La guerre d'Israël contre le Hezbollah en question

La guerre d'Israël contre le Hezbollah en question

par Daniel Pipes

 

Hassan Nasrallah
Comme toute personne normale, je salue la disparition de cet homme maléfique mais compétent qu'était Hassan Nasrallah. Il a dirigé le Hezbollah, l'organisation islamiste qui domine le Liban comme agent de la République islamique d'Iran, et il en a fait la force la plus puissante du pays. Le monde se portera mieux sans lui. J'adresse mes félicitations aux Israéliens pour avoir réussi cet autre brillant miracle du renseignement et de l'armée de l'air.

Cet éloge mis à part, je critiquerai cette mesure comme une erreur probable : elle détourne l'attention du principal théâtre de guerre, à Gaza, contre le Hamas.

Voilà maintenant un an qu'Israël réagit à l'atrocité du 7 octobre. Non seulement le gouvernement n'était pas prêt ce jour-là mais en plus, il n'avait pas de plans d'attaque du Hamas, il disposait de renseignements relativement maigres sur les actifs ou les dirigeants de l'organisation, et faisait face à un puissant lobby au niveau national et international qui insistait pour que le retour des otages soit la première priorité.

Ces limitations ont fait de l'opération d'Israël à Gaza un succès simplement passable. Certes, les techniciens militaires peuvent faire l'éloge de ses tactiques mais la direction du Hamas reste solide et ses combattants actifs, son contrôle sur la population demeure relativement intact et son soutien international est plus élevé que jamais. Sans vouloir insister, les progrès moyens enregistrés depuis un an contrastent considérablement avec la liquidation, en 1967, des armées de trois grands États en l'espace de six jours.

Pire encore pour Israël, le Hezbollah s'est joint au conflit le lendemain du 7 octobre. Enthousiasmé par le carnage et désireux d'aider le Hamas, il a attaqué le nord d'Israël avec 8.000 roquettes et missiles, détruisant des biens, tuant des personnes et forçant l'évacuation à long terme de plus de 60.000 habitants. Israël a exigé que le Hezbollah cesse ses attaques. Le Hezbollah ne l'a pas fait et, comme tout État qui se respecte, Israël a pris une série de mesures comme l'explosion spectaculaire de beepers et de talkies-walkies.

Israël a mené des opérations à grande échelle contre des cibles du Hezbollah au Liban.

L'objectif initial avait une portée limitée à savoir, inciter le Hezbollah à cesser son agression afin que la population puisse rentrer chez elle. Il s'agissait d'un exemple classique de dissuasion. Cessez et abstenez-vous, sinon...

Mais alors que les succès israéliens s'enchaînaient, les dirigeants israéliens ont succombé à la tentation, ont revu leurs ambitions à la hausse et se sont égarés. Oubliant la dissuasion, ils ont décidé (selon les mots du Premier ministre Benjamin Netanyahou) « de vaincre également le Hezbollah ». La fin des attaques à la roquette a cédé la place à la fin du Hezbollah lui-même. Jérusalem est tombée dans un schéma classique chez les vainqueurs : perdre de vue l'objectif de guerre initial, se laisser emporter et adopter des ambitions inutilement plus grandes.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré la guerre au Hezbollah le 27 septembre, aux Nations unies.

En conséquence de cette erreur, Israël se trouve désormais aux prises avec deux batailles à grande échelle, dans le sud et dans le nord, et deux organisations à détruire. Il s'est attaqué au Hezbollah avant de tuer le Hamas et fait face à la perspective de n'en tuer aucun des deux.

On notera le contraste : alors qu'un cessez-le-feu avec le Hamas a des conséquences terribles pour Israël parce qu'il signifie la renonciation aux intérêts nationaux au profit de quelques vies, un cessez-le-feu avec le Hezbollah met fin aux attaques de roquettes et de missiles, permettant aux habitants de rentrer chez eux et aux forces israéliennes de consacrer toute leur attention au Hamas.

Puisse le gouvernement Netanyahou changer de cap, accepter un cessez-le-feu avec le Hezbollah et, sans se laisser distraire, anéantir le Hamas.

Addendum, 28 septembre 2024. Un certain nombre de lecteurs ont marqué leur désaccord avec l'analyse ci-dessus au motif qu'Israël a effectivement terminé sa guerre contre le Hamas. Ce à quoi je réponds : Si c'est le cas, pourquoi le Hamas menace-t-il encore les Gazaouis ? Pourquoi n'y a-t-il pas d'administration en place à Gaza ? Pourquoi la reconstruction n'a-t-elle pas commencé ? Pourquoi Netanyahou n'a-t-il pas affirmé que la destruction du Hamas était terminée ?

Ce rapport du New York Times du 13 septembre laisse entrevoir le problème :

    Près d'un an après le début de la guerre, le gouvernement civil fonctionne toujours. M. [Ismail] Thawabteh, directeur général du bureau des médias du gouvernement dirigé par le Hamas, a déclaré que le gouvernement emploie toujours des milliers de personnes, contribue à la distribution de l'aide et organise les prières du vendredi. Les services de sécurité essaient toujours de faire respecter la loi, a-t-il ajouté.

    Les comités d'urgence gérés par le gouvernement assurent la fourniture d'aide et le maintien de l'ordre, a déclaré M. Thawabteh qui a ajouté : « Le gouvernement de Gaza traverse une période de défis mais il est toujours en place et exerce ses missions quotidiennes. »

    Le Hamas n'est pas le seul groupe actif à Gaza. Le Jihad islamique palestinien, un allié du Hamas qui a participé aux attaques terroristes du 7 octobre, reste fort. Des gangs armés et des comités de quartier opèrent sur l'ensemble du territoire, certains proférant également des menaces et menant des attaques de représailles.

    Des responsables américains disent que les groupes opèrent avec la bénédiction implicite du Hamas, bien que le niveau précis de surveillance et de contrôle exercé par ce dernier varie d'un groupe à l'autre. Cependant M. Sinwar est le dirigeant incontesté de Gaza bien que son contrôle quotidien sur le gouvernement soit atténué. Alors qu'il tente d'éviter d'être capturé ou tué par Israël, c'est toujours lui qui fixe les objectifs généraux et les politiques pour Gaza, selon des responsables informés des renseignements.

    Les organisations humanitaires qui tentent d'acheminer de l'aide à Gaza reconnaissent le contrôle ininterrompu du Hamas. Les convois d'aide doivent coordonner leurs efforts avec ceux des dirigeants locaux du Hamas sous peine de voir l'aide bloquée. Les efforts déployés pour que les Gazaouis alignés sur l'Autorité palestinienne basée en Cisjordanie aident à sécuriser les convois humanitaires ont échoué. Des responsables américains ont déclaré que c'est l'hostilité du Hamas et les menaces contre ces convois qui avaient mis fin à ces efforts.

Un autre article du New York Times, daté du 17 septembre, donne des précisions.

    Khaled Meshal, du Hamas : « Le Hamas a le dessus. Il est resté inébranlable » et a entraîné l'armée israélienne dans « un état d'usure ».
    Ghaith al-Omari, du Washington Institute for Near East Policy : « Les dirigeants du Hamas ont tout à fait le sentiment que le temps joue en leur faveur. Ils pensent qu'ils sont les seuls à maîtriser le jeu ».
    Le major-général Gadi Shamni, ancien commandant de la division de Gaza de l'armée israélienne : « Le Hamas est en train de gagner cette guerre. Nos soldats remportent chaque rencontre tactique avec le Hamas, mais nous sommes en train de perdre la guerre, et de manière importante. (...) Personne ne pourra défier le Hamas là-bas après le départ des forces israéliennes ».
    Akram Atallah, chroniqueur du journal Al-Ayyam basé à Ramallah : « Si la guerre se termine maintenant, ce sera une victoire pour le Hamas ».

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