discours il y a à peine deux jours dans lequel il a déclaré : « Nous sommes sur le chemin de la victoire et nous ne nous arrêterons pas tant que nous n'aurons pas remporté la victoire. » Ils semblent déterminés. Tant mieux pour eux.

Q : Compte tenu de la situation géopolitique, Israël peut-il vraiment s'extraire de la vassalité des États-Unis ?

R : La vassalité est un terme fort. Les États-Unis sont une grande puissance, la grande puissance, alors qu'Israël est un petit pays : 330 millions d'un côté contre 10 millions de l'autre. Israël ne peut pas construire ses propres avions de combat, ses propres navires de guerre, etc. Israël a besoin d'alliés, et en particulier des États-Unis mais il y a des marchandages. Les Israéliens peuvent négocier non seulement pour de l'argent mais aussi pour obtenir des appuis. Les Israéliens ont des alternatives vers lesquelles ils peuvent se tourner. Les États-Unis ont besoin d'Israël. Israël n'est pas le seul à avoir besoin des États-Unis. Le Moyen-Orient est au centre du monde et est extrêmement volatile. Dans cette région, il n'existe aucun autre pays qui partage nos valeurs et avec lequel nous entretenons une alliance stratégique. La Turquie le fut par le passé mais ce n'est plus le cas depuis ces 20 dernières années. Israël est donc seul au Moyen-Orient. Je ne vois pas de vassalité. Ce sont des tensions inhérentes à une alliance entre une grande puissance et une petite puissance.

Q : Que faudra-t-il pour que les États-Unis exigent la capitulation du Hamas plutôt qu'un cessez-le-feu ?

R : Les États-Unis sont devenus un allié militaire actif d'Israël, cela va sans dire. Les États-Unis ont, ces derniers jours, tué un certain nombre de Houthis et attaqué plusieurs installations houthistes au Yémen. Ces faits n'ont pas été présentés comme une chose utile à Israël mais plutôt comme une mesure favorable à la liberté de navigation. Or en réalité, les États-Unis et Israël sont du même côté et leur alliance s'est renforcée. En octobre également, un navire américain a abattu des missiles allant du Yémen vers Israël, ce qui ne s'était jamais produit auparavant. Ainsi, les choses changent, et même s'il y a une réticence des deux côtés, israélien et américain, compte tenu de ce que je viens de dire, la nouvelle réalité existe.

Q : Vous avez évoqué l'opposition entre l'appareil sécuritaire d'une part et le soutien des islamistes et de la gauche au Hamas d'autre part. L'appareil sécuritaire peut-il rester fort aux côtés d'Israël ou cédera-t-il aux pressions des islamistes et de la gauche ?

R : Il y a essentiellement trois groupes. La cohorte anti-israélienne (d'ailleurs, je n'utilise pas le mot propalestinien car ils ne sont pas du tout propalestiniens mais bien anti-israéliens) qui est avant tout islamiste et de gauche, comme Jeremy Corbyn qui s'est joint à l'Afrique du Sud dans ses démarches contre Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ). Ensuite, il y a ceux qui soutiennent Israël de manière ferme et inébranlable. Enfin, il y a ceux du milieu qui se sentent sous pression. Joe Biden en est un parfait exemple. D'instinct, il est favorable à Israël mais nombreux sont ceux qui, au sein du Parti démocrate, sont hostiles à Israël. Par conséquent, il essaie de jouer sur les deux tableaux, essayant de plaire aux deux côtés. Les missions diplomatiques d'Antony Blinken reflètent cette position confuse.

On ne sait pas exactement où ce groupe intermédiaire, qui comprend de nombreux gouvernements occidentaux, finira par se poser. Même si jusqu'à présent, il s'est essentiellement tenu aux côtés d'Israël en fournissant des armes et, en réalité, en se rangeant du côté militaire d'Israël, il a vacillé et n'est plus là où il était il y a trois mois. Néanmoins, il est toujours là et, selon moi, les faits indiquent que ce groupe intermédiaire restera fidèle à Israël.

Q : Compte tenu de ce que nous savons désormais sur la portée, l'étendue et la sophistication des systèmes de villes souterraines et de tunnels à Gaza, comment tout cela aurait-il pu être mis sur pied à l'insu des renseignements israéliens ?

R : Les Israéliens connaissaient l'existence des tunnels qu'ils appelaient le métro. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que le Hamas était prêt à mener une attaque comme celle du 7 octobre. Ils avaient l'impression que le Hamas s'installait et devenait davantage une autorité gouvernementale débarrassée de son zèle révolutionnaire. Le Hamas a joué sur cette croyance et l'a nourrie. Les Israéliens étaient aveugles face à ce qui se présentait à eux. Comme l'indiquent de nombreux rapports sur les Israéliens dans l'armée, ils ont vu la réalité mais le haut commandement était aveugle face à cette réalité. C'était un problème conceptuel, pas un problème de renseignement. Cela ressemble au problème conceptuel auquel les Israéliens ont été confrontés en 1973, lorsqu'ils pensaient qu'Anouar el-Sadate n'attaquerait pas tant qu'il ne disposerait pas d'avions plus performants. C'est ce qu'ils pensaient et donc, ils n'ont pas vu ce qui allait arriver aveuglés par ce concept appelé en hébreu conceptzia. Ils avaient une conceptzia à l'époque, et ils en ont une aujourd'hui.

Q : La CIJ semble être en principe anti-israélienne. Comment Israël devrait-il réagir, indépendamment de la décision de la CIJ ?

R : Les Israéliens font ce qu'il faut, c'est-à-dire faire valoir leur cause par quelqu'un jouissant d'une bonne réputation internationale. Ils pourraient bien perdre mais je ne sais pas quelles en seront les conséquences. Encore une fois, il y a trois groupes : ceux qui soutiennent Israël, ceux qui s'y opposent et ceux du milieu qui n'en sont pas tout à fait sûrs. Toute l'attention est concentrée sur le dernier groupe. Sera-t-il influencé par la CIJ ? Sera-t-il influencé par la couverture médiatique ? Au fil du temps, le segment situé entre les factions pro et anti-israéliennes diminue. De plus en plus de gens, surtout au cours des trois derniers mois, ont choisi leur camp et savent ce qu'ils pensent. Mon opinion, par exemple, ne sera pas modifiée par le verdict de la CIJ, et la vôtre non plus, probablement. Le nombre de personnes dont les opinions seront affectées par le verdict de la CIJ n'est probablement pas si grand.

Q : Si la CIJ se prononce contre Israël, est-il envisageable que tous les responsables, les ministres, et même le Premier ministre, soient arrêtés lorsqu'ils voyageront à l'étranger ?

R : Je ne suis pas du genre à vous parler des subtilités juridiques mais un verdict de la CIJ contre Israël pourrait compliquer la vie des Israéliens dans les pays qui reconnaissent ce verdict. Vraisemblablement, les Israéliens savent de quels pays il s'agit et, probablement, ce sont des pays dans lesquels ils ne voudraient de toute façon pas se rendre.

Q : Et où est la Chine dans tout ça ?

R : La Chine entretient de très bonnes relations avec Israël depuis des décennies, mais celles-ci se sont sérieusement détériorées. TikTok, le réseau social chinois, est farouchement antisémite et le gouvernement chinois se range de plus en plus du côté des forces anti-israéliennes, en particulier de l'Iran. La Chine sort de la zone neutre et devient hostile. Et c'est tout à fait logique : les États-Unis sont proches d'Israël, donc la Chine n'aime pas Israël.

Q : Comment Israël ramène-t-il vivantes les personnes qui ont été kidnappées chez elles ?

R : Je minimiserais l'importance des otages et ne les placerais pas au centre de l'attention du public. Je me concentrerais plutôt sur la victoire. Le moyen de les ramener vivants ne passe certainement pas par des rubans jaunes et des photographies des disparus, ce qui constitue une énorme erreur. Il serait judicieux de laisser ce sujet de côté et de dire aux familles d'otages : « Nous pensons beaucoup à vos proches. Nous faisons tout ce que nous pouvons. Nous n'y parviendrons pas en négociant avec le Qatar et le Hamas. Nous allons donc le faire en remportant la victoire. »

Q : Selon vous, comment la confrontation entre Israël et le Hezbollah va-t-elle évoluer ?

R : Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Hezbollah joue le jeu dont il connaît les règles, tout comme Israël. En 2006, les Israéliens ont enfreint les règles du jeu mais il est peu probable qu'ils en fassent autant désormais étant donné qu'ils se concentrent sur Gaza. Le Hezbollah, qui ne veut pas se faire écraser, voit que les Israéliens sont en colère. Par conséquent je m'attends à ce que les hostilités de faible intensité des trois derniers mois se poursuivent et je serais surpris que cela dégénère en une guerre totale comme celle qui s'est produite en 2006 ou celle actuellement en cours à Gaza.

Q : Que faut-il pour permettre aux Israéliens du nord du pays de rentrer chez eux ?

R : C'est un gros problème car les actes hostiles du Hezbollah ont perturbé leur vie et contraint des centaines de milliers d'Israéliens à s'éloigner de la frontière nord avec le Liban. Les Israéliens doivent parvenir à un de ces accords implicites avec le Hezbollah. Ils le font en faisant clairement comprendre au Hezbollah que la situation actuelle est inacceptable et qu'elle ne peut pas continuer. Le Hezbollah reconnaîtrait qu'il ne peut pas éloigner indéfiniment autant d'Israéliens de chez eux. Mais comme les Israéliens ont beaucoup à faire et se concentrent davantage sur Gaza que sur le Liban, ça ne s'est pas encore produit.

Q : Avez-vous une idée de ceux qui gouverneront Gaza après la victoire d'Israël ?

R : Je ne sais pas qui en sera mais je sais qui je voudrais voir. De nombreux Gazaouis méprisent le Hamas qui les utilise comme chair à canon. Ils veulent une vie normale – c'est-à-dire une vie comparable à celle en Égypte ou en Jordanie, où ils ne sont pas particulièrement amicaux avec Israël, mais où ils vivent côte à côte avec Israël sans créer de problèmes. Je pense qu'il existe une foule de Gazaouis qui travailleront avec Israël pour mettre en place une administration, une force de police et gouverner l'entité comme une agence quasi gouvernementale. J'espère vraiment que les Israéliens iront dans cette direction et que le gouvernement américain ne se mettra pas en travers de leur chemin. C'est mieux pour Gaza et mieux pour Israël.

Q : À quoi ressemblera finalement la défaite totale du Hamas par Israël ? Y aura-t-il une réunion et la signature d'un document de capitulation, à la manière du Japon ou de l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale ? Y aura-t-il encore des Hamasniks prêts à se rendre et à accepter la capitulation ?

R : À ma connaissance, il n'y a pas eu de cérémonie de reddition depuis 1945 et il n'y en aura pas non plus dans le cas présent. Cependant, on assistera à un effondrement de l'autorité du Hamas et de sa capacité à pénétrer dans Gaza et à provoquer des hostilités contre Israël. C'est cela qui constituera la victoire d'Israël.

Q : Étant donné que le Hamas ne cherche pas la victoire à Gaza, comment Israël déterminera-t-il le point final de la guerre ?

R : Le Hamas recherche bel et bien la victoire mais pas sur le champ de bataille. Il cherche la victoire au moyen du soutien qu'il trouve partout dans le monde. Israël doit empêcher le Hamas de détenir un quelconque pouvoir à Gaza.

Q : Dans quelle mesure le conflit avec le Hamas consiste-t-il à s'attaquer à un symptôme et non au virus – à savoir l'Iran ?

R : L'Iran est à la tête de l'Hydre et est à l'origine des attaques en Irak, en Syrie, au Liban, à Gaza et au Yémen. Qui sait où il ira ensuite ? [Ajout de DP : Peu de temps après cet entretien, les Iraniens ont attaqué le Pakistan.] Il faut s'attaquer au régime iranien et en particulier à son infrastructure nucléaire. Le gouvernement américain se montre préoccupé mais a clairement fait savoir qu'il ne ferait rien. Qui sait ? Il s'agit peut-être d'une feinte mais à ce stade, il n'y a aucune raison de ne pas y croire. L'Iran est la source ultime de nombreux problèmes au Moyen-Orient. Or, le gouvernement américain ne s'est jamais donné pour objectif, depuis 1979, de renverser la République islamique. Nous n'avons jamais aidé les dissidents à faire quoi que ce soit, surtout en 2009. Il y a plus d'un an, nous n'avons pas répondu aux manifestations de Mahsa Amini à travers l'Iran. Il est donc temps d'affronter la véritable source de la plupart des problèmes du Moyen-Orient, à savoir Téhéran.

Q : Y a-t-il eu des conséquences pour les journalistes présents lors du massacre du Hamas ?

R : Ils ont été listés et pointés du doigt mais je ne sais pas s'ils ont été licenciés ni même sanctionnés.

Q : Pendant ce temps, les massacres en Russie et en Ukraine se poursuivent, sans que qu'on s'offusque de la mort de civils innocents. Pourquoi cette approche différente ? Pourquoi quand c'est Israël qui agit, y a-t-il une surveillance aussi forte ?

R : Pas seulement en Ukraine, mais êtes-vous au courant de l'insurrection du 27/10, non pas du 7/10 mais du 27/10, qui a eu lieu au Myanmar, en Birmanie ? Il s'agit là d'une action majeure des insurgés pour renverser l'horrible gouvernement militaire de ce pays. Or, il faut chercher attentivement pour trouver des nouvelles sur le sujet et c'est pire au Soudan, dans l'est du Congo ou dans d'autres zones de conflit beaucoup plus vastes. Quand des Occidentaux combattent des non-Occidentaux – Américains en Irak ou Français en Afrique de l'Ouest – l'événement fait l'actualité, et encore plus quand il s'agit d'Occidentaux juifs. Cela retient beaucoup plus l'attention que quand il s'agit de non-Occidentaux combattant des non-Occidentaux.

Q : Et la Russie ? De quel côté se place-t-elle ?

L'un des dommages collatéraux inattendus de la guerre entre Israël et le Hamas : la présidence de Claudine Gay à l'Université de Harvard.
R : Le 7 octobre a eu de nombreuses conséquences dans des domaines auxquels on n'aurait jamais pensé comme par exemple la présidence de l'Université de Harvard. Une autre conséquence a été le renforcement du lien qui unit les Russes à l'Iran. Cela dit, les Russes n'ont pas besoin d'une inimitié accrue et n'ont donc pas intérêt à causer des problèmes à Israël. Il existe une sorte de cessez-le-feu entre la Russie et Israël, notamment en Syrie. Ils évitent de se créer mutuellement des ennuis. Peut-être que cela viendra à l'avenir mais pas pour le moment.

Q : Y a-t-il un risque d'escalade dans la guerre entre Israël et le Hamas ? Y a-t-il des signes indiquant une extension éventuelle à l'Iran, aux États-Unis et aux puissances mondiales qui s'impliqueraient dans ce conflit ?

R : C'est déjà fait. Regardez : le Yémen, les États-Unis, la Grande-Bretagne. Cela pourrait s'étendre au Liban. Je ne pense pas que le gouvernement syrien cherche des ennuis avec Israël mais cela pourrait se propager par d'autres voies. Des rapports laissent entendre que des insurgés et des complots en provenance de l'Iran sont en train de s'installer en Jordanie. Les implications sont bien plus nombreuses que ce que j'aurais imaginé il y a trois mois. Particulièrement en ce qui concerne la perturbation du commerce mondial par les Houthis qui pourrait entraîner toute une série de problèmes. Que se passerait-il s'ils faisaient exploser un pétrolier ?

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