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Cisjordanie : le point de vue des sionistes religieux

 

Cisjordanie : le point de vue des sionistes religieux (info # 013009/11) [Analyse]

Par Sandra Ores ©Metula News Agency

 

La Ména, ayant la réputation d’être opposée aux activistes religieux de toutes les croyances en général, a voulu démontrer qu’elle sait également leur donner la parole.

 

C’est ainsi que je me suis entretenue avec le Rav(rabbin) Shlomo Aviner [article équilibré de Wikipédia. Ndlr.], figure incontournable du leadership spirituel du courant religieux nationaliste en Israël. Il est le rabbin de l’implantation de Bet El (la maison de Dieu), et dirige également une célèbre yeshivah – Ateret hacohanim - dans la vieille ville de Jérusalem.

 

En lui posant des questions de fond, j’ai été surprise par son calme. Je vous laisse le lire, sans ajouter à ses réponses le moindre commentaire de ma part, ce qui serait malvenu au sens de l’information objective à laquelle vous avez droit :

 

La Ména :L’Etat d’Israël d’aujourd’hui correspond-il à votre vision idéale de ce qu’il devrait être ?

 

Shlomo Aviner :A mon avis, absolument ; évidemment, c’est une question dynamique, et personne n’a jamais pensé que l’Etat d’Israël serait, dès le premier jour, l’Etat rêvé ; mais il avance à grands pas, et dans le bon sens.

 

Le rabbin et leader spirituel Shlomo Aviner

 

Tout d’abord du point de vue matériel et économique : l’économie se renforce ; du point de vue sécuritaire, l’armée israélienne nous protège avec une grande efficacité ; du point de vue social : les services sociaux en Israël, la sécurité sociale, la médecine sociale sont excellents ; du point de vue de la cohésion nationale : les gens sont venus de tous les pays du monde, assez disparates dans leur nature, et aujourd’hui, ils se connaissent, la confiance apparaît ; du point de vue religieux également : la religion se renforce de jour en jour.

 

La Ména :Selon vous, est-ce une bonne chose que "la religion se renforce de jour en jour" ?

 

Shlomo Aviner :Evidemment ! La religion juive, c’est la religion du peuple juif. Je suis heureux que les gens se ressourcent, s’investissent, s’intéressent, étudient.

 

Donc de façon générale, les choses vont de l’avant. Evidemment, ce ne sont pas des mathématiques, mais des statistiques, avec des hauts, des bas, des problèmes, des difficultés ; mais en gros, on progresse. Ce n’est pas une histoire banale, celle d’un Etat, créé dans de telles difficultés, et qui, après soixante ans, est parvenu à une telle réussite

 

La Ména :Selon vous, l’ensemble de la Judée-Samarie devrait-elle être rattachée à l’Etat d’Israël ?

 

Shlomo Aviner :Bien évidemment, ça fait partie de l’Etat d’Israël, du point de vue historique. C’est à nous, cela a été reconnu par la déclaration Balfour, ainsi que la déclaration de San Remo, cela fait environ 90 ans.

 

Balfour avait dit aux Arabes : "Mais de quoi vous plaignez-vous ? Vous avez reçu un territoire cinq cents fois plus grand que l’Etat d’Israël, qui ne constitue qu’une petite niche. Donc la Judée Samarie, c’est à nous, d’après l’histoire, d’après la reconnaissance internationale ; il n’y a aucune raison que cela appartienne nationalement aux Arabes.

 

La Ména :Et quelle est la solution pour les Arabes de Judée-Samarie ?

 

Shlomo Aviner :La même qui prévaut pour les Arabes en France : s’ils veulent habiter en France, ils le peuvent, à condition d’être des citoyens honnêtes ; s’ils veulent un pays à eux, il y a, à peu près, cinquante pays arabes.

 

Ils ne peuvent pas exiger d’avoir une enclave autonome en France. Ce n’est pas parce que les Arabes sont venus en France, je ne sais pas quand, qu’ils ont des droits nationaux ; ce n’est pas parce qu’ils sont venus en Israël, environ la veille de la Guerre d’Indépendance, qu’ils en ont davantage. L’idée que le territoire leur appartenait, consistait en un calcul politique des Anglais. Alors vous voyez…

 

La Ména :Pensez-vous que l’Etat d’Israël pourrait intégrer l’ensemble de cette population arabe ?

 

Shlomo Aviner :Oui. Les Arabes doivent décider s’ils veulent être des citoyens honnêtes de l’Etat d’Israël, comme il y en a beaucoup d’ailleurs ; il n’y a aucun problème.

 

La Ména :Donc vous pensez que les habitants de Hébron ou de Ramallah pourraient être des citoyens israéliens au même titre que tous les autres citoyens israéliens ?

 

Shlomo Aviner :Parmi les citoyens israéliens, on trouve 75% de Juifs, 20% d’Arabes, 5% de toutes sortes de minorités ; ça existe ! Le mélange des populations existe aussi en France.

 

La Ména :Pensez-vous que les Arabes devraient avoir les mêmes droits que les citoyens israéliens juifs?

 

Shlomo Aviner :Oui, comme dans tous les pays du monde ; on peut être accepté, recevoir des droits, à condition que l’on accomplisse ses devoirs, c’est bien évident.

 

La Ména :Cela ne vous pose pas un problème au niveau démographique ?

 

Shlomo Aviner :Non. Il est vraisemblable que, si les Arabes sont placés devant le choix, soit d’être citoyens de façon pleine et entière de l’Etat d’Israël, soit de choisir l’indépendance, la majorité choisira la citoyenneté.

 

Je discute souvent avec des Arabes qui habitent en Israël, des voisins - ma yeshivah se trouve en vieille ville de Jerusalem, dans le quartier arabe – et ils me disent : "Vous savez, le pays du monde ou nous vivons le mieux, c’est l’Etat d’Israël ; mieux que dans tous les pays arabes, et même mieux qu’en Amérique.

 

Pourquoi mieux qu’en Amérique ? Là-bas, les écoles sont publiques ; si vous voulez une école juive, il faut la payer ; si vous voulez une école musulmane, il faut la payer. Alors que dans l’Etat d’Israël, les écoles arabes sont souvent financées par le gouvernement.

 

Je ne vois aucun problème en tout cas, concernant la fusion de la Judée-Samarie avec l’Etat d’Israël. Il n’y a aucune raison morale, ni historique, pour que ce territoire en reste séparé.

 

La Ména :Il existe aujourd’hui, en Israël, un profond clivage entre les laïcs et les datiim (les religieux) qu’en pensez-vous ?

 

Shlomo Aviner :C’est inexact. Cela existe pour les media, ça n’existe pas dans la réalité. Dans la réalité, il y a des relations extrêmement profondes entre les religieux, les non-religieux, les laïcs, les ultra-orthodoxes, la droite, la gauche, etc.

 

Le brassage se retrouve dans la famille : dans chaque famille, il y a des gens qui habitent Hébron. Ca se retrouve au travail et à l’armée ; parce que si ça ne se retrouvait pas à l’armée, on pourrait la fermer.

 

L’armée est fondée sur l’amitié, sur la fraternité, et, dans chaque unité, il y a des religieux, des non religieux, la droite, la gauche, des ashkenazim (Juifs originaires d’Europe de l’Est), des sépharadim (Juifs originaires d’Afrique du Nord), tout ce que vous voulez ; on s’y dévoue les uns pour les autres.

 

Dans chaque groupe, il y a également des fanatiques, des extrémistes, et ce sont eux qui font les nouvelles : des minorités extrêmement virulentes.

 

La Ména :Votre yeshivah, par qui est-elle financée ?

 

Shlomo Aviner :Elle est financée comme toutes les yeshivot d’Israël. Une minorité des fonds provient d’un financement gouvernemental ; au reste, ce sont les élèves, les parents des élèves plutôt, qui la financent.

 

Et pour une autre partie, ce sont des gens qui soutiennent la yeshivah, des donateurs. Il y a deux espèces de donateurs, les grands et les petits. Les petits donateurs donnent, chaque fois, par exemple, vingt shekels ; mais il y en a des milliers ! Ils habitent tous Israël ; quant aux grands donateurs, une moitié vit en Israël, l’autre en dehors du pays.

 

La Ména :Lorsque vous dites : "Une minorité est financée par le gouvernement", de combien de pourcents s’agit-il à peu près ?

 

Shlomo Aviner :Je ne sais pas exactement, peut-être trente ou vingt. Les chiffres ne sont pas secrets de toutes manières. Le financement s’effectue par tête (d’étudiant). Toutefois, le financement d’un élève de yeshivah est bien inférieur au financement d’un étudiant à l’université, les dépenses sont moindres.

 

La Ména :Avez-vous beaucoup d’étudiants français dans votre yeshivah ?

 

Shlomo Aviner :Non, je crois qu’il y en a un ou deux. Il y a un ou deux français, un ou deux russes, un ou deux américains, un ou deux ukrainiens ; à 90%, ce sont des Israéliens. Nous avons deux cent cinquante élèves.

 

La Ména :Ces hommes, qui étudient la Torah toute leur vie, et qui, en général, ne font pas l’armée et vivent grâce à l’aide de subventions de l’Etat, pensez-vous, qu’en retour, ils apportent quelque chose à la société israélienne ?

 

Shlomo Aviner :En principe oui, mais votre énoncé est à nuancer fortement. Tout d’abord, dans notre yeshivah, les élèves vont tous à l’armé ; un certain nombre d’entre eux y ont même fait carrière. Ils étudient un certain nombre d’années, ensuite, ils vont souvent enseigner.

 

Et, en fin de compte, la grande majorité des ultra-orthodoxes n’étudient pas toute leur vie durant : ils vont travailler. Les bourses d’études de yeshivah ne s’élèvent, en effet, qu’à mille shekels par mois [environ 200 euros. Ndlr.] ; cela peut convenir à un jeune couple, dans lequel la femme travaillerait, et avec un enfant ou deux seulement ; à partir du troisième, c’est dérisoire : on ne peut pas vivre avec mille shekels par mois, c’est impossible. Donc, en fin de compte, ils vont travailler.

 

La Ména :Les soldats israéliens israélites, selon vous, doivent-ils écouter leur officier ou leur rabbin ?

 

Shlomo Aviner (en souriant) :Ils doivent écouter leur rabbin, mais leur rabbin dit d’écouter l’officier. Le rabbin peut parler de moralité militaire, et, par exemple, dire que la Judée-Samarie appartient au peuple Juif ; mais le rabbin, en fin de compte, ce n’est pas l’officier.

 

La Ména :Est-ce une mitzva pour vous d’habiter en Judée Samarie? (une mitzva est une prescription contenue dans la Torah, elles sont au nombre de 613)

 

Shlomo Aviner : Oui absolument. C’est une mitzva d’habiter dans tout Israël, et, à plus forte raison, c’est important d’habiter en milieu où il y a peu de gens. Chaque mitzva qui est négligée, il faut la renforcer. C’est une mitzva d’habiter à Tel-Aviv, mais, en Judée-Samarie, elle est plus forte, parce qu’elle manque de gens.

 

La Ména :Est-elle plus forte qu’en Galilée, où il y a toujours une majorité d’Arabes ?

Shlomo Aviner :Oui, en Galilée aussi il s’agit d’une forte mitzva. J’ai habité en Galilée, j’étais rabbin dans la Galilée inférieure, près de Tibériade ; la proportion de Juifs relativement aux Arabes était, à l’époque, de un pour 28, c’est-à-dire un Juif pour 28 Arabes

 

La Ména :Cette mitzva, contribue-t-elle à garantir votre vie éternelle ?

 

Shlomo Aviner :(Il rit franchement) Chaque mitzva contribue à la vie éternelle ; j’ignore si les gens font les mitzvot pour la vie éternelle ou plutôt parce qu’ils ont le sens du devoir : il s’agit d’un devoir comme un autre.

 

En général c’est un devoir assez agréable. Les gens qui habitent en Judée-Samarie sont heureux. Ils pourraient habiter ailleurs, personne ne les y force. On ne peut pas habiter toute sa vie dans un endroit que l’on n’apprécie pas. Les gens s’y sentent bien.

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