Histoire intime : je perds le premier Israélien que j'ai rencontré dans ma vie, par Ftouh Souhail

Histoire intime : je perds le premier Israélien que j'ai rencontré dans ma vie par de Ftouh Souhail

C'est avec une peine profonde que j’ai appris ce dimanche,  une triste nouvelle qui m'est parvenue d'Israël.

Je viens de perdre un ami intime qui s’appelle Robert Lemaire. C’était pour moi le premier Israélien que j'ai rencontré dans ma vie.

Je note cela car cela a été pour moi une expérience unique en son genre. On m'avait toujours dit et appris, quand je grandissais en Tunisie que les Israéliens étaient des sauvages qui détestent les Arabes.

Dans mon enfance, je ne savais pas exactement ce qu’était un Israélien. Je n’en avais jamais rencontré. Tout ce que je savais, c’était que les Israéliens étaient censés être « des soldats terrifiants» qui tuaient les enfants arabes palestiniens, détruisaient leurs habitations et volaient leurs terres.

L'expérience avec cet ami est inédite et elle a commencé en 2007 lorsque j'ai commencé à écrire sur  des sites juifs et israéliens. 

Il m'avait contacté la première fois, en juin 2007, pour savoir si vraiment j’existais. Comme beaucoup à l’époque, il pensait que j'étais un personnage fictif crée de toute pièce. J'étais décrit d’ailleurs jusqu'à 2010  ''comme un Tunisien dont l’amour pour Israël est inconditionnel et dont les propos sont plus sionistes que le plus radical des sionistes''.

Au début on a échangé plusieurs émails. Toutefois, il doutait encore (comme il m'avait lui même dit plus tard) de la réalité de mon existence. Il voulait en savoir plus sur ''le personnage de Ftouh Souhail''.

En 2008 il m'a envoyé, depuis Israël, plusieurs lettres par la voie postale pour vérifier que j'existais. Mais je n'ai reçu qu'une seule lettre parmi plusieurs lettres envoyées.

En effet, les autorités tunisiennes interceptaient et empêchaient systématiquement tous les courriers venus de ''l'entité sioniste''. Une seule lettre a échappé au contrôle de la dictature de l'époque. Je l'ai gardé en souvenir. C’était un miracle.

En réponse, je lui ai envoyé aussi plusieurs missives et cartes postales de mon pays. Et à chaque fois c’était un problème lors de l'achat du timbre postal. La poste tunisienne ne reconnaît pas Israël, dans la liste des pays existants.

Les agents de l’agence postale m’imposaient d'ajouter la mention ''Palestine occupée '' sur l'enveloppe. Chose que je refusait bien-sûr par principe.

J'ai trouvé alors un autre moyen pour lui expédier mes lettres. J'envoyais les missives par la France et de là-bas elles étaient réexpédiées en Israël.

Pour mettre fin à son doute sur mon existence, en 2008 il a décidé carrément de prendre l'avion et de venir avec son épouse en Tunisie via la France. J’étais tellement heureux que je comptais les jours jusqu'à son arrivée. Car ce serait pour moi une occasion de découvrir autre chose sur un citoyen venant de ce pays.

Quelques jours avant son arrivé, la police politique de Ben Ali ( qui surveillait les email et les échanges postaux) me convoquait pour en savoir plus sur cette visite.

"Un sioniste viens chez toi" ? "Comment tu le connaissais" ?"" Il fait quoi" ? ""As t-il travaillé dans l'armé de l'occupation"? ''As t-il tué des Palestiniens''? C’était ce genre de questions stupides que de hauts fonctionnaires tunisiens me posaient.

Pendant plus que cinq heures je suis resté dans un grand commissariat du service de la sécurité des frontières à ( l' Ariana ) pour expliquer la nature de la visite de mon ami. A la fin de l’entretien ils ont exigé que son entrée sur le territoire tunisien se fasse à deux conditions :

La première était que je devais fournir, en avance, toutes les adresses de résidence, les lieux et le parcours visités et les personnes rencontrées durant son séjour de sept nuits.

La seconde est que je devais accepter qu’on soit suivi par une voiture de police banalisée tout au long du séjour.

Je n'avais pas le choix de toute façon. J'ai accepté ces conditions. Sinon il n'aurait pas pu entrer en Tunisie.

Arrivé à l’aéroport Tunis-Carthage, il a eu droit- avec son épouse- à un interrogatoire approfondi par les services de contre espionnage tunisien pour s’assumer surtout qu'il n'était pas un ''agent du Mossad''. ( Il faut dire que les Arabes en général ont une peur bleu de cette organisme de renseignements). Ils ont aussi vérifié avec lui la conformité des informations que j'avais données. Le contenu de son ordinateur personnel a été vérifié ainsi que son téléphone cellulaire.

Néanmoins on a passé toutefois des moments agréables au pays du Jasmin. Tout au long de sa visite il fallait supporter la surveillance rapprochée. Une voiture Renault 19 nous surveillait jour et nuit. Depuis les fenêtres, au rez de chaussé, des hommes en civils surveillaient toute entrée et sortie de la maison à El Menzeh 6 ( banlieue de Tunis).

A la maison, on a même communiqué parfois par des feuilles de papier pour plus de confidentialité...

La fréquentation de ce couple durant ce séjour en Tunisie a démystifié les Israéliens à mes yeux. Ce sont des humains comme nous, ni plus, ni moins.

Nous avons toujours maintenu le contact depuis et c'était un ami très cher.

J’estime que je suis chanceux car des millions de jeunes qui vivent encore dans les pays arabes aujourd’hui continuent de croire que les Israéliens sont des monstres.

La disparition, ce dimanche, de cet ami m'a fortement secoué mais je dois transformer cette tristesse en une force positive qui, j’espère, me donnera plus de courage pour défendre encore plus Israël. Ce soir, je pense à sa famille endeuillée et éprouvée.

Sachez, qu'aux quatre coins de la planète, des musulmans vous aiment et soutiennent Israël avec ferveur.

Que son Âme bénie, repose en paix.

Souhail Ftouh