Chateaubriand, Macron et Jérusalem

Chateaubriand, Macron et Jérusalem (info # 012612/17) [Analyse]

Par Claude Berger1 © Metula News Agency

 

En 1806, le grand Chateaubriand, de retour de Jérusalem, écrivait : 

« Pénétrez dans le demeure de ce peuple, vous le trouverez dans une affreuse misère, faisant lire un livre mystérieux à des enfants qui, à leur tour, le feront lire à leurs enfants. Ce qu’il faisait il y a cinq mille ans, ce peuple le fait encore. Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem ; et rien ne peut le décourager ; rien ne peut l’empêcher de tourner ses regards vers Sion. Quand on voit les Juifs dispersés sur la terre, selon la parole de Dieu, on est surpris, sans doute : mais pour être frappé d’un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays ; il faut les voir attendant, sous toutes les oppressions, un roi qui doit les délivrer. Si quelque chose, parmi les nations, porte le caractère du miracle, nous pensons que ce caractère est ici. » (Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem).

 

En 2017, Macron, devenu président, nous fait part de sa « préoccupation » que Jérusalem fût enfin reconnue, de plein droit, propriété de « ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays » par un président américain réaliste, entérinant une situation d’unification de Jérusalem qui remonte à 1967, situation qui assure dans les faits le libre accès aux lieux saints des trois cultes concernés.

 

En s’informant, le président français pourrait découvrir que lorsque la Jordanie s’empara militairement de la partie est de Jérusalem en combattant les Juifs, de 1947 à 1967, les Juifs n’avaient plus accès au Mur, des synagogues et des cimetières furent alors détruits, et le parvis du Mur des lamentations fut transformé en toilettes publiques.

 

Emmanuel Macron pourrait alors s’abstenir de prôner la « négociation » sous des auspices internationaux, alors que celle-ci, en majorité, n’eut jusqu’ici pour autre but que de faire pression contraignante sur Israël afin d’admettre le point de vue palestinien consistant à ne pas reconnaître d’Etat du peuple juif et d’empêcher toute présence juive dans un futur Etat palestinien, tout comme il est de règle dans de nombreux pays arabo-musulmans.

 

Le Hamas, le Hezbollah et la puissance iranienne montante vont plus loin : ils veulent l’éradication d’Israël et le génocide de sa population. Ce refus du fait juif et du peuple juif, cet antisémitisme d’origine musulmane, se concrétisèrent autrefois dans le statut de soumission imposé aux Juifs tout comme la rouelle.

 

L’expulsion ou le ghetto s’imposèrent à leur encontre en Europe chrétienne, tout comme le statut des Juifs fut imposé en France vichyste et tout comme l’étoile jaune, suivie de l’extermination s’imposèrent en Europe nazifiée. Là encore, le grand Chateaubriand avait vu l’avenir potentiel des effets de l’arrivée du marché du travail et du marché des produits de l’ère industrielle sur une telle matrice culturelle coranique n’ayant pas connu de réforme.

 

Il y a quelque deux siècles, le même grand Chateaubriand, livrait ce propos toujours actuel : « Un nouvel Orient va-t-il se former ? Qu’en sortira-t-il ? Recevrons-nous le châtiment mérité d’avoir appris l’art moderne des armes à des peuples dont l’état social est fondé sur l’esclavage et la polygamie ? Avons-nous porté la civilisation au dehors, ou avons-nous amené la barbarie dans l’intérieur de la chrétienté ? Que résultera-t-il des nouveaux intérêts, des nouvelles relations politiques, de la création des puissances qui pourront surgir dans le Levant ? Personne ne saurait le dire. Je ne me laisse pas éblouir par des bateaux à vapeur et des chemins de fer ; par la vente du produit des manufactures et par la fortune de quelques soldats français, anglais, allemands, italiens, enrôlés au service d’un pacha : tout cela n’est pas de la civilisation. On verra peut-être revenir, au moyen des troupes disciplinées des Ibrahim futurs, les périls qui ont menacé l’Europe à l’époque de Charles Martel, et dont plus tard nous a sauvés la généreuse Pologne. » (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Tome 2, page 390).

 

Et là encore le président français ne semble avoir en vue que les contrats potentiels, iraniens entre autres, qu’il espère obtenir pour sa boutique, les affaires étant bien entendu les affaires !

 

Il est donc utile de rappeler ce qui fait obstacle à la paix entre Palestiniens et Israéliens. En 1947, le mouvement arabo-palestinien dirigé par le mufti nazi de Jérusalem, deux ans en poste à Berlin près de son ami Hitler et exfiltré par la France à la libération pour échapper à la justice anglaise, rejette l’idée d’un Etat Juif associé à sa croyance au panislamisme pour chasser « les intrus juifs ». S’ensuit l’occupation de la Judée, de la Samarie et de Jérusalem-est par la Jordanie mais aussi la victoire d’Israël naissant sur la part qui lui était octroyée.

 

Ce rejet de l’Etat d’Israël comme Etat du peuple juif – qui compte tout de même 20 pour cent d’arabes musulmans ou chrétiens jouissant des mêmes droits que les autres Israéliens - ce que certains, sans rire, appellent « apartheid » - est toujours actuel et explique pourquoi le parti d’Abbas rejette toujours des négociations directes et n’envisage pas d’accueillir de Juifs au sein d’un futur Etat palestinien.

 

L’islamisme palestinien, à l’origine du conflit israélo-palestinien est donc toujours présent et influent dans le discours et les actes du Fatah, le parti d’Abbas, qui ne réprime pas, loin s’en faut, le terrorisme. Et si les Palestiniens ont leurs refugiés de 1948, les Juifs ont aussi les leurs, expulsés des pays arabo-musulmans par la coalition panislamiste du monde arabe de l’époque.

 

Il est donc temps de saluer la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale d’Israël en vue de favoriser une issue réaliste au conflit en satisfaisant des aspirations raisonnables des Palestiniens pour une coexistence paisible.

 

C’est d’ailleurs ce qui semble se dessiner avec les initiatives américaine et saoudienne. Le prince Mohammed bin Salman aurait d’ailleurs invité Mahmud Abbas à accepter une Palestine démilitarisée dans les zones A et B qu’il occupe, avec Abu Dis pour capitale, car, faut-il le rappeler, il n’y eut jamais d’Etat palestinien ni de capitale palestinienne ayant pour nom ou pour emplacement Jérusalem.

 

Mais il est temps également que l’Europe, hormis la Tchéquie qui a salué la décision américaine, ausculte et rejette la part de son inconscient culturel qui lui fait diaboliser Israël et voter des résolutions qui lui sont hostiles à l’Onu et à l’Unesco. Des résolutions qui abondent dans le sens de l’islamisme sans orienter les Palestiniens dans le sens de la coexistence pacifique.

 

N’oublions pas que l’antisémitisme (muté désormais en antisionisme) a une longue histoire en Europe et en France. Après le temps de la rouelle, ses formes sécularisées se sont exprimées à l’extrême droite comme à l’extrême gauche. Marx, Proudhon, Bakounine, Fourier faisant pendant à Drumont, Toussenel, Rebatet, Céline, sans qu’on étudie les effets de leur antisémitisme sur la religiosité de leurs idéologies.

 

Le grand Chateaubriand avait pressenti les conséquences de l’islamisme sur la civilisation de la France. Peut-on espérer que Macron s’adonne à sa lecture ? Considérant l’arrogance de ce jeune homme, je me permets d’en douter. Parole d’un porteur d’étoile au temps de Vichy.

 

 

Note1 :

Auteur de « Pourquoi l’antisémitisme ? » et de « Itinéraire d’un Juif du siècle » aux Editions de Paris

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