Jean-Pierre Allali : mon ami qui aimait la vie et que la vie aimait - Haïm Musicant

Haïm Musicant - Jean-Pierre Allali : mon ami qui aimait la vie et que la vie aimait

 
 

Avec Yom Kippour, Ticha Be Av est la journée la plus solennelle et la plus dure de l’année. Pas seulement parce que le jeûne se termine tard, mais surtout parce que ces 25 heures de deuil sont consacrées à l’évocation de la destruction des deux temples de Jérusalem et à d’autres catastrophes. Dans la nuit du 2 au 3 août s’en est ajoutée une autre inacceptable : Jean-Pierre Allali s’est éteint, entouré des siens.

Écrire que je suis devenu orphelin de mon frère jumeau c’est exprimer maladroitement et faiblement ce que je ressens depuis son départ. Toutes ces années passées ensemble à militer, à écrire à quatre mains des récits d’hommes et de femmes magnifiques, Jean-Pierre était bien plus que mon ami de toujours et de tous les jours.

Jean-Pierre ou JPA comme beaucoup l’appelaient, c’était l’ homme aux mille vies, toujours dans la création. Il avait été un professeur de mathématiques adoré par ses élèves. Mais il avait plusieurs cordes à ses nombreux arcs : inventeur de jeux de sociétés, champion de scrabble, collectionneur de bandes dessinées, peintre, guitariste, chanteur…

Il y a bien sûr les aspects les plus connus des innombrables activités de Jean-Pierre : le conférencier, le journaliste, l’écrivain, auteur d’une trentaine de livres, l’assistant de Marek Halter pour son film Tzedek consacré aux Justes et le directeur des universités françaises de Moscou et de Saint-Pétersbourg fondées par l’auteur de La Mémoire d’Abraham.

Nous avions milité à la Licra, au B’nai B’rith, à l’Amitié judéo-musulmane, au Crif. Jean-Pierre œuvrait aussi dans d’autres organisations pour tenter de rapprocher les gens qui le lui rendaient bien. C’était l’homme du dialogue, de l’amitié, de la fidélité, de l’humanisme et de la générosité.

La question était donc à quoi Héron loquace (c’était son totem scout) n’avait-il pas touché ? Ses enfants étaient persuadés qu’en réalité il était un espion.

L’une de ses contributions les plus importantes est son apport pour transmettre l’héritage des Juifs de Tunisie auxquels il a consacré des livres de référence. Tout est parti d’un questionnement de l’un de ses enfants, qui au moment des grandes vacances, lui avait posé la question : « J’ai un copain qui part chez sa grand-mère en Bretagne. Et nous, d’où venons-nous ?  ».

Deux derniers souvenirs. Notre ultime conférence, nous l’avions consacrée à notre ami Boualem Sansal, convaincus qu’il sera plus fort que ses geôliers. Lors de l’une de nos dernières rencontres en juillet dernier, JPA m’avait offert La feuille de miel parisienne 5786 que connaissent tous les Tunes. Il avait réussi à publier un article consacré aux EEIF dans lequel il mentionnait sa belle-fille Karen, disparue elle aussi au cœur de l’été l’année dernière.

JPA tenait sans aucun doute sa force de l’ amour partagé avec sa femme Michèle, ses quatre enfants Anne-France, Sébastien, Aurélien et Noémie et de ses petits-enfants.

Lors d’une discussion avec son aînée Anne-France, il lui avait confié un jour qu’il se sentait d’une certaine façon, éternel. Elle lui avait demandé pourquoi : « Deux choses me font me sentir éternel, vous les enfants, et aussi, mes livres, mes écrits ». 

Jean-Pierre, toi qui ne ratais jamais l’occasion d’aller acheter ton billet de loto, tu as gagné. Tu es éternel !

 

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