"Il n'y a pas que le cottage qui nous ruine"03/08/2011
Efrat Aharoni et Ilanit Hayut
Les récents mouvements populaires révèlent le malaise latent au sein de la population israélienne. Faible pouvoir d'achat, revenus moyens modestes, produits de base en hausse constante. De quoi exaspérer les plus robustes des consommateurs. Et la colère est légitime. Car selon l'étude continue du quotidien économique Globes, les Israéliens dépensent chaque mois deux à trois fois plus que les habitants des principaux pays développés de la planète. Pour des salaires considérablement plus bas.
Le coût de la vie en Israël fait régulièrement les gros titres de la presse. Mais il n'y a pas que le panier de la ménagère qui soit en cause. Dans de nombreux secteurs comme les télécommunications ou les transports, nous payons beaucoup plus cher que dans d'autres pays. Certes, certains prix sont parfois plus abordables. L'électricité, par exemple, émerge régulièrement comme la moins coûteuse du monde. Néanmoins, la comparaison avec les pays situés de l'autre côté de l'Océan n'est pas à l'avantage d'Israël.
Le revenu mensuel moyen d'un Américain s'élève à 13 000 shekels, ou 17 000 shekels dans les grandes villes (selon le site officiel du gouvernement américain). D'après les données de la Communauté européenne, le salaire moyen est de 15 000 shekels en Grande-Bretagne, 16 000 shekels en France et 12 000 shekels en Allemagne. En Israël, il ne s'élève guère qu'à 9 000 shekels.
La difficulté de joindre les deux bouts se ressent lourdement dans tous les secteurs du budget familial. "Je peux sans problème habiller mon fils pour 100 dollars", affirme une Israélienne installée dans le pays de l'Oncle Sam, "alors qu'en Israël, cela me coûterait beaucoup plus cher. Aux Etats-Unis, il existe un très gros marché de vêtements de qualité pour enfants et adultes à des prix qu'en Israël, on ne trouve que dans les bazars, pour une qualité médiocre."
Target, Walmart et The Children's Place sont autant d'exemples de ce type de magasins. Même des chaînes "qui ont fait leur aliya", comme l'Américain Gap ou le Suédois H&M, vendent 15 à 30 % plus cher en Israël qu'ailleurs. Voici quelques autres aspects du budget familial qui ont de quoi faire grincer des dents. Une vie trop chère qui ne se limite pas au prix du cottage...
L'essence : de l'or noir en barres
L'essence, un produit de base dans les zones où l'on manque de transports en commun. Il serait approprié et justifié de manifester contre le prix trop élevé de l'essence, mais contrairement au cottage, que l'on peut renoncer à glisser dans son panier, l'essence est indispensable pour beaucoup d'entre nous et son prix équivaut à un coup de massue : 30 % de plus en Israël qu'en Europe.
Ce sont entre autres les lourdes taxes qui sont à incriminer. Des taxes qui gonflent les prix pour inciter le public à utiliser les transports en commun.
Aujourd'hui, certains appellent à atténuer un peu cette politique au bénéfice du consommateur. En fait, près de la moitié de ce que nous payons à la pompe va directement dans les caisses de l'Etat, sous forme de TVA et autres taxes.
Le prix de l'essence en Israël, affirme Globes, est l'un des plus élevés au monde. Israël est actuellement en douzième position en Europe. Les pays où on la paie plus cher, dont la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Italie et la Hollande, mettent à la disposition du public un réseau de transports en commun bien plus performant qu'en Israël, où le nombre de véhicules particuliers est relativement important. Bien sûr, les prix sont plus bas dans les pays arabes et au Venezuela, où les gouvernements subventionnent le carburant.
La comparaison est encore plus douloureuse avec les Etats-Unis : un litre d'essence coûte environ 3,5 shekels aux Américains, soit deux fois moins qu'aux Israéliens.
Quand l'éducation a un prix...
Le coût des études représente en Israël un problème très controversé, qui a conduit les étudiants à entreprendre de nombreuses grèves. Les 250 000 étudiants du pays doivent débourser de 9 500 shekels dans les établissements subventionnés, à 30 000 shekels dans des instituts privés non subventionnés.
La comparaison entre les institutions éducatives est complexe, car il existe différents modèles, allant de la gratuité totale (principalement en Europe) à une absence de régulations qui rend les tarifs extrêmement élevés (aux Etats-Unis). Ailleurs, y compris en Israël, un tarif minimal est appliqué. Le terme "minimal" ne qualifie pas le montant payé par les étudiants, mais signifie que le gouvernement fixe un tarif pour l'ensemble des universités en fonction du budget qu'il leur alloue. D'une manière ou d'une autre, on peut dire que l'enseignement supérieur en Israël est l'un des meilleurs du monde, comme le confirme l'OCDE, qui a placé le pays à la huitième place parmi 26 autres. Mais les chiffres montrent aussi que l'étudiant israélien paie au moins deux fois plus que son homologue européen.
Télécommunications : de la complexité des forfaits
En terme de télécommunications, difficile d'exploiter davantage le consommateur israélien. Les opérateurs de téléphonie disposent de mille et une façons pour l'embrouiller et l'obliger à mettre la main à la poche en appliquant des tarifs qui pourraient pourtant être revus à la baisse si on faisait davantage jouer la concurrence.
Israël est l'un des pays au monde où l'on paie le plus cher son portable. Le prix moyen d'un forfait tout compris est le troisième plus cher sur la liste, le prix par minute figure dans les dix plus chers du monde et le coût de base au mois est en première place, selon les chiffres du ministère des Télécommunications, Merrill Lynch, l'OCDE, Shaldor Strategic Consulting et quelques autres...
D'après une recherche effectuée par Globes, l'Israélien paye plusieurs centaines de shekels pour des forfaits pourtant limités en nombre de minutes, messages et navigation web. Tandis que les utilisateurs britanniques ou américains bénéficient pour leur part d'appels, de sms et de navigation illimités pour l'équivalent de 100 à 170 shekels.
Et chez nous ? Pour le même montant de 175 shekels, un étudiant peut recevoir de Cellcom (à un tarif spécial réservé aux étudiants, mais inaccessible pour les autres) 400 minutes de communications et de messages (à l'utilisateur de choisir comment il les répartit).
L'affaire la plus intéressante actuellement proposée par Péléphone est un forfait à 180 shekels comprenant 400 minutes, 400 messages et 2 gigabytes de navigation web (mais vous n'aurez plus ce tarif préférentiel si vous souscrivez aujourd'hui). Partner Communications Ltd. réclame 169 shekels pour 250 minutes, 250 sms et 20 MB d'Internet. Reste à espérer que les fournisseurs virtuels, qui commenceront à proposer leurs services cet été, tout comme d'autres compagnies, contribueront à améliorer la situation.
Les forfaits de base pour le câble sont nettement plus chers en Israël qu'à l'étranger, la différence de prix pouvant aller jusqu'à 177 %.
En Israël, les forfaits sans engagement sont considérablement plus élevés que leurs équivalents à l'étranger. Le consommateur israélien paie trois fois plus pour sa liberté : un tarif situé plus de 200 % au-dessus de la moyenne à l'étranger. Avec engagement, les forfaits sont 156 % au-dessus de la moyenne à l'étranger.
Il faut par ailleurs souligner que le prix du câble n'a cessé d'augmenter ces dernières années.
La voiture, un article de luxe ?
Fortes taxes et absence de concurrence : le marché de l'importation rend le coût de la voiture en Israël rien moins que scandaleux. La comparaison avec le coût d'un même véhicule, ailleurs en Occident, reste toujours douloureuse. Même en Grande-Bretagne, l'un des pays les plus chers de l'Union européenne, une Mazda 3 coûte l'équivalent de 80 000 shekels.
En Israël, il faut débourser pour la même voiture quelque 115 000 shekels. La différence est encore plus flagrante avec la Honda Civic : 115000 shekels en Israël et 16000 dollars (55000 shekels) aux Etats-Unis. Les voitures d'occasion n'échappent pas à la règle. Pour une Subaru B4, modèle de l'an 2000, comptez 30 000 shekels en Israël, alors qu'aux Etats-Unis, le prix de l'argus la plafonne à 5000 dollars (17 000 shekels).
Un mot sur le leasing. Très populaire aux Etats-Unis auprès des particuliers, en Israël, cette méthode de crédit est beaucoup moins intéressante pour les privés que pour les entreprises.
Un petit chez soi au prix du palais d'un roi
En matière d'immobilier, les prix se sont envolés. Mais il n'y a pas qu'en Israël que les loyers sont exorbitants. Même s'il existe des différences significatives d'une ville à l'autre, ce qui rend la comparaison difficile, on peut affirmer que les prix sont plus élevés aux Etats-Unis.
Un appartement loué à 6 000 shekels par mois à Tel-Aviv coûterait 4 000 dollars (14 000 shekels) à New York ou Los Angeles, mais à peu près le même prix dans une ville moyenne d'Amérique. On paie plus de 2 000 dollars (7 000 shekels) pour un trois-pièces à San Francisco.
A Paris, il faut compter 700 à 900 euros (3 400 à 4 400 shekels) pour un 30 m2, 800 à 1 000 euros (3 900 à 4 900 shekels) pour un 50 m2 et 1 200 à 2 000 euros (5 900 à 9 800 shekels) pour un 80 m2. Et à Berlin ? Là, c'est plus abordable : pour un 40 m2 au centre-ville, dans le quartier le plus cher, chauffage compris, il faut débourser 500 à 600 euros (2 500 à 3 000 shekels). L'équivalent dans un quartier moins prisé, à 10 minutes du centre en voiture, par exemple, coûterait de 350 à 500 euros (1 700 à 2 500 shekels). Pour un trois-pièces à Tel-Aviv, il faut compter 6 000 shekels par mois.
Produits d'ici moins chers ailleurs
A la lumière du débat sur les prix des denrées alimentaires, Public Trust a établi un index pour étudier chaque semaine le prix de 10 produits et le comparer avec leur équivalent dans d'autres pays du monde. Les prix et les quantités relevés ont été ajustés en fonction du pouvoir d'achat de chaque pays.
Le premier rapport, publié par l'organisation, fin juin, établissait des différences importantes et régulières en Israël, où les prix sont pourtant censés être régulés par la libre concurrence. L'étude ne concerne pas que les produits laitiers.
Des différences peuvent également être notées pour les produits d'importation, à une période où le shekel se renforce pourtant et où, de fait, les importations coûtent moins cher.
Aussi absurde que cela paraisse, certains produits israéliens sont vendus moins cher aux Etats-Unis qu'en Israël, malgré le coût du transport et la petite taille du marché. Des produits manufacturés par des entreprises comme Wissotzky, Osem, Materna, Elite, Yad Mordechaï, Yachin et Kvoutsat Yavné, et que l'on trouve dans certains supermarchés de New York, par exemple, sont inférieurs de plusieurs dizaines de pourcents aux Etats-Unis qu'en Israël.
Par exemple, une boîte de 20 sachets de thé vert Wissotzky est vendue 10,20 shekels aux Etats-Unis, tandis qu'en Israël, la boîte de 25 sachets coûte 24 shekels, soit plus du double. De gros écarts de prix ont également été constatés pour d'autres produits Wissotzky, comme les thés parfumés de la collection Magical Garden.
Même chose pour les soupes Osem et les céréales pour bébés Materna. La crème de blé Materna coûte 10,20 shekels aux Etats-Unis pour 25 shekels en Israël. Quant aux chewing-gums Elite, ils sont 85 % plus chers en Israël que dans certaines chaînes américaines de supermarchés.
En outre, Globes a découvert que pour certains produits, le consommateur américain paie moins cher que le commerçant israélien qui l'achète en gros. D'après ses données, le prix de gros déboursé par les supermarchés israéliens pour du thé vert Wissotzky est de 20,80 shekels, soit 62 % plus cher que celui payé par le consommateur américain. Et la crème de blé Materna coûte à la même chaîne de supermarchés israéliens 13,80 shekels, c'est-à-dire 35 % de plus qu'au consommateur américain.
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Contrairement au cottage, que l’on peut renoncer à glisser dans son panier, l’essence est indispensable pour beaucoup d’entre nous et son prix équivaut à un coup de massue.
PHOTO: MARC ISRAËL SELLEM , JPOST