Réunion secrète Cohen-Mangoush à Rome : les révélations d’un juif de Libye

Réunion secrète Cohen-Mangoush à Rome : les révélations d’un juif de Libye
 

Par Kamel M.

Il s’est exprimé dans les colonnes du Times of Israel et sur la chaîne à capitaux saoudiens Al-Hadath. Lui, c’est Raphaël Luzon, le président de l’Union des juifs libyens. Il est l’architecte des rencontres secrètes qui ont débouché sur celle de la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangoush, avec son homologue israélien Eli Cohen, à Rome, il y a deux semaines.

«Si Luzon n’a pas été lié à ce dernier rebondissement diplomatique, il a décrit au cours d’un entretien accordé au Times of Israel les premiers contacts qu’il avait pu faciliter entre les responsables israéliens et les officiels libyens, il y a environ six ans, ouvrant la voie à la rencontre de la semaine dernière», lit-on dans ce média israélien qui précise qu’«au mois de juin 2017, Luzon avait arrangé une réunion sur l’île grecque de Rhodes qui avait rassemblé des délégations des deux pays». Israël avait été représenté par Gila Gamliel, ministre de l’Egalité sociale, dont la mère est originaire de Libye, et par l’ancien ministre des Communications, Ayoub Kara, ainsi que par l’ancien vice-président de la Knesset, Yehiel Bar, et par le général à la retraite Yom Tov Samia, lui aussi d’origine libyenne, apprend-on.

«La délégation libyenne à Rhodes avait été chapeautée par l’ancien ministre des Médias, de la Culture et des Antiquités, Omar Al-Gawairi [qui] était alors membre du gouvernement de l’Est du pays, dirigé par Abdurrahim El-Keib, tandis que Khalifa Al-Ghweil, leader du gouvernement rival, installé dans l’Ouest, avait, semble-t-il, transmis ses meilleurs vœux aux deux délégations par le biais d’un fax», poursuit The Times of Israel, selon lequel, lors de la conférence qui avait duré trois jours au Rodos Palace Hotel, le délégué libyen «avait évoqué le droit au retour des juifs originaires du pays et leur droit à une indemnisation pour ce qu’ils avaient perdu en quittant le territoire».

Raphaël Luzon, dont la famille originaire de Benghazi s’est installée à Rome en 1967 mais qui vit actuellement à Londres, a précisé que la rencontre de Rhodes avait été suivie, les années suivantes, par d’autres réunions entre les responsables israéliens et libyens en Italie, en Tunisie et en Grèce. Des réunions dont il était à l’origine, précise-t-il, en indiquant qu’il a dû «transmettre le flambeau aux diplomates» quand «c’est devenu trop sensible». «L’entretien qui a eu lieu entre les deux ministres des Affaires étrangères est le point d’orgue de six années de travail, cela aurait pu arriver beaucoup plus tôt mais l’instabilité qui règne actuellement en Libye ne l’a pas permis», a-t-il dit.

L’architecte de la tentative avortée de normalisation de la Libye avec Israël, qui a regretté que la communauté juive de Libye «n’ait pas été impliquée dans les derniers contacts entre les deux parties», attribue ce qu’il qualifie de «volte-face soudaine de la Libye» à la «vive indignation qui s’est emparée du pays après l’annonce de la rencontre, une annonce enthousiaste qui a été faite par Israël», tout en reprochant au gouvernement israélien de ne pas avoir «consulté quelqu’un qui comprend ce qu’est la Libye, qui comprend ce qu’est la dynamique interne de ce pays» avant de commettre l’erreur de rendre publique la tenue de la rencontre secrète de Rome.

Selon Luzon, l’idée d’un rapprochement entre la Libye et l’Etat hébreu «est initialement apparue au moment de la conclusion des accords d’Abraham». «Mais contrairement aux pays du Golfe – comme les Emirats arabes unis et Bahreïn – qui ont un ennemi commun avec Israël – l’Iran –, la Libye ne doit faire face à aucune menace extérieure significative, son problème le plus grave est celui de son instabilité intérieure», a-t-il noté, en révélant que «certaines technologies israéliennes» sont d’ores et déjà «officieusement» déployées en Libye, «grâce à sa propre intervention, même s’il refuse de donner des détails», rapporte le journal israélien.

Raphaël Luzon, dont le dernier déplacement dans son pays de naissance remonte à 2012, peu après la chute de Kadhafi, n’a pas caché son souhait d’être, un jour, nommé ambassadeur de Libye en Israël.

K. M.

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