Là où nous sommes chez nous. L’histoire de ma famille éparpillée, par Maxim Leo

Lectures de Jean-Pierre Allali - Là où nous sommes chez nous. L’histoire de ma famille éparpillée, par Maxim Leo

Là où nous sommes chez nous. L’histoire de ma famille éparpillée, par Maxim Leo (*)

Journaliste au Berliner Zeitung, Maxim Leo est né en 1970 à Berlin-Est. C’est une véritable saga qu’il nous propose, celle de sa famille.

Il fut un temps où les Juifs allemands vivaient bien intégrés dans un pays dont ils avaient volontiers adopté les valeurs, occupant souvent des postes importants dans tous les domaines de la vie politique, économique et culturelle.. La folie hitlérienne, on le sait, a bouleversé cet ordre pourtant bien établi au prix tragique de millions de vies sacrifiées.

Dès lors, les Juifs allemands rescapés se sont retrouvés aux quatre coins du monde, certains changeant complètement d’identité en reniant leur germanité, d’autres tentant malgré tout de garder au plus profond d’eux-mêmes, le souvenir ému du temps jadis.

Pour les uns comme pour les autres, une question s’est posée et se pose toujours : “Où se trouve notre chez-nous ?”. Où est notre “daheim” ? Pour y répondre, Maxim Leo a sillonné le monde à la rencontre des membres épars de sa famille : en Allemagne, en Autriche, en Angleterre et en Israël. Il reconstruit les parcours des uns et des autres avec les mariages, les conversions à la chrétienté pour certains, le retour fervent au judaïsme pour d’autres.

On se perd parfois dans le dédale des frères, cousins, parents. Dès lors, l’arbre généalogique proposé en tête d’ouvrage, est particulièrement précieux pour suivre les destinées d’Imgard, de Hilde, de Fritz, d’Ilse, d’Andrew, d’André, d’Erez, d’Amnon et de bien d’autres.

L’un des héros du livre, Lorenz, ne comprend pas à quoi tient sa qualité de Juif, ce qu’elle signifie exactement. “Ils ne vont pas à la synagogue, ils n’ont aucune idée de ce que sont les jours de fêtes juives - et malgré tout, la mère ne cesse de dire qu’on ne doit pas oublier ses racines juives. Mais voilà : quelles racines ? Est-il donc juif à présent ? Ou autrichien ? À moins que les deux ne soient compatibles ? Pour sa mère, le fait d’être juif fait partie de la définition de la famille, mais il n’en trouve aucun écho dans la vie réelle”..

Des Juifs allemands vivant en Angleterre résument le sentiment général : “D’où nous venons, c’est égal. Ça n’a plus d’importance !”

C’est lors d’un voyage en Israël où se sont établis certains membres de la famille que la réponse à la question posée se dessine. Car, tout compte fait, c’est là où nous sommes vraiment chez nous. Maxim Leo nous rappelle la déclaration d’Indépendance lue par David Ben Gourion, il raconte avec émotion la vie dans les kibboutzim, les terres arides rachetées à prix d’or et remises en valeur, la mort de soldats vaillants comme Erez pour que renaisse le peuple juif sur sa terre ancestrale.

Bien que nombre de Juifs allemands soient retournés vivre au pays de leurs ancêtres et bien que la mode est venue de demander dans les ambassades un passeport du pays d’origine, la famille éparpillée retrouve tout son sens en terre d’Israël. Israël, nouvelle terre du “Gemütlichkeit” ?

Malgré quelques envolées en fin d’ouvrage contre les “colons” israéliens, les “nationalistes” et les ultra orthodoxes et la constatation de l’embourgeoisement des kibboutzim, une belle histoire, un livre très agréable à lire !

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Actes Sud. Mars 2021. Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni. 368 pages. 22,80 €

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