Accepter la paix, et ce qui l’accompagne (info # 010510/7) [Analyse]
Par Sami El Soudi © Metula News Agency
La conférence de paix régionale est fixée, en principe, au 26 novembre et doit se tenir aux Etats-Unis. Chez nous, sur place, la tentative d’Abbas et d’Olmert d’engager un processus de discussions "différent" commence à ressembler aux initiatives précédentes, s’étant toutes soldées par des échecs.
On en revient, petit à petit, aux exigences maximalistes, côté palestinien, et à l’incapacité de fixer les conditions, les frontières et l’agenda de la paix, côté israélien. A ce double titre, le président de l’Autorité Palestinienne voudrait établir un délai de six mois, mutatis mutandis, après la conférence, pour l’établissement de l’Etat de Palestine. Des personnalités de son entourage se remettent à exiger le droit à l’établissement en Israël des réfugiés de 48 et de leur descendance ; de réclamer à l’Etat hébreu la relaxe de tous les terroristes arabes détenus dans ses prisons, à l’issue du même semestre.
Côté Olmert, on craint comme la peste tout ce qui présente les apparences d’un cadre rigide : énonciation des principes de la négociation, énumération des solutions aux problèmes constituant le foyer du différend, et définition d’une période-temps pour la réalisation de la négociation détaillée et sa mise en place.
Hier, jeudi, il semblait que les Israéliens étaient parvenus à convaincre leurs homologues de ne pas "fixer des objectifs que l’on n’est absolument pas sûr de pouvoir tenir", expliquant que l’incapacité à exécuter des objectifs qu’on a annoncés publiquement aurait des conséquences dramatiques sur l’actuel processus de négociations.
"Certes", affirmait l’un des négociateurs palestiniens, dans la limousine qui le ramenait de Jérusalem à Ramallah, "mais si l’on ne fixe aucun objectif, hormis celui de discuter sans se fâcher, on n’arrivera jamais à rien et sûrement pas à un traité de paix". Après un bref éclat de rire, un autre négociateur renchérit : "Sauf à permettre à Olmert de se maintenir sur son trône chancelant, au prétexte qu’il négocie avec nous !".
Quelques heures à peine après le retour au bercail de nos ministres, ceci expliquant sans doute cela, bien qu’ils venaient d’endosser publiquement les propositions israéliennes en matière de "souplesse des négociations", des sources proches de la direction du Fatah réitéraient nos requêtes maximalistes, les une après les autres. "C’est", m’a indiqué l’une de ces sources, la ligne de repli à disposition des deux camps : "lorsqu’on n’avance plus, il suffit à chacun de répéter ses points de vue traditionnels pour contenter sa populace et les contempteurs de son camp. En fait", a poursuivi ma source non autorisée, "en bottant en touche de cette façon, on affiche notre impuissance à l’intention des parrains internationaux, et on se prépare à une négociation classique. ".
Explication : Dans le processus d’une négociation classique, chaque camp accuserait l’autre d’être responsable de la faillite des discussions, chaque camp tenterait de mobiliser ses alliés naturels contre l’adversaire traditionnel, et la conférence américaine se solderait par une constatation polie et médiatique d’impuissance. Ensuite, on attendrait, en jouant la montre, la fin du règne de George W., et on se préparerait à une négociation classique, type Camp David I, sous l’égide du prochain pensionnaire de la Maison Blanche. Il y en aurait pour trois ans, au bas mot, pour autant que le prochain président U.S accepte de risquer sa réputation sur le dossier israélo-palestinien.
En pareille circonstance, mieux vaudrait largement débuter le marchandage le plus haut possible, puisque les semi concessions concédées jusque là, prendraient l’allure de concessions tout court. D’où l’avantage relatif de se réfugier derrière la position de repli que j’ai mentionnée.
Abbas et Olmert peuvent, en fait, se permettre tous les écarts – pour autant qu’ils se donnent l’accolade deux fois par mois devant les caméras – car ils savent parfaitement qu’ils représentent les meilleurs alliés de Washington dans la région et ses piliers les plus sûrs contre l’expansion irano-islamiste. Au moment où l’on parle de plus en plus d’une intervention militaire contre l’industrie nucléaire de Téhéran, il ne viendrait à l’idée de personne d’offenser ces deux leaders.
Evidemment, il vaudrait mieux, si possible, mettre à profit le faisceau d’intérêts concordants pour avancer effectivement dans la négociation. Le point positif que je suis en mesure de relever, c’est que les divers groupes de négociations abattent de la bonne ouvrage. Ces formations mixtes, presque toutes dirigées par des ministres, travaillent sans se soucier des communiqués officiels et des polémiques. Ils suivent, en fait, la trame des dispositions d’Oslo, implémentées par les avancées de Taba. Pour le moment, publiquement en tous cas, Olmert et Abbas ne savent pas ce qu’ils vont faire des rapports de ces commissions, ni même, s’ils leur trouveront un usage effectif. Reste que les deux hommes encouragent ces discussions, qui se déroulent dans un climat fort sérieux et responsable.
Pour faire un pas de plus dans la compréhension du lecteur, je dirai que tout le monde connaît les conditions d’un accord de paix global et définitif par consentement mutuel. Il s’agit "uniquement" de trouver des hommes politiques qui auront la trempe et la poigne nécessaires pour les imposer à leur peuple. Ces conditions sont triviales à en pleurer, car elles représentent le plus grand dénominateur commun objectif que l’on puisse proposer logiquement aux Israéliens et aux Palestiniens :
Jugulation absolue du terrorisme dans les territoires de l’AP.
Adoption d’un statut exceptionnel pour la vieille ville de Jérusalem, imposant le statu quo démographique et le contrôle par chacun de ses lieux saints respectifs.
Création d’un Etat palestinien indépendant sur environ 97-98 % du territoire jordanien d’avant 1967.
Echange de territoires, de manière à ce que les trois grandes zones d’implantations juives – représentant plus de 85 % de leur population - se situent du côté israélien de la frontière.
Démilitarisation de l’Etat palestinien.
Possibilité donnée aux réfugiés de la Diaspora palestinienne de rejoindre l’Etat palestinien.
Réunification de quelques milliers de familles palestiniennes, sur territoire israélien, dans le cadre de cas humanitaires exceptionnels.
Absorption des réfugiés palestiniens dans les Etats où ils vivent.
Réappropriation de Gaza.
Création d’une voie de communication reliant Gaza à la Cisjordanie.
Mise en place d’un plan Marshall en vue de construire une économie palestinienne viable.
Peu importe que cela plaise ou déplaise à certains, ce plan, en onze points, sera l’ossature de l’accord qui enterrera la hache de guerre entre les deux peuples. Mieux vaudrait qu’on s’affaire à en définir les détails et les modalités d’application, que de repartir dans des circonvolutions sans fin. Car, dans l’éventualité où les deux propriétaires de cette sacrée terre ne s’y mettraient pas d’eux-mêmes, on arrivera à un moment, plus ou moins éloigné, où ces onze points seront imposés par les grandes puissances qui régissent la planète. Ce, même si ce n’était que pour retrancher le prétexte principal du programme des islamistes, et même si je suis absolument certain que ce n’est pas la résolution de notre conflit qui les fera renoncer à leur tentative dramatique de s’emparer de la totalité du monde.
Ceci dit, pendant qu’elle négocie avec Israël, l’Autorité Palestinienne déploie de grands efforts pour organiser la résistance armée dans la bande de Gaza sous contrôle du Hamas. Les combats entre les deux courants ont fait une quinzaine de morts palestiniens et une soixantaine de blessés durant la semaine qui s’achève.
Dans un effort de propagande désespéré, destiné à continuer à défendre la mise en scène de l’assassinat d’un adolescent palestinien, en septembre 2000, par l’armée israélienne, Talal Hassan Abou Rahma, le metteur en scène, poussé par ses amis français, a fait parler Jamal Al-Dura. Ce comédien amateur, qui jouait le rôle du père dans la saynète, a reçu pour consigne de limiter son expression à la fausse polémique tendant à savoir "si ce sont des balles israéliennes ou palestiniennes qui ont tué Mohamad Al-Dura". Ceci, pour remplacer le véritable questionnement : l’assassinat de Mohamad Al-Dura est il un fait de guerre ou une mise en scène ?
Comme preuve de sa "bonne foi", Jamal a proposé d’exhumer le corps de son "fils", afin que l’on puisse constater que les balles qui s’y trouvent sont israéliennes.
Moi, de témoigner que nous avons proposé, à de nombreuses reprises, d’exhumer ce corps et que le "clan des imposteurs" a toujours refusé cette suggestion. Aujourd’hui, j’accepte, avec l’aval de la direction de la Mena, la proposition de Jamal ; non pour vérifier l’origine des projectiles, puisque Palestiniens et Israéliens utilisent les mêmes fusils-mitrailleurs et les mêmes balles, mais pour démontrer que l’enfant enterré comme martyr, au bout d’une longue procession hystérique, a été abattu d’au moins deux balles dans le crâne.
Il s’agit de "l’enfant du matin", découvert par Talal Abou Rahma, avant midi, à la morgue de l’hôpital Shifa de Gaza. Un garçon qui n’a rien à voir avec la mise en scène de la télévision française, qui, selon son commentateur, aurait péri entre 15 et 16 heures. L’enfant de l’après-midi, selon les sources médicales palestiniennes qui en ont fait état, serait décédé d’une balle ayant pénétré le faux martyr sous son sein gauche, avant de l’atteindre en plein cœur. Ces sources, qui auraient ausculté le cadavre de l’enfant, ne font aucune mention de blessures à la tête.
Et puisqu’il est de bonne composition, Jamal A-Dura pourrait également montrer les cicatrices de ses blessures – non pas à l’objectif du faussaire et parjure Abou Rahma mais à un médecin légiste, c’est un peu plus sérieux – afin qu’elles puissent être comparées à celles répertoriées sur le rapport médical de l’hôpital de Tel-Aviv, où Al-Dura a été soigné à la fin des années 80 pour des coups de couteaux.
Il en va de notre salubrité mentale de déconstruire ces faux mythes, sur lesquels sont établis les traits témoignant du caractère monstrueux de notre adversaire. Si nous voulons vivre en paix, il est plus que temps que nous ayons de nous-mêmes une image d’hommes responsables et respectables, et non celle des victimes impuissantes du Minotaure !