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D’une haine gratuite à l’amour gratuit

 D'une haine gratuite à l'amour gratuit

Par Rony Akrich pour Guysen International News

 

Selon la tradition, la destruction du Premier Temple fut provoquée par la transgression des trois méfaits les plus farouchement prohibés dans le judaïsme : le meurtre, l'idolâtrie et la débauche. Ce sont en effet des délits pour lesquelles la Torah nous prescrit clairement : « Vous mourrez mais vous ne les enfreindrez point ». En revanche, c'est à cause d'un seul crime, la haine gratuite, que le Second Temple a été ruiné par les armées romaines.

 

Il est deux formules psychiques de la haine : la haine de l'autre et la haine de soi, celle-ci n'apparaissant pas en général comme telle. Mais il faut comprendre que les deux ont une racine commune, le refus de la structure mentale d'admettre ce qui, pour elle, est, au même titre, étranger : l'individu assimilé dont elle a été forcée de revêtir la forme, les individus sociaux dont elle est forcée d'accepter l'accompagnement.

 

La haine détermine la guerre et se manifeste dans la guerre. La phrase d'André Malraux, dans Les N oyers d'Altenburg : « Que la victoire dans cette guerre reste à ceux qui l'auront faite sans l'aimer », exprime un vœu réfuté par la réalité de quasiment tous les conflits. Autrement, on ne saisirait pas comment il aurait été possible pour des millions et des millions de gens à travers toute l'histoire collective de l'espèce humaine d'être prêts, d'une seconde à l'autre, à abattre des personnes inconnues et à être tués par elles. Et, lorsque les expédients de ce réservoir de haine ne sont pas résolument désignés, ils se manifestent sourdement sous les formes du mépris, de la xénophobie et du racisme.

 

On aurait pu penser qu'au moment de la seconde destruction, le comportement des Juifs était peut-être moins incriminable. Mais le Talmud refuse cette approche et propose de juger ces deux tragédies en fonction de leurs conséquences pour Israël dans le temps.

 

Le Talmud appréhende la faute de la haine gratuite, devenue si courante à l'époque du Second Temple, comme clairement plus sérieuse que les trois interdits antérieurement évoqués. Selon lui, en ces temps troublés, le peuple juif pouvait en effet révérer la Torah et ses lois, pratiquait la générosité envers autrui, et en même temps, être capable de s'abandonner à une haine dévastatrice et injuste. Comment concevoir une telle contradiction ? Comment le peuple juif pouvait-il en même temps étudier la Torah et dispenser tant de haine ? S'il agissait ainsi, était-ce en raison des carences dans son étude ? Comment pouvait-on respecter les commandements tout en haïssant l'autre ? N'est-il pas écrit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ? Le peuple avait-il donc omis d'étudier ce commandement ? Et lorsqu'il est question d'altruisme, comment accorder ce trait de caractère avec la haine gratuite ?

 

Il suffit qu'un certain nombre de personnes soient réunies par hasard dans le compartiment d’un train et qu'elles sympathisent entre elles pour que soudain tous les autres passagers soient considérés d’un œil méfiant et même vaguement hostile. C'est ainsi que commence tout sectarisme : que des hommes parlent entre eux, et les voilà misogynes ; que des autochtones se reconnaissent, et les voilà xénophobes...

 

Où que l’on soit, avec quiconque, un instinct grégaire nous rapproche, et nous distingue du reste du monde : il y a « les miens »... et les autres qui, manquants, ont toujours tort. Au niveau particulier déjà, un homme qui cherche à s’affirmer se compare à l’Autre. L’Autre : cette horreur (ça réfléchit ! ça n’est pas semblable à moi ! c’est tellement insolite, il n’est pas certain qu'il admette mes capacités !) qui vit malgré ma gène, et même qui m’est indispensable. Il cherche à se discerner, à se découvrir lui-même, il doit concéder les limites du soi que l’autre personnifie. L’autre est une négation de soi, intolérable dès l’abord.

Le groupe aura une même impression désobligeante face à un milieu inhabituel et donc contradictoire. Il paraît inacceptable que d’autres prônent des valeurs différentes, agissent de concert mais pas comme nous. Même avec les meilleurs sentiments du monde (par exemple en considérant que les étrangers sont précieux parce que dissemblables), nous n’évitons pas les guerres de synagogue : nous parlons, dans le meilleur des cas, d’intégration (il s’agira d’intégrer les autres dans notre système), comme si les autres ne devaient pas persister trop longtemps à rester hors de nous.

 

Tout un chacun reprochera à autrui de ne pas saisir l’évidente concordance de ses règles, l’autre est fautif d’être différent. Sa différenciation est vue comme un déni de communiquer. On impute à l’autre d’établir une rupture inadmissible ; quand on le peut, on va jusqu’à l'obliger à nous reconnaître, on désirerait tarir l’étrangeté comme une bizarrerie qu’il ne s’agirait jamais que de faire trépasser pour qu’enfin nous soyons tous entre nous. Les autres sont autant d’objets de tentation qui nous fuient, ils ne sont cependant pas des choses, nous le voudrions, sans cesse nous tentons de les transformer, de les exploiter, de les torturer jusqu’à leur faire admettre notre éminence dans notre monde. Il faut vaincre pour convaincre…

 

En fait, les Juifs de l'époque percevaient le commandement d'aimer son prochain à leur façon : ils alléguaient que leurs prochains dont la Torah discute n'étaient que leurs « proches », les gens de leur milieu, de leur groupe, et certainement pas l'ensemble du peuple. Ils estimaient ainsi posséder la science infuse, tandis que les autres étaient dans l'erreur et méritaient la mort.

 

Pour ces leaders de clans, le monde était divisé en deux parties : les « bons » qui faisaient partie de leur entourage, et les autres qui étaient haïs et détestés uniquement parce qu'ils ne se rangeaient pas à leur avis. Ils disaient ainsi : « Quiconque est différent de moi est mon ennemi ». Or la haine gratuite, c'est précisément cette négation de l'autre.

 

L’accueil de soi par amour de soi, on est violent parce qu’on ne s’aime pas, parce qu’on se nie soi-même. La brutalité m'abandonne lorsque je suis capable de m’affirmer moi-même, c’est une invraisemblance car on croit souvent que n’être pas violent, c’est « penser aux autres », donc limiter l’affirmation de soi. Or c’est l’illusion sur laquelle repose toute violence, l’illusion que nier l’autre, c’est s’affirmer soi-même ; que l’affirmation de soi implique la négation de l’autre. C’est le contraire qui est vrai, la violence, négation de l’autre, repose sur une profonde négation de soi, sur la haine de soi. Inversement, l'authentique révélation de soi est toujours aussi révélation de l’autre.

 

Le juste amour de soi est amour de l’autre. C’est ce que nous enseignent les sages. La sagesse, c’est une réception inconditionnelle de l’être, de soi et de l’autre. C’est l’affirmation souveraine, le oui sans réserve à l’abondance de la vie, à la naissance et à la mort des figures. La sagesse est un oui à l’existence. Le sage est donc dans l’affirmation absolue de soi. Et c’est ce qui lui permet d’être dans l’affirmation, dans la confirmation absolue de l’autre. Face à un sage, on se sent accueilli inconditionnellement, on se sent aimé. La violence est un non ontologique. La sagesse, un oui existentiel. La sagesse est la seule véritable non-violence.

 

Mais que signifie « haïr gratuitement » ? Lorsque c'est la conduite pernicieuse du prochain qui la motive, elle n'est donc pas vraiment gratuite et sans raison. Mais elle n'en demeure pas moins interdite. Au lieu d'haïr notre prochain, essayons de le reprendre et surmontons notre ressentiment qui est malsain pour tout le monde.

Le premier entendement est la conception initiale de soi à soi, car comprendre c’est prendre avec soi. La principale intimité est la familiarité originaire de soi à soi, car nul ne saurait être l'intime de qui que ce soit, s’il n’est d’abord l'intime de lui-même.

 

C’est uniquement quand la conscience de soi a été indéniable que la conscience de l’autre peut l’être, et peut l’être en un lieu qui n’est pas exclusivement celui de la pensée, mais aussi celui du cœur. C'est dans l’harmonie du sentiment, par delà toute différence et distinction, que prend place la faculté. Il n’existe pas de confusion ni de rupture dans le renvoi au Soi mais unité. Il y a éveil de l’un par l’autre, compréhension au sens pur du terme de l’un par l’autre, c’est-à-dire prise de l’un en l’autre et de l’autre en l’un. Les termes autre et un ne sont pas réversibles, car l’autre est dans l’Un et c’est dans l’un que l’autre est aimé et accepté pour ce qu’il est.

 

Dans les mille façons de s'exprimer, de raconter l’unité, il y a celle qui hasarde le jeu de la différence et qui décide que, dans cette totalité, tout sert à l’unité, rien ne peut être en dehors d’elle. Elle est la voix qui dit d’ouvrir les bras et le cœur et de prendre tout en soi, de prendre tout, celle de l’acceptation. Le Oui intégral à la Vie, à la vie qui est précisément le jeu de l’unité dans la multiplicité. Ce que nous avons besoin de redécouvrir encore et encore, ce n’est pas tant de reconnaître par la pensée que l’autre est autre et tout autre, que d’aller trouver l’autre en soi-même.

Visitez les demeures des autres qui sont en vous, allez rencontrer le autres qui sont en vous … Faites l’exercice de retrouver en vous – par le sentiment le plus profond – la présence de l’autre.

 

Toute autre est la haine gratuite.

Dans son introduction à son commentaire sur la Torah intitulé Hamek Davar, le Natziv, Rabbi Naphtali Tzvi Yehouda Berlin, estime que la haine gratuite est l’excrétion de personnes différentes de soi ou appartenant à un autre courant de pensée que le sien: on ne hait pas de haine gratuite une personne spécifique, mais on peut haïr un groupe de personnes. Pourtant, chaque être humain est différent de l'autre et ce droit à la différence est essentiel.

 

A l'époque du Second Temple, cette haine, injustement cristallisée par des hommes de loi et de foi, était au nom de cette loi et de cette foi. Dès que l'on se réclame d'une quelconque cause, on fait tout pour la justifier et la travestir d'une reconnaissance éminente. « L'enfer est pavé de bonnes intentions », dit le proverbe. Cette haine avait donc des fondements idéalistes, Il y avait bel et bien des Justes et des sages mais, ceux là, n'avaient nul égard envers autrui.

 

Le sentiment religieux, la foi des individus et des groupes humains révèlent toujours des aspirations éthiques et sociales plus ou moins universelles: non-violence, sécurité, bonheur, salut post-mortem, soumission à un ordre juste, autonomie etc. Or ces espoirs ne sont pas fatalement conciliables et cette incompatibilité vécue exige toujours réflexion, compromis et implique conflit et dialogue avec soi et les autres. Toute religion, comme machine de pouvoir, doit donc s'adapter à l'évolution des sociétés pour en contrôler le cours et ce afin de préserver son savoir auprès des consciences.

 

Elle doit pour ce faire interpréter et ouvrir le contenu sacré qui la fonde idéologiquement à la discussion rationnelle à un effort de réinterprétation en son sein. Le fanatisme est pour elle à terme un danger mortel. Si donc tout fanatisme est religieux, y compris les fanatismes prétendument athées dès lors qu'ils se réclament de dogmes salvateurs irrationnels indiscutables, toute religion n'est pas toujours fanatique, mais elle a tendance à le devenir dans un contexte où son autorité est compromise et/ou elle ne peut répondre aux évolutions culturelles et économiques des sociétés sur lesquelles elle prétend exercer son autorité spirituelle.

 

Le recul du fanatisme religieux signifie soit le recul du religieux dans la vie politique et sociale et sa mise à l'écart dans la vie privée (situation actuelle), soit sa capacité à prendre en main le changement qui s'annonce en se corrigeant dans un sens favorable aux aspirations nouvelles qu'il met en œuvre.

 

Mais une religion de la liberté de pensée sans rivage transcendant, ni contrôle des consciences est logiquement absurde. Donc toute religion est travaillée de l'intérieur entre l'exigence de soumission à l'autorité divine et cléricale et la nécessité d'une évolution libératrice. Refuser cette contradiction est donc objectivement pour elle un signe de faiblesse mortelle ; elle cherche alors, dans le pire des cas, à le refouler dans l'extrême violence paranoïaque compensatrice et narcissiquement enivrante contre la réalité humaine et les aspirations des sociétés au changement et des individus à une plus grande autonomie.

 

En fait, nous remarquons que le laps de temps du premier exil a été trop court pour permettre au tempérament de l'homme de se modifier. Le peuple n'a pas pu reconnaître son méfait et lui trouver une thérapeutique : il a conservé sa nature païenne, violente et débauchée qui l'avait déjà précipité dans la forfaiture.

En effet, à l'époque du Premier Temple, tout le monde pouvait constater les meurtres ou les actes de débauche.

 

Dans le traité talmudique Yoma (p. 9b), on nous explique ainsi : « Les premiers, leurs fautes étaient perceptibles c'est pourquoi leur délivrance de l'exil a été rapide. Mais les derniers, leurs fautes n'étaient pas palpables, c'est pourquoi leur exil se poursuit encore ».

Il ne faut donc pas se fier aux apparences. Les transgressions de l'époque du Premier Temple semblaient beaucoup plus graves que celles du Second, car au Second Temple, les commandements y étaient respectés... Mais la perception de nos Sages a toujours été plus profonde: ils ont compris que la situation du peuple à l'époque du Second Temple était en fait plus grave. Le célèbre historien Flavius Josèphe décrit parfaitement bien l'état d'esprit qui régnait alors: «Pendant la journée, nous luttions contre les Romains et pendant la nuit, nous luttions les uns contre les autres.» Est-il capital d'être un grand dirigeant pour appréhender que la volonté du peuple à se défigurer au devant de son histoire, amèneraient les Romains à une victoire et à une reddition sans conditions ?

 

A notre époque, nous semblons avoir fait de très net progrès en matière d'histoire générale: D.ieu soit loué, il n'existe pas de guerre civile entre Juifs, même si de sérieuses différences d'opinion continuent de partager notre société.

On classe ainsi trois mouvements primordiaux au sein du peuple juif : les religieux, les nationalistes et les séculiers.

 

Le mouvement religieux reste soucieux de la seule étude de la Torah utilitaire. Le mouvement nationaliste s'assure d'un sérieux essentiel à restituer la souveraineté juive sur cette terre. Quant au courant humaniste ou laïc, il cède la primauté aux valeurs humaines, ainsi qu'aux idéaux de la culture et de la moralité, sans tenir compte des préceptes religieux, ni même parfois, du nationalisme juif.

 

Ces trois courants possèdent tous une portion de vérité, mais chacun d'eux croit détenir l'authenticité unique. Chaque mouvement tente donc, parfois prestement, de persuader l'autre du bien-fondé de ses opinions au lieu de s'imprégner des principes positifs de l'autre.

Malheureusement, des relents de cette inimitié arbitraire envers ceux qui sont différents de nous subsistent encore. Nul n'est parfait, nous avons tout un chacun la responsabilité d’examiner les tares qui sont en nous, de les fustiger et d’y remédier, tout en révélant et en appréhendant les qualités que possèdent autrui.

C'est le cas au niveau individuel et également sur le plan collectif: les nationalistes doivent comprendre le rôle essentiel des lois thoraniques et les religieux doivent admettre l'importance de l'Etat.

 

Chacun doit conserver sa spécificité. Le patriarche Jacob avait douze fils dont chacun reçut une bénédiction différente et appropriée. Ensuite, Moïse a entériné ces différences au niveau des tribus qui toutes ensemble, allaient construire la Nation juive unifiée. Nous sommes cependant convaincus que la haine gratuite disparaîtra totalement.

 

Le Rav Kook estimait qu'aucune collectivité à l'intérieur du peuple juif ne pouvait être parfaite, c'est pourquoi il ne se réclamait d'aucun courant spécifique. Il appartenait à tous les courants et tendances du peuple juif. Nous aussi, nous devrions pouvoir nous reconnaître au travers tout ce qui est positif dans tout mouvement, quel qu’il soit, au sein de notre société. Ce qui fut détruit par haine gratuite ne sera reconstruit que par un amour gratuit.

 

Erich Fromm (1900-1980) en était convaincu : « L’amour n’est pas un sentiment à la portée de n’importe qui. » Rompant avec la vision romantique des philosophes du XIXe siècle – qui concevaient l’amour comme un affect passif, au sens où il s’emparait du sujet sans prévenir et prenait possession de lui –, le psychanalyste estimait que l’amour était une « activité ».

 

Il était un « prendre part à » et non un « se laisser prendre », écrivait-il. Quiconque aspirait à connaître l’amour se devait dès lors de le considérer comme un art.

Plus question de s’en remettre au hasard en espérant être touché par les flèches de Cupidon.

 

Il fallait au contraire, en adoptant une démarche volontariste, apprendre à aimer. Le désarroi face à l’amour est resté le même. Loin de prétendre donner des recettes miracles, il entendait plutôt signaler les écueils à éviter et suggérer des voies pour accéder à une forme d’union épanouissante, harmonieuse et durable.

 

Pour passer maître dans l’art d’aimer, il faut « procéder de la même manière que pour apprendre n’importe quel autre art, à savoir la musique, la peinture, la charpenterie ou l’art de la médecine ». C’est-à-dire commencer par acquérir un ensemble de connaissances théoriques, puis s’attacher avec assiduité à les mettre en pratique.

 

La plupart des candidats à l’amour commettent généralement trois erreurs :

La première est de croire que « le problème essentiel de l’amour est de savoir comment être aimé alors qu’il s’agit d’apprendre à aimer ».

La deuxième est de « supposer que le problème de l’amour est un problème d’objet et non de faculté ».

La troisième, enfin, est de confondre l’expérience initiale de «tomber » amoureux et l’état permanent «d’être amoureux », ou mieux encore, de «se tenir dans l’amour ».

 

L’engouement des premiers temps, n’est pas assimilable à l’amour, Il n’est que le reflet de nos solitudes antérieures.

Ce n’est qu’après, dans la connaissance de l’autre, que l’on peut accéder à l’amour, « qui consiste essentiellement à donner, non à recevoir ».

Fromm insiste à juste titre sur l’importance de surmonter notre narcissisme et notre besoin de dépendance pour accéder à un véritable échange.

 

L’une des clés de la réussite amoureuse est effectivement d’admettre que l’être idéal (le « bon objet ») n’existe pas, d’apprendre à composer avec ses imperfections et à travailler sur les nôtres. « Se tenir » en amour, c’est faire inlassablement ce travail. Sinon ce sera l’expérience de la solitude, qui suscitera très vite l’angoisse.

Etre seul signifie être coupé de, sans être du tout en mesure d’exercer mes facultés humaines.

 

Dès lors, être seul signifie être démuni, incapable de saisir le monde – objets et personnes – activement; cela signifie que le monde peut m’envahir sans qu’il soit en mon pouvoir de réagir.

 

De plus, la solitude suscite un sentiment de honte et de culpabilité: sentiment qui s’exprime dans l’histoire biblique d’Adam et Ève.

Après avoir mangé de « l'arbre de la connaissance du bien et du mal », après avoir désobéi, après leur naissance comme êtres humains – ils virent «qu’ils étaient nus – et ils eurent honte ». Devenus conscients d’eux-mêmes et l’un de l’autre, l’homme et la femme prennent aussi conscience de leur séparation et de leur différence, dans la mesure où ils appartiennent à des sexes différents.

 

Mais tout en reconnaissant leur séparation, ils restent étrangers parce qu’ils n’ont pas encore appris à s’aimer l’un l’autre (ce qui est aussi mis en lumière par le fait qu’Adam se défend en blâmant Ève plutôt qu’en essayant de la défendre).

La conscience de la séparation humaine, sans réunion par l’amour – est source de honte. Elle est en même temps source de culpabilité et d’angoisse. Ainsi donc, le besoin le plus profond de l’homme est de surmonter sa séparation, de fuir la prison de sa solitude.

 

L’homme, – de tout âge et de toute culture – se trouve ainsi confronté à la solution d’un seul et même problème: comment surmonter la séparation, comment accomplir l’union, comment transcender sa propre vie individuelle et trouver l’unicité

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