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Alain Nedjar et Gilles Boulu font paraître leur découverte généalogique dans un ouvrage

Alain Nedjar et Gilles Boulu font paraître leur découverte généalogique dans un ouvrage

Par Noémie Halioua | L'Arche |

 

 

 

Alain Nedjar et Gilles Boulu ont fait paraître « La communauté juive portugaise de Tunis dite Livournaise ou grana » aux éditions du  Cercle de Généalogie Juive (CGJ). Un livre qui regroupe le fruit de recherches, dont deux registres renfermant les contrats de mariage de cette communauté de Juifs italo-ibériques. Les auteurs se sont entretenus avec l’Arche magazine pour expliquer leur démarche et la portée de leur découverte.

L’Arche magazine – Qu’est-ce qui vous a mené à vous intéresser à la généalogie en générale et celle des juifs tunisiens en particulier ?

Gilles Boulu : Passionné d’histoire et de généalogie depuis l’adolescence, je me suis naturellement intéressé à la généalogie juive tunisienne en raison de mon ascendance maternelle. Depuis une dizaine d’années, des sources généalogiques inédites (Archives, Internet…) m’ont amené à écrire plusieurs articles sur des familles juives tunisiennes dont je descends (De Paz, Lumbroso, Scemama…). Il y a quatre ans, l’afflux considérable de ces sources a entraîné au sein du Cercle de Généalogie Juive la création d’une « section tunisienne » forte de quelques passionnés, sous la coordination  de Thierry Samama.

Alain Nedjar  : Pour ma part, c’est l’inverse qui s’est produit. A la suite du décès de mon père, puis de ma mère à quelques jours d’intervalle, j’ai pris conscience d’être le seul et le dernier, porteur de la mémoire ancestrale. Comme souvent chez les Juifs, pour des raisons cruellement historiques, ou par leur souci de « tourner la page », je n’ai eu de mes parents que le « silence en héritage ». C’est ainsi que je me suis mis à la recherche de nos racines, mon épouse m’ayant  fait découvrir le Cercle de Généalogie Juive. C’est dans le cadre de recherches particulières, que j’ai réalisé très vite l’absolue nécessité d’œuvrer pour la mémoire des Juifs tunisiens en général.

L’Arche magazine – Comment avez-vous découvert ces deux nouveaux registres de contrats de mariage ? Qu’apportent-t-ils de nouveau ?

Gilles Boulu : Un de nos correspondants de Tunis, Moché Uzan, a découvert par hasard il y a deux ans aux archives du Grand rabbinat de Tunisie ces deux registres matrimoniaux de la communauté juive portugaise de Tunis. Ils étaient inconnus des chercheurs israéliens de l’institut Ben-Zvi de Jérusalem (Robert Attal et Joseph Avivi)  qui avaient publié trois autres registres de la même série il y a une vingtaine d’années. Dorénavant nous disposons d’un corpus exceptionnel de cinq registres renfermant près de 2000 ketoubot s’étalant en continu entre 1788 et 1881,  permettant avec d’autres sources de retracer l’histoire de ces familles de Juifs livournais ou « grana » qui ont représenté jusqu’à 15 % des Juifs de Tunisie.

Alain Nedjar : Parmi de nombreuses pistes où nous ont entrainé nos travaux, l’une d’entre elles nous a amené vers les archives du Rabbinat de Tunisie, et c’est parmi une multitude de documents non classés, que nous avons découvert 2 registres matrimoniaux, lesquels  n’avaient jamais été retrouvés depuis près de 2 siècles… La nouveauté réside dans le fait qu’ils sont les maillons manquant d’une chaine d’enregistrements des mariages, et comme le dit Gilles, ont rendu enfin possible la reconstitution de généalogies, jetant ainsi un pont entre le passé et le présent.

L’Arche magazine – Le chapitre sur le langage des signes, révèle la signification cachée des paraphes rabbiniques. Pouvez-vous nous expliquer ce que déchiffrage a apporté à vos recherches ?

Gilles Boulu : Le déchiffrage de ces paraphes rabbiniques nous a permis d’ une part, de reconstituer la chronologie des rabbins de la communauté juive portugaise de Tunis (1710-1944) en la confrontant à d’ autres sources; d’ autre part, une étude généalogique de plusieurs famille rabbiniques tels les Carvalho, les Boccara ou les Bonan, en étudiant la transmission de ces signatures de père en fils. Enfin, l’aspect esthétique de ces paraphes n’est plus à démontrer.

Alain Nedjar : Tout d’abord, un « choc esthétique », ces paraphes calligraphiques étaient particulièrement beaux et étonnamment expressifs ; la personnalité même des rabbins était condensée en quelques mots et signes, formant une véritable  « empreinte » qui identifiaient sans le moindre risque d’erreur chacun de leur signataire. Une fois l’impression première passée, on pouvait s’interroger sur l’étrangeté de certains signes, qui se répétaient, et qui ne pouvaient pas être le fruit du hasard. C’est l’examen d’un très grand nombre de paraphes qui a permis de « casser le code » ou tout au moins, de décrypter le « langage » caché, que nous explicitons dans notre livre…

L’Arche magazine – Avez-vous d’autres projets de recherches en généalogie pour les années à venir ?

Gilles Boulu : Au sein du Cercle de Généalogie Juive, nous avons défini un plan de dépouillements et de relevés systématiques des différentes sources disponibles afin de les publier. Plusieurs projets sont déjà achevés et publiés en ligne ou sous forme d’ouvrages, tels la base  » BECANE » concernant  l’état civil des Juifs de Tunisie entre 1886 et 1913, l’état civil des Juifs de Livourne entre 1808 et 1865 ainsi qu’un ouvrage sur les Protégés israélites du Consulat de France (1830-1913). D’autres projets sont en cours tels les relevés des archives du consulat de France à Tunis, le cimetière juif de Borgel, etc…

Alain Nedjar : Fort de l’intérêt suscité par nos travaux, nous ambitionnons avec l’équipe du Cercle de Généalogie Juive (Thierry Samama, Gilles Boulu, Liliane Nedjar, et moi-même), de reconstituer toute la chaine généalogique de la communauté juive de Tunisie, afin qu’en plongeant nos racines au plus profond, il devienne impossible de déraciner l’arbre de notre mémoire.

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