Comme les champignons après la pluie, les illusions mortelles, à peine habillées de neuf, renaissent après les catastrophes qu'elles ont provoquées.
"LA CONSCIENCE ANTITOTALITAIRE S'ÉLOIGNE. LES 'ISMES' À VISAGE INHUMAIN CONTINUENT DE SÉDUIRE"
Dans l'histoire de l'antiracisme, les années 2000-2009 sont marquées par l'institutionnalisation internationale, sous les couleurs de l'ONU, d'une immense imposture intellectuelle : l'assimilation de la lutte contre le racisme à la lutte contre « l'islamophobie ».
Cette imposture récente s'ajoute à une mystification d'envergure dont l'ONU avait été le théâtre au milieu des années 1970 : l'assimilation du « sionisme » à une « forme de racisme et de discrimination raciale ».
Ces deux escroqueries politico-intellectuelles ont alimenté le soupçon quant à la crédibilité de l'antiracisme, et miné ses fondements moraux et juridiques.
Partons d'un fait donnant à penser : le nouveau Conseil des droits de l'homme de l'ONU, créé en juin 2006, toujours en première ligne pour dénoncer la politique israélienne ou « l'islamophobie », est resté indifférent et silencieux
face aux massacres commis par les milices islamiques au Darfour, où les victimes étaient principalement chrétiennes.
Des massacreurs « arabes »/musulmans et des victimes « noires »/chrétiennes : voilà qui ne cadrait pas avec le nouveau dogme antiraciste onusien, postulant que les victimes principales du racisme dans le monde étaient des musulmans – à commencer par les Palestiniens musulmans.
Le Sénégalais Doudou Diène, Rapporteur spécial sur le racisme depuis 2002, s'est concentré depuis sa nomination sur le « phénomène de l'islamophobie », présenté dans son rapport publié le 21 août 2007 comme « la forme la plus grave de diffamation des religions ». Dans ce rapport, présenté lors de la 6e session du CDH le 14 septembre 2007 à Genève, on constate que sur les 48 paragraphes consacrés aux « formes de discrimination des religions », 21 concernent « l'islamophobie », 7 l'antisémitisme, 5 la « christianophobie » et 6 les « autres formes de discrimination religieuse » (hindouisme, bouddhisme, syncrétismes, etc.) (1).
Sous la presssion de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) et des pays non alignés (NAM), le Conseil des droits de l'homme a fait adopter en mars 2007 une résolution assimilant la diffamation religieuse, et plus particulièrement l'islamophobie, au racisme.
La lutte onusienne contre le racisme, dès lors, se réduit à une lutte sur deux fronts : d'une part, contre « le sionisme », cette « forme de racisme et de discrimination raciale » incarnée par Israël, synonyme d'« apartheid », de « racisme » et d'« occupation », et, d'autre part, contre « l'islamophobie », catégorie élastique ayant l'avantage de pouvoir s'appliquer, non sans confusion, aussi bien à la critique de l'islam et au blasphème qu'aux formes de xénophobie visant des populations immigrées de culture musulmane. C'est là s'aligner sur les positions des milieux islamistes, qu'ils soient fondamentalistes ou jihadistes, en dénaturant de fond en comble la lutte contre le racisme, et en abandonnant aux manipulateurs cyniques la défense des droits de l'homme (2).
Mais cet alignement idéologique n'est nullement paradoxal. Il n'est qu'un effet nécessaire du rapport de forces existant à l'ONU. Le paradoxe est ailleurs, dans la structure et le fonctionnement même du « machin ». Le paradoxe incarné par le Conseil des droits de l'homme est celui de l'ONU qui, financé à 90% par des pays démocratiques occidentaux pour la plupart, fonctionne comme une machine de propagande au service d'une majorité de pays non démocratiques hostiles à l'Occident et à Israël, qu'il s'agisse de dictatures islamiques, de régimes autoritaires ou d'autocraties (3)...
Le crime de « christianisation », punissable de mort
En Irak comme dans la bande de Gaza, les chrétiens sont aujourd'hui poussés à l'exil par la terreur. Nombreux sont ceux qui se réfugient en Jordanie. En Égypte, au Liban et en Algérie, par exemple, les chrétiens forment désormais une minorité à qui l'on fait comprendre de diverses manières – discriminations, menaces, violences – qu'elle est en trop. Au début du XXIe siècle, surgit ainsi la question des réfugiés chrétiens dans certaines parties du monde.
C'est dans le monde musulman que les libertés religieuses sont le moins respectées : judaïsme et christianisme y sont logés à la même enseigne (6).
La question du judaïsme a été réglée d'une façon expéditive dans la plupart des pays arabo-musulmans : par l'expulsion violente des Juifs, persécutés, menacés, terrorisés, spoliés à tous égards
Dans la judéophobie arabo-musulmane, la religion juive n'est pas distinguée du peuple juif : les Juifs sont bestialisés (« singes et porcs »), diabolisés (« comploteurs ») et criminalisés (« tueurs d'enfants ») en tant que tels, et le judaïsme diffamé systématiquement sur la base d'accusations provenant du Coran, de certains hadith ou de légendes médiévales (en particulier celle du « meurtre rituel ») (8).
En outre, depuis les années 1980, les accusations lancées contre les « sionistes » dont le « racisme », sont étendues aux « Juifs » « inventeurs du racisme ».
Lorsque ces croyances délirantes passent au politique, par exemple dans le cadre d'une « République islamique », elles alimentent le discours des dirigeants et orientent leurs décisions.
Les systèmes politiques islamistes illustrent un modèle d'intolérance criminelle, à la fois étatique et sociétale.
Lorsque l'islam est religion d'État, l'intolérance est institutionnalisée, les violences contre les non musulmans autorisées, voire encouragées, le totalitarisme guette ou règne.
Les libertés élémentaires sont suspendues dans les régions sous domination islamiste, que ce soit au Pakistan, au Soudan ou en Somalie.
Les islamistes, qui contrôlent au printemps 2009 le sud de la Somalie, ont interdit le cinéma à la télévision, trois ans après avoir fermé les salles de projection dans la région. « Regarder des films est totalement interdit, même chez soi (…). Les gens ont le droit de regarder la télévision uniquement pour regarder les informations sur des chaînes comme Al-Jazira », a indiqué en juin 2009, dans un communiqué, Sheikh Mowlid Ahmed, commandant des forces de sécurité de la ville portuaire de Kismayo. Des habitants ont indiqué que les autorités islamistes avaient commencé récemment à inspecter les téléphones portables et punissaient, en général par des coups de fouet, quiconque avait téléchargé un film (9)...
L'antiaméricanisme et l'antisionisme suffisent à nourrir de dogmes et de slogans le nouveau catéchisme du « progressiste » ou du « révolutionnaire ».
La conscience antitotalitaire s'éloigne.
Les « ismes » à visage inhumain continuent de séduire.
Le communisme est toujours célébré par nombre d'intellectuels occidentaux comme une promesse ou comme une « hypothèse » défendable.
Et l'islamisme semble à beaucoup d'entre eux une voie à explorer, et même la solution, pour ceux qui veulent en finir avec l'Occident, incarnation du diable à leurs yeux.
Il faut se résigner à constater qu'il n'y a pas de « leçons de l'Histoire ».
Les messianismes politiques continuent de tromper les peuples, les utopies mortifères n'ont pas cessé d'exalter les intellectuels.
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Note :
(1) Pour une analyse critique, voir Barbara Lefebvre, « Analyse et remarques de la Licra sur le Rapport "Sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences de l'islamophobie sur les jouissances de tous les droits", rédigé par le Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines de racisme », http://www.licra.org/ (repris dans Le Droit de Vivre, n° 620, décembre 2007/janvier 2008, pp. 29-34) ; Id., « L'Europe foyer du racisme anti-islamique ? », http://www.lemeilleurdesmondes.org.
(2) Voir Malka Marcovich, Les Nations Désunies. Comment l'ONU enterre les droits de l'homme, préface d'Élisabeth de Fontenay, Paris, Éditions Jacob-Duvernet, 2008.
(3) Voir Malka Marcovich, « ONU 2001-2007 : Durban ou l'éternel retour », Les Temps Modernes, n° 643, avril-juillet 2007, pp. 247-282 ; Id., « La tragi-comédie de Durban 2 », Controverses, n° 11, mai 2009, pp. 263-271.
(6) Voir Bat Ye'or, Les Chrétientés d'Orient entre Jihâd et Dhimmitude, VIIe-XXe siècle, préface de Jacques Ellul, Paris, Les Éditions du Cerf, 1991 ; Id., Juifs et chrétiens sous l'Islam. Les dhimmis face au défi intégriste, Paris, Berg International, 1994 ; rééd., 2005.
(7) Voir Shmuel Trigano (dir.), La Fin du judaïsme en terres d'islam, Paris, Denoël, 2009.
(8) Voir Bernard Lewis, Sémites et antisémites [1986], tr. fr. Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana, Paris, Fayard, 1987, pp. 146-176, 213-342 ; Robert S. Wistrich, Antisemitism : The Longest Hatred, Londres, Thames Methuen, 1991, pp. 195-267 ; Anne-Marie Delcambre, L'Islam des interdits, Paris, Desclée de Brouwer, 2003, pp. 45-53 ; Andrew G. Bostom (ed.), The Legacy of Islamic Antisemitism : From Sacred Texts to Solemn History, foreword by Ibn Warraq, Amherst, New York, Prometheus Books, 2008.
(9) Guysen.International.News, 13 juin 2009.
Par Pierre-André Taguieff
Pierre-André Taguieff est philosophe et historien des idées il directeur de recherche au CNRS (Paris).
Source : ResilienceTV