En Tunisie, le moringa provoque emballement et spéculation
Le moringa est un arbre dont les feuilles s'arrachent sur le marché international pour leurs supposés bienfaits nutritifs. La Tunisie comptait en profiter, mais la spéculation pourrait gâcher la fête.
Maurine Mercier - franceinfo - Radio France
Les feuilles de moringa s’arrachent sur le marché international. On leur prête toute sorte de vertus. Une fois réduit en poudre, le feuillage permettrait de stimuler le système immunitaire, d’abaisser la pression artérielle et de soigner le diabète. L’arbre a été introduit il y a quelques années en Tunisie où, plus qu'ailleurs, il est considéré comme l’arbre miracle.
Une greffe a priori réussie
Le moringa est un arbre facile. Originaire du sous-continent indien, il s'adapte ailleurs et pousse très rapidement, en réclamant très peu d'eau. Or, la Tunisie est l’un des pays au monde qui souffre le plus de stress hydrique. Le moringa a été présenté comme l’arbre qui permettrait de lutter contre la désertification et contre la pauvreté. Vendu très cher grâce aux supposées propriétés de ses feuilles, il permettrait même de faire fortune. Mais pour l'instant, en Tunisie, on est bien en deçà de toutes ces espérances.
La déception d'une entrepreneure
Sarah Toumi, une jeune franco-tunisienne, a été l’une des premières à introduire le moringa dans le pays, après la révolution de 2011. L’ambition était de permettre à des femmes de sortir de la pauvreté, via une coopérative spécialisée dans la culture de cet arbre. Son projet lui a valu une reconnaissance internationale. Sarah Tourmi est entrée dans le top 30 des entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans du magazine américain Forbes. Désormais, elle est membre du conseil présidentiel pour l’Afrique d’Emmanuel Macron. Mais aujourd’hui, sa coopérative est quasiment à l’arrêt, victime de la spéculation autour du moringa.
Des lobbies à l'affût
La majorité des agricultrices avec lesquelles la jeune entrepreneure travaillait sont parties avec les graines de moringa, pensant faire fortune. "Des gens cherchent des informations sur nous pour aller contacter nos agriculteurs, aller les voir directement sur le terrain et leur proposer plus d’argent, les acheter en fait", affirme-t-elle, ajoutant que des lobbies veulent s’accaparer le moringa en Tunisie. "Tout ce qu’ils veulent, c’est en planter à perte de vue, en intensif, et gagner un maximum d’argent", prévient la chef d'entreprise, redoutant aussi que la terre se dégrade et que l'on utilise trop d'eau, alors qu'elle se bat contre ces pratiques.
Pas de bienfaits du moringa pour la Tunisie
En Tunisie, aujourd’hui, les plantations sont anarchiques. Il est impossible de dire combien d’arbres ont été plantés ces dernières années. L'arbre n'est toujours pas officiellement homologué. Le marché n’est pas contrôlé. Le moringa peut donc se révéler bientôt plus nuisible que miraculeux, si la machine ne cesse de s'emballer.